browser icon
You are using an insecure version of your web browser. Please update your browser!
Using an outdated browser makes your computer unsafe. For a safer, faster, more enjoyable user experience, please update your browser today or try a newer browser.

Les Guerriers perdus, le film – Épisode 07

Publié par le 30 mars 2019

 

D’après mon roman Les Guerriers Perdus, éditions Taurnada, 235 pages, 9,99 €.

 

EXT Jour, piste

Une Citroën « Méhari » roule sur une piste de sable, poursuivie par un nuage de poussière. La caméra s’approche. On reconnaît Karsan au volant et Haig sur le siège passager.

 

EXT Jour, garage

La méhari emprunte une piste secondaire et entre dans un périmètre entouré d’un grillage neuf. À l’intérieur s’élève un vaste préau aux piliers de béton et au toit d’aluminium que le soleil fait briller comme de l’argent.

La Méhari longe ce hangar. Dessous s’alignent des camions citernes aux divers états, du relativement neuf au carrément délabré, tous recouverts de la gangue de poussière rousse caractéristique des véhicules sahariens. Autour des camions, des mécanos peuls et touaregs s’affairent. Sons : des appels entre mécaniciens, des ronflements de moteurs et des coups de masse sur du métal.

Karzan arrête la Méhari devant une petite baraque. Les deux hommes descendent. La maison est faite de deux mobil homes sur vérins collés ensemble et présente la vague allure d’un ranch américain. Plusieurs caissons de climatiseurs. Une haute antenne de ferraille avec parabole satellite. À proximité ronfle un générateur gros comme un Algeco, surmonté d’une couche d’air vibrant.

Karzan appuie sur un bouton de sonnette. Son : musique de carillon à la con. La porte s’ouvre sur Boogie.

Boogie : il s’est considérablement épaissi depuis les Philippines ; ses cheveux gras ne cessent de tomber sur son front orné de boutons ; il est vêtu d’un short de sport et d’un marcel que tend sa bedaine, des sandales Adilette aux pieds.

Il reste quelques secondes interdit, l’air méfiant, un verre de pastis plein au poing.

Haig :
Boogie.

Celui-ci s’arrache finalement une sorte de sourire, dévoilant des dents grises.

Boogie (fort accent bordelais) :
Putaing, c’est une surprise. (Il lève son verre). Tu tombes bieng, c’est l’apéro. Tu le fais exprès ou quoi ? Entre, cong, j’ai du pastis. Et dépêche, que ça fait sortir la fraîcheur !

Il s’écarte pour libérer la porte. Haig entre. Karzan va pour le suivre, mais Boogie l’arrête sur le seuil.

Boogie :
Tu vas où, toi ? La transmission du Saviem, elle va se réparer toute seule ou quoi ?

Karzan s’immobilise. On comprend que ce manque de respect le peine et, à un bref regard vers Haig, qu’il est gêné de se faire ainsi rabrouer devant témoin – a fortiori un vieux copain. Il tourne les talons et se dirige vers le hangar. Boogie le regarde s’éloigner, puis, se tournant, remarque le visage réprobateur de Haig.

Boogie :
Je le paye, le vieux. Je le paye bieng, même. Mieux que bieng. C’est comme ça, ici, tu sais bieng : dès qu’on se relâche, y a tout qui se met à merder. Allez vieng, ça s’arrose…

Il ferme la porte.

 

INT Jour, maison

Décor : mobilier neuf, un rien trop tapageur. On se croirait dans un pavillon de banlieue petite bourgeoise au cœur d’une province française.

Longeant un couloir décoré de médiocres toiles de paysages d’Europe, les deux hommes passent devant la cuisine. Décor de fermette, faux rustique, toile cirée sur une table. Le meuble le plus important est un énorme réfrigérateur.

Une femme peul surveille une tambouille sur une plaque électrique. Elle est vêtue d’un tablier de nylon à fleurs sous lequel elle semble nue. Elle est un peu grasse et affiche une expression maussade. Des boîtes de conserve ouvertes et vides traînent à côté de la cuisinière.

Boogie (au passage) :
Eh, toi, apporte des chips et des cacahuètes, on prend l’apéro avec mon copaing.

 

INT Jour, cuisine

La femme jette un regard excédé au plafond avant d’ouvrir un placard bondé de boîtes et de sachets.

 

INT Jour, salon

Une pièce au mobilier prétentieux, avec table basse aux pieds dorés, divans et fauteuils de skaï blanc.

Boogie :
Assieds-toi. Fais comme chez toi, putaing.

Haig obéit. Boogie remplit des verres de pastis, un pour Haig, un renouvelé pour lui. Eau. Glaçons puisés dans un bac isotherme.

Boogie :
Haig, Haig, Haig… Si je m’attendais… (Il tend son verre à Haig, lève le sien, boit, déglutit, pousse un râle de satisfaction). Qu’est-ce qui t’amènes dans le coin. Tu as repris le business avec tes Arabes, là ? (Comme Étienne et Karzan précédemment, il mime le geste de tirer avec une arme).

Haig :
Non.

Boogie :
Ah. Bon. Qu’est-ce que tu deviens, alors ? Toujours dans les combines, j’imagine…

Haig :
On a retrouvé Vanda.

