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LA MARIE-BARJO – Épisode 24

Publié par le 15 octobre 2022

 

 

D’après Le Secret Des Monts Rouges, roman paru aux éditions Taurnada.

 

EXT Jour, lac

Une bruine légère s’est installée, chuintant gentiment sur la plaine placide du lac. L’air est noyé, trouble, qui étend devant toute chose un rideau de larmes. Au-dessus, la dalle grise du ciel semble reposer sur les deux sommets tronqués des Monts Rouges.

Un des sampans amarrés devant l’hôtel, à côté de la Marie-Barjo, se prépare au départ. Des membres de la famille qui l’habite achèvent de charger des sacs et des paniers. Le père a démarré le moteur à long bras d’hélice dont il teste le bon fonctionnement avec de petits coups d’accélérateur.

Sur le quai, Haig, Kim et Bang. Ce dernier porte son baluchon sur l’épaule. Haig lui tend un rouleau de billets.

Haig :
Salut, Bang. Merci pour tout.

Ils se serrent longuement la main.

Bang (montrant la Marie-Barjo d’un coup de menton) :
Haig, cette femme pas bonne, no good.

Haig :
Je sais, Bang…

Bang :
Elle pas tout dire.

Haig (soupirant) :
Je sais.

Un dernier haussement d’épaules et Bang monte à bord du sampan.

 

EXT Jour, lac

Le sampan s’éloigne lentement, la silhouette massive de Bang bien visible à l’arrière.

 

EXT Jour, quai

Haig et Kim observent le sampan disparaître.

Kim :
C’est dommage.

Haig :
Ouais. Une telle force de la nature…. Il nous aurait été bien utile. En plus, c’est un ancien soldat, il sait se battre.

Kim :
Tu ne lui as pas proposé de rester ?

Haig :
Non.

Kim :
Moyennant une prime…

Haig :
Non, je te dis. Ses attributions sur la Marie-Barjo, c’était marinier et docker. A la rigueur faire le coup de feu s’il s’agissait de défendre le bateau. Mais le combat de maintenant, ça ne le concerne pas.

 

INT Jour, hôtel

Haig et Kim traversent la salle de bar. Les deux Français, Pierrot le dogue et Valentin le fourbe, continuent à se maintenir le moral au cognac-soda, accoudés au comptoir. Poun est occupé à engloutir une soupe aux nouilles.

Haig et Kim s’engagent dans l’escalier qui mène aux chambre.

Pierrot (narquois) :
Bonne bourre, les mignons !

 

Banc-titre :

Dans la piaule, j’expliquai à Kim tous les détails de l’affaire, tels que je les analysais à ce point de l’histoire, y compris les soi-disantes « confidences » de Marisol.

Puis je lui décrivis ce que je comptais faire.

Et ce que j’attendais de lui.

 

INT Jour, chambre

Kim et Haig assis sur leurs lits respectifs. On reconnaît les dossiers des deux Français ouverts sur le lit de Haig. Des canettes de bière vides et des reliefs de repas nous indiquent que la réunion a été longue.

Kim :
Alors c’est pour ça que Marisol reste sur le bateau ?

Haig :
Ouais. Elle ne veut pas voir « les assassins de son père », comme elle dit. Mais, tu sais, entre ce qu’elle dit et la vérité, hein…

Kim :
J’ai compris…

Temps de réflexion silencieuse.

Kim (soupir) :
Bon, c’est okay : je vais le faire.

Haig :
Réfléchis bien. Tu n’es pas obligé…

Kim (haussant les épaules) :
J’ai accepté cette aventure. Toutes ces choses extraordinaires. Tous ces plaisirs… Je ne vais pas canner maintenant… Et puis je le dois à la mémoire de Bozo…

Il reste quelques instants songeur avant de laisser échapper un demi-sourire, une étincelle intéressée dans les yeux.

Kim :
Et puis un Bouddha en or massif, hein ?

Haig :
Oui.

Le sourire de Kim s’élargit.

Kim :
Et des jades, hein ?

Haig :
Et des jades.

Les deux hommes se serrent la pogne en rigolant.

 

INT Nuit, carré de la Marie-Barjo

Kim se prépare silencieusement. Haig l’aide. On aperçoit à l’arrière-plan Marisol sur sa couchette, par la porte de sa cabine ouverte.

Vivres. Hamac. Bâche plastique. Flingue. Le sifflet à roulette, cadeau d’une marque de voiture, que nous avait laissé Bang.

Enfin, Haig lui confie le fusil de sniper à vision nocturne qu’il a acheté à Santiag, le maquereau de MALT City.

 

EXT Nuit, débarcadère

Un dernier salut et Kim s’éloigne. Haig l’observe disparaître dans la nuit.

 

Banc-titre :

J’avais confiance en lui.

Sous ses allures d’étudiant fragile, il avait déjà pas mal bourlingué dans cette forêt et, depuis que je le connaissais, il ne m’avait montré que courage, intelligence et loyauté.

On ne pouvait pas en dire autant de tout le monde…

 

INT Nuit, carré de la Marie-Barjo

Haig termine de préparer une tambouille à base de riz et de conserves. Gamelle en main, il gagne la cabine de Marisol.

