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Bouquin-quizz n°4

Publié par le 20 octobre 2014

Bonjour à tous.

Voici un extrait de…
Je veux dire d’un roman de…
Non. Finalement, je ne vais pas vous l’indiquer. Ça vous amusera peut-être d’essayer de deviner.

Indices : Il s’agit d’un grand roman d’aventure, écrit par un maître du genre, le plus souvent considéré – pas forcément à juste titre, à mon avis – comme un roman « jeunesse », parce que le héros principal en est un animal.
Et si ça ne vous amuse pas de deviner, je vous conseille de le lire quand même. Ça vaut !

Chapitre premier : LA PISTE DE LA VIANDE

La sombre forêt de résineux se resserrait de chaque côté du fleuve gelé. Les arbres, qu’une récente bourrasque avait dépouillés de leur blanche couverture de givre, semblaient se pencher les uns vers les autres, ténébreux et inquiétants dans le jour blafard. C’était le règne du silence et de la solitude, un monde figé, si froid et si désolé qu’il se situait au-delà même de toute tristesse. En fait, on y percevait plutôt comme l’ébauche d’un rire, un rire amer pareil à celui du Sphinx, un rire sinistre et angoissant participant de l’inéluctable. C’était l’impérieuse et indicible sagesse de l’éternité qui manifestait sa dérision à l’égard de la vie et ses vaines entreprises. C’était l’immensité sauvage et glacée du Grand Nord.
Pourtant, la vie était bien là, présente tel un défi.
Des chiens-loups progressaient péniblement sur le fleuve gelé. Leur épaisse fourrure était raidie par le givre et leur souffle formait des nuages vaporeux qui se condensaient rapidement en de minuscules cristaux de glace. Harnachés de cuir, ils étaient attelés à un traîneau qu’ils tiraient derrière eux. C’était un traîneau sans patins, un robuste assemblage d’écorce de bouleau qui reposait sur le sol de toute sa surface. L’avant en était recourbé, ébauchant un rouleau, ce qui lui permettait de franchir plus aisément les vagues de neige molle qui se dressaient devant lui en un incessant mascaret. Sur le traîneau était solidement arrimée une caisse longue et étroite. On y trouvait également des couvertures, une hache, une cafetière, une poêle à frire et d’autres choses encore… Mais c’était la masse oblongue de la caisse qui occupait presque toute la place.
En avant des chiens progressait un homme chaussé de larges raquettes de neige. Derrière l’attelage, un autre fermait la marche. Et sur le traîneau, dans la caisse, il y en avait un troisième dont le Grand Nord avait fini par venir à bout et qui ne se relèverait jamais plus pour reprendre la lutte. Car le Grand Nord est hostile à toute forme de vie, le moindre mouvement lui fait injure : il lui faut donc l’éliminer. Il gèle les eaux pour les empêcher d’atteindre la mer. Il fige la sève des arbres jusqu’à ce qu’ils en crèvent. Mais c’est à l’homme qu’il s’en prend avec le plus d’acharnement et de férocité afin de le réduire à sa merci. Parce que l’homme est un être infatigable, en perpétuelle révolte à la seule idée que tout mouvement puisse être inexorablement condamné.
Pourtant les deux survivants, de part et d’autre de l’attelage, avançaient avec calme et détermination.
Vêtus de fourrure et de cuir souple, ils avaient les cils, les joues et les lèvres recouverts de fins cristaux de givre au point qu’il était impossible de discerner les traits de leur visage. Ces masques livides leur donnaient l’air de deux spectres, de deux croque-morts surnaturels conduisant des funérailles dans un monde fantomatique. Mais il s’agissait bien de deux hommes lancés au cœur de la désolation et du silence, aventuriers dérisoires confrontés à la colossale puissance d’un univers aussi implacable et démesuré que les lointains espaces sidéraux.
Ils progressaient sans proférer la moindre parole afin d’économiser leur souffle. Autour d’eux s’appesantissait un silence d’une densité presque palpable. Et leur esprit en subissait des effets comparables à ceux qu’exerce la pression des grandes profondeurs sur le corps des plongeurs. Ce silence les accablait sous le poids de l’infini et de l’irrévocable. Il pénétrait les plus obscurs recoins de leur conscience, en éliminait, comme le jus d’un fruit que l’on presse, toutes prétentions et toute vaine exaltation, ces faux-semblants de l’âme humaine, les réduisant ainsi à ce qu’ils étaient réellement : deux grains de poussière ni très adroits ni très malins, livrés aux déchaînements aveugles des forces naturelles.

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