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Olivier

Publié par le 28 décembre 2016

 

Il était homosexuel, né dans les années soixante, à une époque où on pouvait encore en souffrir sévère. Terrible. Sévère. Terrible.
Mais il gardait ses questions et ses frayeurs pour lui, tandis que nous grandissions gentiment dans la torpeur d’une ville provinciale, nous préparant, comme les autres petits bourgeois du patelin, à en prendre un jour les rênes.

Quand, au mitan des années soixante-dix, nos parents ont décidé de bousiller nos adolescences parce que c’était la mode, qu’il fallait s’épanouir, que ce n’était pas si grave de divorcer et autres fadaises, on s’est retrouvés loin l’un de l’autre, chacun dans une ville qui n’était pas, ne serait jamais la nôtre, des maisons où nous ne serions plus jamais chez nous.
Depuis lors, je n’ai rien su de ses blessures.
Depuis lors, il ne connut rien de ma détresse.

L’âge des plaisirs venant, il s’est mis à fréquenter des garçons sauvages et sombres qui l’ont entraîné vers des coins obscurs, oh très obscurs de l’existence.
C’était son aventure à lui.

Et puis enfin, après bien des années de larmes, de terreurs et de souffrances, il a connu l’amour, le grand, le vrai, auprès d’un homme bon, simple et solide qui se prénomme Denis.

Dès que la loi le rendit possible, le maire du XIème arrondissement de Paris les maria, ajoutant aux formules du rituel des phrases souriantes qui, aujourd’hui encore, ronronnent en douce braise dans un recoin de mon cœur.
Parce que j’y étais.
Oh oui, j’y étais !

Comme de juste, au sortir de la mairie, il ne s’appela plus Olivier Poncet, mais du nom de son mari, Olivier Prévot.

Il devînt photographe, éditeur, journaliste, en indépendant, puis dans sa propre entreprise de presse, L’Esprit De Narvik, et enfin dans le magazine Causeur dont l’aventure numérique, puis papier, semblait le passionner.

Un Monsieur, quoi.
Un gars, un vrai.
Un qui en a.

Pour moi, il est le partenaire d’un jeu que nous avions inventé, qui consistait à envoyer l’une contre l’autre les petites voitures de nos deux collections à fond la caisse sur la grande table sur tréteaux qui occupait ma chambre.
Pour moi, il est ce gamin un peu poupin qui calculait comme un diable ses trajectoires pour faire gicler ma bagnole sur la moquette.
Pour moi, il est celui-là qui riait si fort que son grand frère jouât avec lui.

Un AVC vient de l’emporter à cinquante ans même guère plus qu’et demi.
Le soir de Noël. Tu causes d’un cadeau !

Alors, confidence, si par hasard vous me croisez sur un des sentiers de ma chère montagne où j’étais venu choyer ma nouvelle année, ne me parlez pas.
Surtout ne vous gaussez pas de mes larmes.
Ne me regardez même pas.
Laissez-moi…
Laissez-moi…
Laissez-moi…

 

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