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PANAME, PANAME, PANAME… 07

Publié par le 18 janvier 2020



Adaptation en mini-série TV de mon Roman Pigalle Blues (ed. Ramsay).

 

INT / EXT Jour / Nuit, Pigalle

Succession de plans montrant Fred et Lucas joyeux, rieurs, filant le parfait amour. Musique : Sous Le Ciel De Paris (Jean Dréjac / Hubert Giraud, 1951) – chantée par Lucas.

Sous le ciel de Paris / S’envole une chanson / Hum hum…
Elle est née d’aujourd’hui / Dans le cœur d’un garçon…

Lucas et Fred se faufilent dans la foule matinale de la rue Lepic, bras dessus, bras dessous. Lucas et Fred boivent un café à la terrasse du Saint-Jean, place des Abbesses. Lucas et Fred gravissent l’escalier de l’immeuble de Lucas en courant, pleins de hâte amoureuse…

Sous le ciel de Paris / Marchent des amoureux / Hum hum…
Leur bonheur se construit / Sur un air fait pour eux…

Lucas et Fred marchent à travers la foule nocturne du boulevard, enlacés ; ils s’arrêtent devant les photos des filles dénudées sur la devanture d’une boîte à strip-tease et rient. Lucas sur scène au Gaby-Tabou chante Sous Le Ciel De Paris, tandis que, assise en compagnie de Gaby, Fred trinque au Champagne avec celui-ci. Lucas et Fred s’échangent en riant une bouteille de vin, assis comme des clochards sur les premières marches des escaliers du passage Cottin.

Sous le ciel de Paris / Coule un fleuve joyeux / Hum hum…
Il endort dans la nuit / Les clochards et les gueux…

Lucas et Fred s’embrassent à pleine bouche au milieu de la place des Abbesses, entourés d’une nuée de pigeons. Au cabaret, Lucas étant sur scène, deux entraîneuses sexy se sont assises à côté de Fred ; elles boivent un verre, papotent et rigolent, avec des coups d’œil dans la direction de la scène qui en disent long sur l’objet de leurs bavardages ; à la remarque d’une des deux filles, Fred se plie de rire (son rire se terminant sur une discrète quinte de toux…). Lucas et Fred dans l’appartement de Lucas, faisant passionnément l’amour.

Sous le ciel de Paris / Les oiseaux du Bon Dieu / Hum hum…
Viennent du monde entier / Pour bavarder entre eux.

 

INT Jour, appartement de Lucas

Le soleil d’été éclaire le lit ravagé. Lucas y repose, hors de souffle et ruisselant de sueur.

Fred sort de la salle de bains, nue, frottant d’une serviette ses cheveux courts. Elle s’immobilise en découvrant Lucas, puis bondit sur son sac, abandonné dans le désordre de la pièce. Lucas se redresse, un peu surpris.

Fred (s’écriant) :
Ne bouge pas, surtout reste comme ça !

Brandissant une boite de craies pastels dont l’emballage corné et couvert de tâches de couleur traduit l’usage régulier, elle revient près du lit et arrange le drap sur le corps de Lucas, cherchant un volume de tissu qui lui convienne.

Lucas :
Qu’est-ce que tu…

Fred :
Ne bouge pas…

Elle court au mur et, nue, splendide dans les flots de lumière d’été, elle dessine Lucas à coups de craie experts. La qualité du dessin ainsi rapidement obtenu, avec perspective et ombres portées par des frottements précis de la paume, est surprenante.

Plan appuyé sur le dessin, puis retour à Lucas.

Lucas (sifflant d’admiration) :
Eeeeeeh, mais tu dessines comme une déesse !

Fred :
Hon, hon…

Lucas :
Tu devrais peindre, ma parole, tu te ferais du pognon !

Fred (modeste) :
Hon, hon, tu crois ?

Elle retourne se lover contre lui. Ils s’enlacent.

 

INT Nuit, cabaret

Lucas descend de scène, laissant la place à Max et Maxime. Ayant adressé un signe à Fred, assise avec des entraîneuses, il gagne le bar et fait un signe à Mickey, le barman. Celui-ci pousse un grand verre de scotch vers lui.

Mickey (avec un clin d’œil) :
Mec, t’es vernis, c’est moi qui t’le dis : elle est au poil, ta p’tite gonzesse !

 

INT Nuit, cabaret

Le Gaby-Tabou à l’heure de l’ouverture. Il n’y a pas encore de clients. Les filles sont en encore en train de dresser les tables. Au fond de la salle, Mickey, le nœud pap ‘ encore défait, fourrage dans son bar. Lucas répète à mi-voix, assis à son piano.

Lucas :
Et le ciel de Paris / A son secret pour lui / Depuis vingt siècles il est épris / De notre Île Saint Louis…

Gaby se pointe en se dandinant, sa grosseur sanglée dans un costard bleu turquoise, un cocktail avec zeste de citron à la main.

Gaby :
Alors, Mozart, on brise les cœurs ? Ça doit pleurer dans les meublés, maintenant qu’t’es marida !

Lucas lui jette un regard prudent. On comprend qu’il est habitué aux vannes de son patron-patronne et que celles-ci ne sont pas toujours charitables.

Lucas :
Qu’est-ce que tu veux dire, Gaby ?

Gaby :
MADAME Gaby, malappris… Je veux dire que tu ne la mérites pas ! Je me demande comment une jeune fille si bien sous tous rapports a pu s’amouracher d’une andouille pareille !

Il pose son verre sur le piano, se signe avec lenteur, joint les mains, comme en prière et lève les yeux au plafond.

Gaby :
Est-ce qu’il s’en rend seulement compte, cet abruti, Seigneur mon Dieu ? Fred est une étoile, une orchidée, une pipistrelle !

