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Grève à Rafiot-France

Publié par le 8 avril 2015

 

 

Au comptoir du Café des Trois-Pigeons, on découvre Blancassine (42 ans, chômeuse en fin de droits), Beaujole (36 ans, pré-retraité) et Calvadet (invalide pensionné) ; en face d’eux se tient le cafetier Fricandot, une bouteille à la main ; à leur droite, la vitrine constellée d’autocollants publicitaires donne sur une nuit pluvieuse ; derrière le groupe, la salle est obscure, lampes éteintes par mesure d’économies.

Blancassine :
(Se grattant la toison d’aisselle)
Moille, j’vous l’disez comme ça m’est apparaîssé : à entendre comment que l’nouveau dirlo de Radio-France y dit t’ouvertement qu’y veut supresser les orchesses du fil-à-Monique de la maison, ça n’m’étonne pas qu’y soit échoué sur la grève !

Calvadet :
Ah ça : Faut pas tuer la poule plus vite que la musique…

Beaujole :
(De l’index, il fait signe à Fricandot de remettre la tournée)
Moi, c’est kif-kif : le classique, j’affectionne. Quand y’a de la musique à la télé, je lâche pas la zapette aux gosses, espère. Toutes ces gonzesses en robe du soir avec leurs têtes de saintes-nitouches, ça me porte au poétique, si tu vois ce que je veux dire !

Blancassine :
Si n’y’a pus de récitaux à des prix n’abordabes, eul peupl’ y’n’pourra plus jamais écouter de symphonies de Malheur ou de Bite-au-vent. Adieu, le beau vélo de la Nacelle ! Adieu, les sonneries du Bac ! Adieu, le con qui sert tôt dans la raie du majeur ! Total des courses : ça s’ra encore plus le dessert culturel qu’avant !

Calvadet :
(De l’index, il fait signe à Fricandot de remettre la tournée)
Ah ça : On bat la mesure tant qu’elle est chaude…

Beaujole :
Je t’accorde que les mecs au violon ont souvent des allures de tarlouzes à mèches, mais si tu regardes bien, t’as toujours une petite flûtiste dans un coin. Moi, la position des lèvres sur la traversière, ce n’est plus du poétique, que ça me fait, c’est carrément l’hymne à la  braguette ! Et je ne parle pas de la braguette du chef d’orchestre…

Blancassine :
Un peuple, ça a besoin d’la née cécité de son histoire. Et l’histoire de France, excuse-moi du creux, ça n’vaudrait pas girouette si n’y’avait pas tous nos grands musiciens : Tchaïsesovensky, Vivendi, l’avenue Mozart, La Truite du chou d’Albert, Bela Mastok et Carl d’Orfraie, sans compter Adagiobinoni…

Calvadet :
Ah ça : Une blanche avertie vaut deux noires !

Beaujole :
Mon beau-frère, chez lui, il a La Maladie d’Amour de Michel Sardou en version symphonique. Au milieu, il y a un solo de clarinette à se mettre à genoux devant. Ça n’est pas de la flûte traversière mais on s’en fout : quand c’est beau, c’est beau, y’a pas !

Blancassine :
C’qu’y veulent, c’est la fin de la cultivation ! C’qu’y veulent, c’est des z’animateurs qui font des vannes de cul avec des gros-niqueurs qui servent leurs gros-niques ent’ deux couenneries ! C’qui veulent, c’est des bulletins d’la météozoologie et des bottes publicitaires ent’ les deux ! Alors, les orchesses de la saint-Phonie, tu penses…

(De l’index, elle fait signe à Fricandot de remettre la tournée)

T’as qu’à voir à l’heure eud’midi… En trente t’années, y sont passés du « Tribunal Des Flagrants Délires » z’avec Desproges à «La bande Originale » z’avec Nagui. Tu m’diras pas qu’on n’y z’a gagné t’au change, merde !

Calvadet :
Ah ça :La puissance industrielle au service de la clé de sol !

Beaujole :

C’est une collection qu’il a, mon beau-frère. « Les Plus Célèbres Mélodies Par Les Plus Grands Orchestres En Douze CDs ». Il dit que la musique, ça lui a fait découvrir l’existence. Pourtant, il est pas mélomane, mon beau-frère…

Fricandot :
(s’approchant)
Celle-là, c’est la mienne !

Il remplit les verres.

 

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