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Les Guerriers perdus, 2ème partie – Épisode 12

Publié par le 7 septembre 2019

 

D’après mon roman Les Guerriers Perdus, éditions Taurnada, 235 pages, 9,99 €.

 

INT Nuit, mine

Un corridor obscur. Caméra fixe. On entend les ahanements d’efforts de Haig et les froissements courts de ses mouvements de reptation.

Le cercle de lumière blanche de la lampe danse, instable, sur les parois irrégulières.

Haig apparaît, rampant avec difficultés, tirant sa patte inutilisable derrière lui. Alors qu’il passe devant la caméra, il heurte sa main gauche inerte contre une pierre et gémit de douleur.

Il s’arrête, reprend son souffle, tout en restant aux aguets, à l’affût d’éventuels bruits de pas, de sons de voix ou d’éclats de lumière.

 

INT Nuit, mine, imagination de Haig

Vacarme de marteaux pneumatiques, ordres et phrases échangés en russe, brouhaha d’agitation.

Dans la lumière violente de rampes de projecteurs, une armée d’hommes en treillis noirs s’affaire. Certains creusent les gravats à la pelle, d’autres les transportent au moyen de brouettes. D’autres encore, en armes, guettent sur des appareils portatifs des signes de vie.

Encadrée de deux colosses aux cheveux rasés, Vanda, splendide guerrière, treillis noir, cheveux blond platine en cascade d’or sur les épaules, pousse d’un pied chaussé de rangers la tête défoncée de Baltimore, dépassant d’un éboulis de pierres.

Vanda (en russe s.t.) :
Trouvez-moi les autres !

Un blond :
Tranquille, chef. L’explosion a tout détruit. Ils n’ont pas pu en réchapper.

Vanda :
Je veux voir les corps, c’est clair ?

 

INT Nuit, mine, débouché du corridor

Haig parvient en rampant au surplomb de la longue et mince échelle d’aluminium déjà remarquée à l’aller. Il braque la lampe vers le bas. Contrechamp : l’échelle qui fuit vers l’ombre, vertigineuse.

Poussant des grognements, Haig se tourne pour se mettre en position et rampe en arrière.

Plan sur son pied gauche qui prend appui sur le premier barreau.

Haig pause puis, appuyant sur ses coudes, se pousse de nouveau en arrière.

Plan sur son pied droit, à la blessure découverte par la déchirure du treillis, qui se pose sur le barreau. Quand Haig y porte son poids, son pied cède. Haig pousse un cri.

Images confuses de Haig qui dévale l’échelle, alternance de plans noirs et d’images fugaces dans des éclairs de lampe. On voit ses mains s’agripper aux barreaux et aux montants, ralentir sa chute, puis céder.

Le corps de Haig atterrit lourdement sur le dos, au pied de l’échelle. Haig crie de douleur.

 

Noir écran.

 

INT Nuit, mine, imagination de Haig

Noir total dans lequel s’ouvre une brèche. Des outils viennent de percer un éboulis. La lumière des projecteurs éclaire l’alvéole dont s’est évadé Haig, où repose le corps de Volodia. Un homme en treillis noir, pointant un F.M. s’engage dans la brèche. Il se retourne et crie à l’intention des autres.

Soldat (russe, s.t.) :
Un autre ici !

Vanda se coule à travers la brèche et vient examiner le corps de Volodia.

Vanda (russe) :
L’autre petite pute. Remontez-le et brûlez-le avec son frère et le gros… (Elle se redresse) On continue, il faut trouver Haig…

 

INT Nuit, mine, pied de l’échelle

Le corps gisant de Haig, rigoureusement immobile, mort, éclairé partiellement par la lampe torche. Plan fixe de plusieurs secondes.

Soudain, Haig reprend vie. Il ouvre grand la bouche et inspire bruyamment. Il reste un moment immobile, respirant à grands coups, puis lève lentement la main et essuie le sang qui lui couvre les paupières.

Il se redresse avec difficultés, en gémissant. Assis, il se tâte de sa main valide. Il se caresse l’arrière du crâne, grimace de douleur et ramène sa main dans le champ de lumière de la lampe. Plan sur sa main couverte de sang gras.