Boogie semble ne pas avoir entendu. Il tourne la tête en direction de la cuisine.

Boogie (gueulant) :
Ça vient, ces amuse-gueules ou quoi ? (À Haig) Putaing de feignasse, celle-là !… C’est que je la paye, tu sais ? Tu imagines : je l’ai mariée ET je la paye…

La femme apparaît, toujours aussi peu joyeuse, pose sur la table basse les deux bols demandés et disparaît aussitôt. Boogie plonge le poing dans les cacahuètes, s’en envoie une cargaison dans la bouche.

Boogie (mâchant) :
Moi, cong, je ne fais plus que dans le légal, gnap, gnap… J’ai un contrat avec une compagnie algérienne de transport de pétrole pour la maintenance de leurs bahuts, gnap, gnap. C’est jamais que des biques, mais ils payent bieng, putaing ! Et quand je dis bieng, c’est même très bieng !

Haig :
On a retrouvé Vanda. Carlo et Félix ont retrouvé Vanda.

Boogie (faisant toujours mine de ne pas avoir entendu) :
Sans compter que les négros, à l’atelier, ils ne coûtent pas bien cher, cong. Gnap, gnap. Bien sûr, il faut leur botter le cul régulièrement pour les faire marcher droit, gnap, mais dans l’ensemble, c’est la bonne vie…

Haig soulève son verre et le fait brutalement claquer contre la table.

Haig :
On a retrouvé VANDA !

Silence. Plan sur Boogie immobile, bouche ouverte, purée de cacahuètes dedans.

Haig (calmement) :
C’est pour ça que je suis là. Cinq mille bornes pour venir vous chercher, Karzan et toi.

Nouveau plan sur Boogie immobile. Haig reprend son verre, boit une rasade.

Haig :
Tu te souviens de ton serment ?

Boogie finit par engloutir son demi kilo d’arachides.

Boogie :
Gloup… Putain, cong, tu n’es pas sérieux, quand même ! C’est une blague ou quoi ?

Haig secoue lentement la tête, l’air grave, pose son verre.

Boogie écarte les mains, paumes en l’air, englobant ce qui l’entoure : le salon de parvenu, la maisonnette américaine, le garage et ses putains de camions de pétrole.

Boogie :
J’ai des responsabilités, moi, cong, je n’ai plus l’âge de jouer aux cowboys et aux indiens…

Haig se lève et sort.

 

INT Jour, couloir

Haig salue d’un doigt à la tempe la femme en passant devant la cuisine.

Boogie (voix off, criant depuis le salon) :
Te fâche pas ! Reviens ! Oh ! Putaing, cong, t’as même pas fini ton verre!…

 

EXT Jour, garage

Haig au dehors. Il regarde la Méhari. Plan sur les clés qui pendent au contact. Haig hausse les épaules, monte à bord et démarre.

 

EXT Jour, terrain d’aviation

La Méhari stoppe dans un nuage de sable devant le petit hangar pourri. Haig saute à terre.

À l’entrée du hangar, dans l’ombre, Momo joue aux dames avec un petit vieux en salopette. Tous deux boivent des bières. Une bonne douzaine de cadavres vides traînent à leurs pieds. Les pions du jeu sont des capsules de bouteilles.

Momo (visiblement éméché) :
Wououou, mon frère en Dieu… Mais alors la visite a été courte avec tes amis…

Haig :
On peut repartir sur Ségou tout de suite ?

Momo (sourire rusé) :
Wououou, ça va faire cher…

Haig (pas d’humeur accommodante) :
Cher combien ?

Momo :
Mille !

Haig rigole sans joie, sort une liasse de sa poche, en extrait deux billets de cent dollars qu’il tend à Momo.

Haig :
Bouge-toi le cul, mon gros.

 

EXT Jour, piste de décollage

Le Cessna face au désert, prêt à décoller, moteurs ronflants. Momo est aux commandes. Le cockpit est ouvert. Haig s’apprête à monter à bord.

Devant le hangar, le petit vieux crie et leur adresse de grands signes. Haig se retourne. Subjectif : on voit une mobylette s’approcher. Elle est conduite par un Africain en tenue de mécano. Sur le porte bagage se trouve Karzan, dans sa combinaison rouge, un maigre sac en bandoulière.

Gros plan de Haig souriant.

 

INT Jour, cabine

Haig est assis à côté de Momo. Karzan finit de s’installer dans l’étroit espace à l’arrière. Momo ferme le cockpit, ce qui atténue un peu le fracas des moteurs.

Momo :
S’il y a un passager supplémentaire, il y a un supplément.

Haig le fixe du regard. Momo tient le coup un moment, puis cède et soupire de tout son gros ventre.

Momo (lâchant les freins) :
Abraham, sainte Marie mère de tous les dieux, Mahomet est son prophète, hosana au plus haut des cieux !…

 

EXT Jour, paysage

Le Cessna décolle, s’élève, vire sur l’aile et plonge dans l’immense ciel bleu.

 

EXT Jour, hangar

Le petit vieux s’assoit devant la partie de dames inachevée, attrape une bouteille de bière et la décapsule.

 

(À suivre)

 

One Response to Les Guerriers perdus, le film – Épisode 07

Laisser un commentaire