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MOGADISCIO

Publié par le 30 mars 2014

LA FOLLE DE FAIM

 

Les quasi-cadavres dansent
Sous le ciel immense

Qu’elle a mal à l’âme
Celle-là qui sans vice
Ô Dieu la pauvre femme
Exhibe son entrecuisse.

Matin en cité de misère
Le soleil d’Est rougit de sang
Lèche
Les hauts minarets
Que le temps
La guerre
Ebrèchent

Kader Dajango toujours pas là
Kader qu’est-ce qu’il fout
Il avait dit rendez-vous
Hôtel Sahafi Mogadiscio.
Pas là Kader Dajango
Le Hobo il a dormi pas trop
Il sait pas trop où

Il s’est trouvé un café
Un trou d’ombre
Sous des arcades
Rongées de sel
Crevées de balles
Au menu du thé épais
Comme un miel amer
Des beignets de poisson

Devant de pauvres échoppes
D’un petit marché
S’y pressent lentement
Les gestes et le pas épuisés
De longs gens maigres
Noirs
Peuple de criquets
Fait d’os
De peau foncée
Et de détresse

Les dames se voilent
De couleurs gaies
Que le soleil déchaîne
Rose mauve turquoise ou vert
C’est des rideaux de fête
Tendus sur des cercueils
Les messieurs s’en vont méchants
Groupés
Les faces en haine
Les bras armés

Une femme s’approche
Elle est vieille dit sa face plissée
Disent sa démarche hésitée
Et ses jambes tordues
Ses pieds nus sont sales
Du sable en poussière
Des caniveaux

Elle porte une mini robe fluo
Rose
Sexe et disco
Coupée pour une femme
Plus petite qu’elle
Ses cheveux coupés ras
Epines dressées
Lui font un casque
De fille de nuit
Une minette en chasse
Au masque
Trop ridé

Le Hobo elle l’a repéré
Le Blanc qui boit du thé
Qui fume des américaines
A côté du verre y’a le paquet
La vieille elle se glisse sous l’auvent
Ses grands pieds
Noirs
S’accrochent au dallage blanc
Cassé
La robe rose sur ses cuisses
Noires
Dénudées bien trop haut
Au col une dentelle déchirée
Souligne
Trop
Les pointes rigides
De ses seins plats

Elle s’arrête devant le Hobo
Sourit
De sa bouche sans dents
La folie que le Hobo découvre
Dans les grands yeux fixant
Noirs
N’a pas de fond
N’a pas de nom

Le Hobo il se coince
Le clope aux lèvres
Glisse la main dans sa poche
Se tord pour atteindre
Le pognon du fond
Trouve trois billets passés
Les offre à la femme

Elle cuisses ouvertes
Compas en os
Noirs
Un air langoureux
Passe en brume
Au loin profond
Des yeux
Noirs
Elle passe la langue
Sur ses lèvres en crevasses
Saisit le bord de sa robe
Rose
Petits doigts relevés
Ossements
Noirs
Soulève
Montre sa fente
Comme un trait d’encre
Noire
Entre des maigres duvets
Blancs

Elle s’arque
S’écarte
S’offre un temps
Et laisse retomber
Le bord de robe
Toise le Hobo
Regard hautain
Femme en victoire
D’un index
Noir
Tordu
Désigne
Le paquet de cigarettes

D’un hochement de paupières
Le Hobo il consent
Il aimerait dire un mot
Dire qu’il comprend
Qu’il sait la misère
Le Hobo
Mais les mots il les trouve pas

Sans le quitter
Du ricanement de son regard
Vide
Noir
Elle s’empare du paquet
Blanc
Reprend son chemin
Hagard
Sous les arcades

Dans l’atelier voisin
Pas loin du Hobo
Une troupe de mécaniciens
Fait démarrer une moto
Déglinguée
Qui crache
Du tourment noir

 

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