Laissant échapper des plaintes à chaque geste, Haig déchire un pan de sa chemise et, en tenant un bout par les dents, le noue en bandeau grossier autour de sa tête.

Il reste un long moment prostré, tête basse, immobile. Son torse vacille. On sent son envie de s’allonger.

Haig :
Bouge !

Finalement, il se reprend, se tourne sur le ventre et se remet à ramper, s’aidant de ses coudes.

La caméra suit son lent éloignement et la lumière de la lampe, qu’il semble pousser devant lui.

 

EXT Jour, aube, entrée de la mine

Haig rampe hors de la mine, émerge dans la lumière du jour qui vient de se lever. Il s’allonge sur le dos, contemplant le ciel bleu, aspirant l’air à grandes goulées visiblement délicieuses.

 

INT Jour, mine, imagination de Haig

Images confuses des hommes de Vanda, certains creusant, d’autres rampant à leur suite. Plan sur Vanda et son visage déterminé de sorcière en colère.

Vanda :
Plus vite ! Il faut le trouver !

 

EXT Jour, entrée de la mine

Haig allongé, comme endormi, couvert de sang.

Haig :
Bouge. Bouge. BOUGE !

Il se redresse. L’effort est surhumain. Il fait passer la courroie du M 16 par-dessus sa tête, plante le canon sur le sol et s’en sert comme d’une béquille pour se mettre sur ses pieds. Chacun de ses gestes et accompagné d’un hurlement.

Une fois debout, il reprend son souffle et se met à marcher. Un pas, très court, en gémissant. Un autre…

La caméra le regarde s’éloigner, poupée écarlate et difforme, traînant sa jambe inerte derrière lui, sa main toujours tordue vers l’extérieur.

 

EXT Jour, garrigue

Haig parvient aux abords d’un bosquet de pins nains. À une dizaine de mètres en contrebas, au bout d’une pente assez rude, passe la route caillouteuse et ravinée d’ornières.

Haig se traîne à l’ombre des pins. Il y reprend son souffle. Bientôt, une fatigue irrépressible le force à lâcher le F.M. qui lui sert toujours de béquille et à se laisser glisser à terre, le dos contre un tronc d’arbrisseau.

Haig (marmonnant) :
Bouge. Bouge. Bouge. Bouge…

Ses yeux se ferment.

Haig :
B…

 

Noir écran

 

EXT Jour, garrigue

Une douzaine de soldats en treillis noir progressent en ligne, les armes pointés, les regards à l’affût. Au centre, la blonde Vanda, un colt 45 au poing.

Ils arrivent en vue du bosquet de pins. Contrechamp : la silhouette de Haig évanoui, adossé à un tronc.

Vanda indique du menton à ses hommes la direction à prendre. La ligne des soldats s’avance prudemment en direction du bosquet. Soudain, l’un des hommes se redresse et fait signe à ses camarades de s’arrêter.

Le soldat (russe s.t.) :
Écoutez !…

Tout le monde s’immobilise. Gros plan sur Vanda qui tend l’oreille. On entend le bruit de sabots sur le sol, accompagné de celui de roues sur des cailloux.

 

EXT Jour, garrigue

Haig se réveille, affolé. Il regarde avidement de tous côtés. Contrechamp : personne, la garrigue déserte. Mais le bruit des sabots et des roues continue de retentir, s’approchant.

 

EXT Jour, route

Une carriole pleine de foin attelée à un petit cheval progresse lentement.

 

EXT Jour, garrigue

Haig empoigne son M 16 et, s’y tenant à deux mains, fait un effort pour se lever. Insuffisant. Il réessaye. Il parvient à se mettre à genoux, puis presque debout et retombe. Troisième essai : il se retrouve chancelant sur ses deux pieds. Il fait un pas en avant, en direction de la route. La pente le happe et il tombe.

Haig dévale la pente, roulant et gémissant.

