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Trop c’est trop !

Publié par le 24 septembre 2014

 

Au comptoir de l’hôtel du Gros-Colon sont assis messieurs Grandjaune (commerçant) et Labière (salarié expatrié); le serveur indigène en veste blanche se tient en faction devant eux ; en arrière-plan, un ventilateur de plafond tourne paresseusement.

Grandjaune :
(se curant les dents)
A ceux qui pleurnichent sur les prétendues famines et autres misères du Tiers-monde, je rappelle ceci : la première conséquence des aides alimentaire, sanitaire et financière aux sous-développés de tout poil, c’est l’explosion de la natalité !

Labière :
C’est comme moi. Ma sœur et son mari ne peuvent pas avoir d’enfant. Ils m’ont demandé de leur en trouver un à adopter…

Grandjaune :
(contemplant un bout de viande au bout de son cure-dents)
Quoiqu’en disent les experts internationaux abondamment stipendiés pour leurs pieux mensonges et autres idéalistes de la charité sponsorisée, le premier souci des peuples rescapés, une fois retrouvée l’intimité de la hutte reconstruite, c’est de participer activement à la surpopulation planétaire !

Labière :
(allumant un cigare)
Mon beau-frère a été nommé au siège, en métropole. Du coup, avec ma sœur, ils se sentent un peu seuls dans leur grande villa du Lubéron…

Grandjaune :
Tandis que, suivant leur proverbial bon sens, les Indiens et les Chinois stérilisent leurs femelles à tour de bras, nous suscitons la venue au monde de hordes marmailleuses qui débordent des écoles en ruines, épuisent professeurs et éducateurs, répandent la terreur dans les rues à la moindre occasion et, malgré ce qu’en disent les optimistes professionnels de la mondialisation heureuse, ne nous achèterons jamais de robots-mixers ni de perceuses multi-usages !

Les mâchoires serrées et le regard noir, il brise le cure-dents.

Labière :
(soufflant un nuage de fumée)
Ils savent qu’il y a de la demande, dans l’adoption, alors ils ne s’emmerdent pas, les salauds. Je n’ai pas trouvé de bébé à moins de 500 dollars. Finalement, j’en ai parlé à notre femme de ménage. Elle m’a proposé son neveu…

Grandjaune :
(empoignant son verre avec une sombre détermination)
Dans notre habituelle inconscience occidentalo-chrétienne, nous dépensons les milliards durement gagnés par nos usines à favoriser la croissance de troupeaux entiers de futurs soldates et soldats bientôt prêts à nous égorger en braillant des chants nationalistes et en brandissant des portraits de leurs leaders…

(Il vide son verre et frappe du poing sur le comptoir)

Cessons de nourrir la main qui va nous mordre ! Réservons nos richesses, programmes éducatifs, vitamines et vaccins pour nos chères têtes blondes, car elles seront demain notre dernier rempart !

Labière :
(souriant, faisant signe au serveur)
Naturellement, il lui manque une jambe, mais à 250 dollars, ça devient intéressant. Et puis, je devrais pouvoir me faire rembourser, au bureau…

(Après une révérence, le serveur remplit leurs verres)

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