 

INT Nuit, cabine de Marisol

Marisol est allongée sur sa couchette, en train de lire. En short. Torse nu. La peau luisante comme un miel sombre. Les cheveux noirs en désordre. Elle jette son bouquin à l’entrée de Haig et tend les bras vers lui.

Marisol :
Ay, Capitaine…

Elle repousse la gamelle. L’attire contre elle. Colle les pointes dures de ses seins contre sa poitrine. Lui mordille l’oreille.

Marisol (allumeuse) :
Alors, tu viens enfin t’occuper de ta prisonnière ?

Ils s’empoignent.

La caméra s’éloigne de la cabine, ne laissant plus voir que leurs jambes entremêlées.

 

INT Nuit, carré

Haig est seul, méditant tout en vidant une bouteille de scotch.

 

Flash-back : INT Nuit, cabine de Marisol

Haig et Marisol sont assis sur la couchette. Aux dossiers ouverts entre eux, on comprend que Haig se remémore la nuit des « confidences » de Marisol.

Marisol :
C’était en février 1974.

Haig :
Le début de la fin…

Marisol :
La locura. La démence, no ? C’est évident les Américains ils vont fuir. Tous les aventuriers, les bandits se dépêchent de monter les derniers coups. Mon père, Carlo, lui, il s’est spécialisé dans l’évacuation des biens des occidentaux et des asiatiques riches.

Haig :
Moyennant des commissions bien gourmandes, j’imagine ?

Marisol :
Como no ?… Son atout pour ce business, c’est qu’ il a des contacts dans l’aviation américaine, qui emploie beaucoup d’hispaniques aux postes subalternes. Pierrot et Valentin, ce sont des copains à lui depuis longtemps. Depuis les années 40. Ils viennent de piller une pagode.

Marisol ouvre un dossier qu’elle feuillette pour Haig. On voit défiler des photos en couleurs bleutées froides : beaucoup de statuettes en jade ; des bijoux sertis d’énormes rubis ; des pierres dépareillés séparées au burin de l’idole que les avait portées. Et la pièce maîtresse, un Bouddha à la conque, une main levée, l’autre tenant un coquillage, d’une trentaine de centimètres de haut, en or massif, avec des ongles et des yeux en jade et un diamant blanc de soixante-dix carats au milieu du front.

Marisol :
Mon padre, il a su tout de suite que ce Bouddha il valait une fortune. C’est une pièce unique, très ancienne… Pierrot et Valentin, eux, ils sont foutus. Ils n’ont pas de fric, ils sont grillés partout. Alors mon père il leur achète les pièces pour quelques milliers de dollars.

Haig :
La bonne affaire…

Marisol :
Si. Sauf qu’il se retrouve coincé. Il sait faire sortir du continent des gens, des valises de billets ou des sacoches de bijoux. Mais sortir des pièces de cette valeur, c’est autre chose. Il n’a pas les relations assez haut placées.

Haig :
Alors ?

Marisol :
Comme tout le monde, il pense que les choses vont se calmer vite. Qu’il va y avoir le communisme dur, et puis que les gens vont reprendre le business petit à petit. Alors il décide de cacher le trésor. Avec un ami pilote d’hélicoptère, et un marine des forces spéciales, il emporte le Bouddha, les jades et les pierres dans un endroit tranquille qu’il connaît.

Haig :
Ici.

Marisol :
Si. Dans les Monts Rouges. Et il les planque là-haut, enterrés dans un ancien bunker japonais, il croit pouvoir revenir les chercher deux ou trois ans plus tard.

Haig :
Seulement voilà : il lui a fallu patienter un quart de siècle.

Marisol :
Si. Et entre-temps, il s’est marié et il m’a eu, moi.

Un temps. Haig feuillette pensivement le dossier, pausant parfois pour examiner de plus près telle ou telle pièce, avec une attention particulière pour les statuettes de jade.

Marisol (voix off) :
Il y a trois mois, quand il a appris que la zone des Monts Rouges était de nouveau accessible, il est venu. Seulement Pierrot et Valentin, eux aussi ils avaient pensé pareil et eux aussi ils sont revenus.

Haig :
Ils ne sont pas arrivés à s’entendre ?

Marisol :
Au début, si. Mon padre, il disait qu’il n’avait jamais voulu les arnaquer et que, au bout, il y aurait assez de pognon pour tout le monde. Et il leur a dit la cachette.

Haig :
C’est là qu’ils l’ont tué ?

Plan sur le visage de Marisol. On sent, à son hésitation, qu’elle va proférer un mensonge.

Marisol :
Si. C’est eux qui lui ont coupé la gorge, à Phnom Penh…

 

Retour au présent : INT Nuit, carré dela Marie-Barjo

On retrouve Haig face à sa bouteille de scotch, le regard dur, le front soucieux.

 

Banc-Titre :

Cette nuit-là, je ne pus trouver le sommeil.

Marisol dormait. Enfin… elle avait les yeux fermés et respirait régulièrement. C’est tout ce dont je pouvais être sûr.

Quelle garce, quand même… Jusqu’au bout, elle allait essayer de m’arnaquer.

 

(A suivre)

 

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