 

EXT Jour, route

Haig atterrit durement sur les cailloux. Il y reste un instant immobile, puis se redresse. Dans sa chute, il a lâché son arme qui gît dans l’herbe jaune, à quelques mètres de lui. Poussant le râle de la bête au bout de son rouleau, il se jette vers elle, rampe sur les coudes, l’atteint et la presse contre son corps.

 

EXT Jour, route

Champ : la carriole de foin avance. Assis à l’avant, jambes ballantes, se tient un tout petit type en bleu de chauffe à la chinoise, affligé d’un terrible strabisme, la pupille de son œil gauche coincée quasiment sous sa tempe.

Contrechamp : Haig se dresse, tremblant, au milieu de la route, le M 16 pointé en direction de la carriole.

La carriole s’arrête devant Haig qui lève le bras, laissant voir, passée à son index posé sur la détente, la montre en or de Volodia qui étincelle au soleil.

Le petit homme en bleu de chauffe reste immobile. Haig pose l’arme, s’en sert comme d’une canne pour s’approcher, brandit la montre devant les yeux divergents du paysan. Celui-ci sourit, montrant quelques chicots et beaucoup de trous. Il s’empare de la montre et, du menton, fait signe à Haig de grimper.

 

CUT

 

INT Nuit, bar Le Kurajo, Bari

Plan sur un serpent de dominos sur une table. Son : le fort brouhaha d’un café bondé. Une vieille main joue le double deux. Une autre le deux-cinq.

Le plan s’agrandit. On reconnaît le café Le Kurajo de l’Albanais Yussuf, à Bari. Une foule agitée l’occupe. Les conversations en shqiptar tonitruent. On remarque un client qui propose des cartouches de cigarettes et un autre qui fait la démonstration d’un téléphone cellulaire pliant. La caméra glisse jusqu’au comptoir où Yussuf est en train de remplir deux petits verres de raki, un pour lui, un autre pour son vis-à-vis, un homme au bras plâtré et au visage couvert de pansements dans lequel on reconnaît Haig. Une béquille d’aluminium est appuyée contre le bar.

Yussuf :
Alors, à Shkoder, la Kurde endossa le rôle de salvatrice…

Haig :
Aynur, oui. C’est incroyable, mais à partir du moment où j’ai tourné le dos à la citadelle, la malchance m’a abandonné.

Yussuf (remplissant les verres) :
L’effarant royaume maudit de la sorcière…

Haig :
C’est ça. Quand je suis arrivé chez Aynur, il y avait ses premiers clients. Trois types. Des mecs de Rome. Des randonneurs. Et l’un d’eux, un docteur. Un chirurgien esthétique, mais un toubib quand même. C’est lui qui m’a retapé.

Yussuf (trinquant) :
Gëzuar ! L’auberge de la fée.

Haig :
C’est ça. Gëzuar !

Yussuf :
Que n’y es-tu resté, Ô guerrier égaré ?

Haig :
Disons qu’entre elle et Salvatore… Salvatore, le toubib…

Yussuf (remplissant les verres) :
Je vois. La belle Aynur, fille de combattants, aimait les soldats en marche ou bien vainqueurs. Les baroudeurs défaits ne l’excitaient guère…

Haig :
Exactement. Gëzuar !

Yussuf :
Gëzuar. Et maintenant, qu’est-ce que tu vas faire ?

Haig :
J’ai besoin de ton aide…

Haig se penche par-dessus le comptoir et parle à l’oreille de Yussuf. Le bruit des conversations couvre sa voix.

Yussuf arbore un air embarrassé tandis qu’il remplit les verres et soupire.

Yussuf :
Saperlipopette, voilà qui ne saurait manquer d’être difficile !

 

CUT

 

INT / EXT Jour / Nuit, Bari

Succession de plans courts. Haig se promène sur le port, claudiquant, mange des spaghettis aux fruits de mer, boit des petits cafés serrés, se fait ôter des pansements dans un dispensaire, flirte avec l’infirmière, Haig se promène sur le port sans sa béquille… Plans qui nous ramènent à la normalité après le tourbillon de folie traversé.

