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Les Guerriers perdus, le film – Épisode 03

Publié par le 2 mars 2019

 

Grandissime scénario de film d’aventure et néanmoins d’exception par Thierry Poncet, adapté de son ô combien palpitant roman du même nom, paru aux remarquables et remarquées éditions Taurnada.

 

INT Nuit, maison

La porte d’entrée de la maison de Haig s’ouvre. Bois grossier, loquet rudimentaire, bas des planches qui racle le carrelage. Haig entre et s’efface pour laisser entrer Carlo et Félix. Haig est à l’aise avec son gros pull et son bonnet. Carlo et Félix, en chemises sous leurs blousons de cuir, accusent le froid.

Flint, inconscient, est affalé sur la table. Devant lui, outre la bouteille que lui a laissée Haig, il y en a une autre, aux trois quarts vides. L’homme a les yeux blancs, la bouche écumante. On peut éprouver un peu d’inquiétude pour lui : n’aurait-il pas fait une syncope ?

Alors que les deux nouveaux arrivants observent méthodiquement les lieux, de deux paires d’yeux aux mouvements jumeaux, Haig ravive la lampe à essence, se saisit de la seconde bouteille de scotch, constate son presque vide et soupire avec désapprobation. Il secoue l’épaule de Flint.

Haig :
Eh, vieux poivrot !

Pas de réaction.

Haig :
Abruti ! Faux marin ! Marchand de conserves ! Suceur de touristes ! Baiseur de gamines ! Crétin d’Irlandais. ANGLAIS !

À ce dernier qualificatif, un semblant de révolte agite le visage de Flint, qui retombe aussitôt dans son coma. Haig, haussant les épaules, va chercher une nouvelle bouteille pleine, trois verres et les rapporte à la table.

Haig :
Installez-vous, messieurs.

Il jette un morceau de tourbe dans le foyer. Carlo s’installe d’autorité dans la meilleure chaise, un presque fauteuil – celui qu’occupait Haig tout à l’heure. Avisant à côté la guitare sur son support, il en gratte distraitement les cordes.

Félix, qui était en train d’examiner un très gros livre ancien à reliure de cuir range avec délicatesse celui-ci à sa place, empoigne d’une main le paletot de Flint, soulève le bonhomme et le balance au loin sur le carrelage d’un geste aussi brutal qu’indifférent. Flint s’ouvre le front sur le sol. Il sort un instant de son évanouissement, tâte la plaie, observe le sang qui macule le bout de ses doigts, rigole de façon comique et se rendort paisiblement.

 

INT Nuit, maison

Les trois hommes à table boivent.

Félix :
Alors, le voilà, ton repaire ?

Haig :
Comment vous m’avez trouvé ?

Carlo :
Le dealer de poudre dans le music business à New York. On l’a croisé en Birmanie.

Haig :
O’Keefe ? Je ne lui ai jamais parlé de cette baraque.

Félix (sourire en coin) :
Peut-être qu’il a ses renseignements…

Le regard de Haig se durcit : visiblement, l’idée que cet O’Keefe connaisse sa retraite lui déplaît.

Félix :
Tranquille. Il nous a aiguillé sur ce collectionneur de livres à Brooklyn.

Haig :
Gleeson ?

Haig ne détend pas : l’idée que les deux brigands aient rendu visite au dénommé Gleeson ne lui plaît pas plus que la précédente.

Carlo :
Tranquille.

Félix :
Tranquille. On a fait les choses bien. On s’est présentés comme des mecs qui voulaient investir dans les vieux bouquins. On a fait la conversation et puis, une chose après l’autre…

Haig (retrouvant le sourire) :
Bien joué.

Carlo :
Professionnels.

Félix :
Professionnels.

Haig :
Hmm… Alors, qu’est-ce qu’on a ?

Félix ressort le paquet de photos de sa poche et le lance devant Haig qui l’ouvre.

Plans sur les photos qu’observe Haig : une dizaine de vues de Vanda en compagnie ou non de ses deux sbires, souvent devant une discothèque dont l’enseigne néon annonce : Wendy’s. Tous les clichés montrent qu’elle vit dans le grand luxe : limousines, fourrures, etc…

Pour la conversation qui suit, alternance de plans sur les photos et plans sur les personnes. Il est important que le ton des répliques soit naturel, exempts de toute emphase. Leur immoralité réside uniquement dans le contenu, sans fanfaronnades. Ce sont des propos routiniers de professionnels de la violence qui échangent sur le boulot.
Rappel : on n’est pas à Hollywood, avec ses bons et ses méchants, mais dans la réalité du monde clandestin : méchants, très méchants et plus que méchants.