Lucas (rigolant) :
Okay, M’dame Gaby, okay…

Gaby reprend son verre, le vide d’une lampée, le petit doigt en l’air comme même les vieilles dames ne font plus, rote grassement, puis, soudain, cesse toutes ses facéties pour planter ses yeux dans ceux de Lucas.

Gaby (très sérieux) :
Pourquoi tu la prends pas sous ton bras pour l’emporter loin de cette mare de foutre ?

Les deux hommes restent un moment les yeux dans les yeux. Le visage de Gaby, outrageusement maquillé, laisse entrevoir un désespoir pathétique, un vrai, bien profond, bien sans issue, bien sanglotant, lequel est bientôt balayé, quand l’homme grimé comme une pute reprend son ton de rigolade.

Gaby :
Une pâquerette, une écolière dans les bras d’un sagouin de bas étage ! Je tremble, pianiste de mes deux, je tremble à l’idée du mal que tu fais à cette pauvre petite !

Secouant la tête, amusé, Lucas retourne à son piano. Plan sur ses doigts qui se remettent à courir sur les touches.

 

Fondu sur :

 

INT Jour, hôtel, temps présent

Les doigts de Lucas courent sur les touches du clavier de sa machine à écrire.

Plan sur la feuille engagée dans le rouleau. On peut lire :

« Arriva le 15 août. C’était le jour traditionnel de la fête de ma mère »

Plan sur le visage de Lucas (âgé). Il s’est arrêté de taper. Il reste pensif un moment puis, pris d’une inspiration, il se lève et enfile sa veste.

Il sort de la chambre.

 

INT Jour, hôtel

Lucas descend les escaliers de l’hôtel, chantonnant entre ses dents.

Lucas :
Quand elle lui sourit / Il met son habit bleu / Hum hum…

 

EXT jour, Abbesses

Lucas traverse la place des Abbesses.

Lucas (chantonnant) :
Quand il pleut sur Paris / C’est qu’il est malheureux…

 

EXT Jour, quartier

Lucas marche le long de la rue des Abbesses, puis de la rue Joseph de Maistre.

Il dépasse un groupe de Chinois à qui un guide d’origine arabe explique quelque chose en mandarin, tandis que les membres du voyage organisé mitraillent à tout va la façade qu’il leur désigne au moyen de leurs smartphones.

Lucas contourne le troupeau et continue de marcher.

 

Fondu sur :

 

EXT Jour, quartier

Dans la même rue, Lucas (jeune) et Fred, main dans la main, dépassent un groupe de touristes allemands en bobs et bermudas.

Lucas :
C’est pas ma vraie mère. Mes parents, ils sont morts dans les années soixante. Fernande, c’est celle qui m’a recueillie. Elle m’a élevé. Enfin, si on peut dire. Elle m’a hébergé dans son hôtel.

Fred :
Mais on est le 15 août !

Lucas :
Ben ouais.

Fred :
Ce n’est pas la sainte-Fernande.

Lucas (riant) :
C’est pas son vrai nom, à la mère ! Elle s’appelle Marie, à l’origine.

Fred :
Marie ? Là, d’accord. Marie, 15 août, rien à redire. Mais pourquoi Fernande, alors ?

Lucas :
Ben, tu comprends, avant d’avoir l’hôtel, elle a fait la pute pratiquement toute sa vie. Quand elle était jeune, bien gaulée, tu vois, taille fine, beaux nichons…

Fred :
Hmm… « beaux nichons » ?

Lucas :
Une jolie poitrine, d’accord ? Beau c… je veux dire, euh… hanches de rêve, œil velouté et tout le bordel, elle pouvait se faire passer pour une Espagnole, alors elle avait choisi Esmeralda comme nom de guerre. En 1940, elle s’est teinte en blonde et elle est devenue Marlène. En 1944, redevenue brune, elle s’est renommée Maureen, comme Maureen O’Sullivan, l’actrice qui jouait la copine de Tarzan à moitié à poils. Et puis, bien plus tard, en 1972, quand Brassens a sorti sa chanson…

Fred (chantant) :
Quand je pense à Fernande, je bande, je bande…

Lucas :
Ouais. La vieille, elle s’est rebaptisée une dernière fois. Fernande, tu comprends, ça permettait de compenser son âge, son côté délabré, si tu vois ce que je veux dire, par l’humour. La gaudriole, quoi.

Fred (pouffant) :
La gaudriole ?

Lucas :
Ouais ! Tu rigoles, mais ça lui a permis de se faire des clients pendant encore plusieurs années ! Bon, des clients… Des vieux, des pas regardants, des pas chers… Mais bon, c’était toujours ça de pris !

Le couple tourne dans la petite rue Constance.

 

Fondu sur :

 

EXT Jour, rue Constance, temps présent

Lucas (âgé) s’arrête devant un immeuble banal, si ce n’est qu’on peut encore lire, en lettres délavées, au-dessus de la porte d’entrée : « hôtel ».

Lucas s’approche. La porte, moderne, de vitre et de métal, est close. Il y a un digicode vissé sur un des montants.

Lucas tente de regarder à l’intérieur, ses mains en conque de chaque côté de son visage. En vain. Il renonce et se retourne, soupire, ferme les yeux.

 

CUT

 

INT Jour, hôtel, temps passé

Lucas (jeune) et Fred vus de dos. Au-delà d’eux, derrière un petit comptoir, avec en arrière-plan un antique panneau à clefs, se tient Fernande.

Fernande : une très vieille femme sanglée dans une robe de cérémonie, une « robe du dimanche », la teinture blanc-bleu de ses cheveux refaite de la veille, un soupçon de peinture rouge en trop sur ses joues ridées.

Elle adresse un sourire radieux au couple.

Fernande :
Te v’là, mon gars !

 

(À suivre)

 

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