Haig se pointe devant un immeuble vieillot. Une plaque à côté de la porte indique « Consulat de France ». Le consul, un gros type débonnaire, remplit des papiers, appose des coups de tampons et tend à Haig un passeport neuf.

Régulièrement, en alternance, Haig rencontre Yussuf au Kurajo, qui lui adresse toujours un signe négatif de la tête.

 

INT Nuit, café

Haig entre au Kurajo, bondé d’une foule désormais habituelle. Se dirigeant vers le comptoir, il salue au passage d’une main sur l’épaule les deux vieux joueurs de dominos. L’apercevant, Yussuf lui adresse un signe joyeux.

Haig (arrivé au comptoir) :
Tu l’as ?

Yussuf lui remet un papier. GP sur celui-ci : y est écrit « Vanda » et un numéro de téléphone.

Yussuf (voix off) :
Un Turc qui est dans l’héroïne. Il a négocié avec ta sorcière. Il ne l’aime pas et comme, en outre, il me devait un service…

Haig :
Tu as un téléphone ?

Yussuf rit, se penche et tire de dessous son comptoir un carton plein de téléphones portables. Il en choisit un et le tend à Haig. Celui-ci porte la main à sa poche. Yussuf l’arrête d’un geste.

 

EXT Nuit, rue

Haig s’éloigne de quelques pas. Téléphone dans une main, papier dans l’autre, il compose le numéro. On entend les différentes tonalités, puis la sonnerie à l’autre bout. On décroche. Silence.

Haig :
Vanda ? C’est Haig.

Un léger rire suave, un peu rauque. Puis sa voix.

Vanda (voix off, en français) :
Je savais que tu t’en étais sorti. Tu as toujours eu de la chance…

Haig :
Ce n’est pas de ta faute. C’était un joli piège.

Vanda :
N’est-ce pas ? J’ai toujours aimé les explosifs. Comment dit-on en français ? Mon péché mignon ? (Rire). Qu’est-ce que tu veux, petit Haig ?

Haig :
La paix.

Vanda :
Comment ça ?

Haig :
Carlo est mort. La plupart des autres aussi. Je ne veux pas passer ma vie à guetter par-dessus mon épaule si un de tes chiens de garde n’est pas derrière moi.

Vanda :
Et ?…

Haig :
Je te donne ma parole de ne plus jamais rien tenter contre toi. Dès que cette conversation sera terminée, j’oublierai ton nom. Ne le prononcerai plus jamais. Devant personne. De ton côté, tu fais pareil : tu m’oublies.

Un silence.

Vanda :
D’accord. Bonne chance, petit Haig.

Elle raccroche. On n’entend plus que la tonalité du téléphone.

 

CUT

 

EXT Jour, Irlande, côte de Bun’Mohr

Il pleut. Haig marche le long du sentier côtier qui mène à sa maison.

Haig s’arrête. Il contemple le paysage : ciel tourmenté et mer houleuse de la même couleur grise, zébrée de bandes d’écume.

Longuement.
Longuement.
Longuement.

Il reprend sa marche.

 

EXT Jour, Irlande, façade maison

Haig arrive devant sa maison. Il soulève un pot, y trouve la clé. Il ouvre la porte.

Il entre, ferme la porte.

Plan sur la porte fermée.

 

FIN

 

Voilà, potesses, poteaux, amis et amies, lecturiantes, lecturiants, frèresses et frérots, nous voici au bout d’une série qui, mine de rien, a démarré le 28 février, trois semaines après ma sortie de l’hosto, poumon t’en moins, et nous aura tenu 28 épisodes depuis l’île de Mindanao, aux Philippines, jusqu’à Bari, Italie, en passant par l’Irlande, Marseille, le Mali, Miami Beach et l’Albanie. Y en a qu’en ont pour leur pognon, moi je trouve. On va pauser un petit peu, en tuant le temps avec quelques friandises littéraires, et puis on se lancera dans une nouvelle aventure. Je ne sais pas encore trop ce qu’elle sera, mais il y a fort à parier qu’on laissera les scénarii de côté pour aller vers le romanesque. Peut-être. Sans doute. Qui sait ? On verra…

 

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