Haig :
Il y avait un troisième blond, à la mine…

Félix :
Les Georgiens, ouais. Y en a qui s’est perdu en route. On a récolté des témoignages comme quoi ils ont pas mal travaillé à l’est. Ça a beaucoup bougé par là, ces dernières années, depuis la chute du mur. Le gars a dû se faire descendre pendant un commerce ou un autre…

Carlo :
Ou bien elle l’a niqué elle-même. Elle en est capable. C’est un diable, cette femme.

Félix :
Tous ceux qui nous ont parlé d’elle l’ont décrite comme une tueuse. Elle a semé la terreur là-bas dans l’est…

Carlo :
Une salope sans pitié.

Haig :
Tout ça, c’est à Miami, non ?

Félix :
Miami Beach, oui. Apparemment, elle a décidé de se calmer. Avec le pognon qu’elle a dû amasser, elle peut carrément prendre sa retraite.

Carlo :
Ou alors la boîte lui sert de couverture pour d’autres trafics. Ça expliquerait pourquoi elle entretient une vraie armée autour d’elle.

Haig :
Ouais ?

Félix :
On n’a pas de photos, mais on les a vus. Des types de l’est et aussi des Cubains du coin…

Haig :
Elle va être dure à avoir.

Carlo :
Avec du fric, une bonne organisation, une stratégie du type embuscade, c’est jouable. Je ne veux pas lui prendre son business, ni la torturer ni rien. Lui mettre une balle dans la tête, ça me suffit… (Silence, puis, sur le ton de la plaisanterie) Remarque, peut-être une dans la chatte, avant, mais seulement pour le principe…

Rire cruel des trois hommes. Du fond de son coma éthylique, Flint entend quelque chose car il rigole bêtement lui aussi. Pendant ce temps, Félix a saisi le paquet de photos, en a extrait une et l’a posée devant Haig.

Félix :
Et celui-là, tu le connais ?

C’est le portrait d’un gros métis aux dreadlocks hérissées striées de cheveux gris qui adresse un doigt d’honneur à l’objectif.

Haig :
Baltimore !

Félix :
Il est basé à Miami depuis trois ans. Il est très bien placé chez les Cubains. Cocaïne. Putes. Petits garçons… Baltimore, quoi. C’est lui qui l’a repérée et qui nous a fait signe.

Haig :
Un sacré atout pour nous, s’il ne s’est pas ramolli en vieillissant.

Carlo :
Baltimore ? Il est pire qu’avant !

Félix :
C’est une bombe. Même moi, des fois, il me fout les jetons.

Haig :
Comment il vous a retracés ?

Carlo :
Professionnel.

Félix :
Travail de pro.

Haig :
Vous étiez sur quoi ?

Silence de plusieurs secondes. Ni Carlo ni Félix ne sont partants pour donner plus de précisions.

Carlo :
J’ai entendu dire que Boogie et Karzan bossaient ensemble sur des convois de camions en Afrique, il y a de ça deux ans, deux ans et demi.

Haig :
Ils y sont toujours. Je les ai croisés l’année dernière. J’ai livré une cargaison d’armes à une bande de Touaregs cinglés dans le coin.

Félix :
Islamistes ?

Haig :
Pas encore tout à fait, mais bien fondus sur la religion, déjà. Ils avaient des instructeurs étrangers. Des Saoudiens, ou des mecs dans le genre…

Félix :
Terroristes ?

Silence.

Haig :
Vous savez… Islamistes… Islamistes… Pour moi, les méchants de l’histoire, c’est tous ces financiers qui s’en foutent plein les poches. Tout ce qui peut foutre la merde au capitalisme, c’est bon à prendre.

Nouveau silence.

Félix (soupirant) :
Haig, l’intello.

Carlo :
Eh, l’anticapitaliste, ils payaient bien, tes Arabes ?

Haig (rigolard) :
Mieux que bien !

Les trois hommes rient de concert. Haig remplit les verres. On trinque dans la bonne humeur.

Carlo (coupant les rires) :
Bon. Manque plus qu’à trouver Loum.

Haig :
Pour ça, pas de problèmes. Je sais où il est, l’orang-outan !

 

CUT

 

(À suivre)

 

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