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LA MARIE-BARJO – Épisode 25

Publié par le 22 octobre 2022

 

D’après Le Secret Des Monts Rouges, roman paru aux éditions Taurnada.

 

EXT Jour, aube, devant l’hôtel

Pierrot et Valentin se mettent en route. Équipés, les gusses. Treillis neufs. Sacs à dos. Chacun un M 16 à l’épaule. Avec leurs casquettes à doubles visières sur leurs têtes de vieux schnoks, ils ont l’air de retraités en partance pour un safari.

 

INT Jour, Marie-Barjo, cabine de Marisol

Marisol est assise sur sa couchette, un mug de café à la main. Haig entre.

Haig :
Ils viennent de partir.

Marisol :
De acuerdo.

Haig :
À mon avis, ils vont mettre cinq ou six heures pour arriver au bunker. Je propose qu’on parte à ce moment-là. Autant les laisser creuser avant de leur tomber dessus.

Marisol :
Perfecto.

Haig :
Tâche de te reposer, la montée sera dure.

 

Banc-titre :

Oui, ils allaient se dépêcher de creuser, les deux salopards.

Ils ne se hasarderaient à rester de nuit dans la forêt. Sachant qu’il était dans le coin. Lui. L’autre.

L’autre.

 

EXT Jour, jungle

Tapie quelque-part dans l’épaisse canopée, une lourde silhouette est à l’affût.

GP sur un œil noir qui guette on ne sait quoi, fixe, sans le moindre battement de cils.

 

EXT Jour, jungle

Plan sur un soleil rond et jaune qui semble peser sur les feuillages.

Haig et Marisol progressent d’un pas lent dans l’air chargé d’humidité. Haig a sa Kalachnikov et son Tokarev. Marisol est en combinaison grise, bandana de même couleur sur les cheveux. Joli petit soldat. Elle porte son colt à la ceinture. A l’épaule, une Kalachnikov chinoise à crosse de métal.

 

EXT Jour, jungle

Ils grimpent le long d’un arroyo qui dévale du mont central, sinuant entre deux hauts murs d’arbres aux troncs mouchetés de grandes orchidées rouges. La plupart du temps, ils peuvent marcher sur les berges. Un sol fait de boue et de feuilles pourries, mou sous les pieds, qui semble vouloir avaler leurs godasses qui s’en arrachent avec un bruit spongieux. Parfois, la végétation les serre de si près qu’ils se retrouvent obligés de marcher dans le ruisseau, de l’eau jusqu’aux genoux.

 

EXT Jour, jungle

Haig et Marisol continuent de progresser. La pente est raide et la marche difficile. Ils dégoulinent tous les deux de transpiration et chaque pas leur arrache une grimace d’effort. Soudain, ils s’arrêtent, arborant tous deux la même expression de surprise.

Contrechamps : deux chasseurs autochtones qui se sont soudain matérialisés devant eux, comme nés de la végétation.

Noirs, les types. Peau sombre, cheveux d’huile, yeux de charbon. Seulement vêtus de grands pagnes noirs que serrent des larges ceintures de toile. Chaussés de vieilles sandales à semelles en pneus. Le plus vieux porte un fusil de chasse au double canon scié, cartouchière en travers de la poitrine. L’autre ne possède qu’une arbalète rudimentaire en bois.

Derrière eux sort des buissons une jeune femme également nue jusqu’à la taille, chargée d’une hotte d’osier dont la sangle lui barre le front.

Haig leur adresse un signe amical de la main. Ils restent impassibles. Visages fermés. Regards morts. Presque hostiles. Le temps de faire trois pas devant eux et ils ont disparu, avalés par la forêt.

Marisol (essoufflée) :
Eh bien… Pas très sympathiques, no ?

Haig (de même) :
Ils connaissent bien leur coin de forêt… Ils savent qu’il s’y passe… des choses pas catholiques… Et ça ne leur plaît qu’à moitié.

 

EXT Jour, jungle

Ils s’éloignent du bord de l’arroyo pour s’engager dans une étroite sente qui se tord entre arbres et taillis, grimpant par paliers irréguliers.

Il fait très sombre sous de grands arbres que double une couverture moins haute de palmiers en désordre.

Marisol (fronçant le nez) :
Ay, ça pue,là-dessous !

Haig :
Ouais.

Tous deux ruissellent maintenant.

Chacun d’eux est agressé par des insectes. Des millions. Des milliards d’insectes. De toutes les formes. Pour tous les goûts. Nuées de minuscules choses zonzonnantes qui piquent comme autant d’épingles. Bancs de guêpes, certaines jaunes et noires, d’autres rouges vermillon, qui vrombissent autour de leurs nids gros comme des citrouilles. Cohortes de scarabées, hannetons et autres gros balourds carapaçonnés au vol anarchique. Colonnes de fourmis qui enveloppent les troncs des arbres sous des couvertures ondulantes comme des souffles de monstres.

Ils font halte. Haig concocte un onguent de tabac de cigare amolli au whisky. Ils s’oignent le visage et les bras de cette pâte brunâtre pour tenir éloignée d’eux la plupart des bestioles piquantes.

Haig reprend la marche. Après un soupir épuisé, Marisol lui emboîte le pas.

 

EXT Jour, jungle

La forêt s’épaissit de plus en plus. Les sentes que suivent Haig et Marisol les entraînent au cœur de taillis géants hérissés d’épines et de feuilles coupantes qui déchirent leurs chemises.

Bientôt, ils sont tous deux couverts de griffures et d’écorchures sanguinolentes.

Haig :
Saleté de forêt !

 

EXT Jour, jungle

Haig et Marisol s’arrêtent près d’une source qui jaillit d’un rocher moussu entièrement recouvert par le lacis géant des racines d’un fromager. Sur le sol traînent des boites de corned-beef écrasées à coups de talon, des papiers d’emballages de barres chocolatées et un flacon vide de répulsif à moustiques.

Haig :
Les deux affreux ont pique-niqué là. On va faire pareil.

 

EXT Jour, jungle

Assis près de la source, cheveux mouillés après s’être rafraîchis, ils avalent un frugal, repas de boulettes de riz à la sauce de poisson arrosées de thé froid.

 

EXT Jour, jungle

Adossés au rocher, ils se laissent aller à une sorte de torpeur. Agitée, la sieste. Des périodes de somnolence les yeux ouverts. Des chutes dans le sommeil de quelques instants et des réveils en sursaut.

 

EXT Jour, jungle

Ils sont prêts à repartir. Haig confectionne deux boulettes d’opium qu’ils avalent avec une gorgée de thé.

Marisol :
Ça va nous donner de l’énergie ?

Haig (sombre) :
Non, ça va seulement nous aider à penser à autre chose.

 

EXT Jour, jungle

La pente s’est encore accentuée. La végétation s’est encore épaissie. Haig et Marisol progressent maintenant au milieu de fantasmagories en bouquets de palmes noires hérissées d’épines, des monstres végétaux aux tentacules griffues. Pour couronner le tout se dresse devant eux un rideau de lianes qu’il leur faut écarter à la machette.

 

EXT Jour, jungle

Le sentier n’est plus qu’une paroi quasiment verticale au sol recouvert d’un mélange glissant d’humus et de boue. Une sorte d’escalier malcommode, avec en guise de marches des roches nues, pointues, hérissées comme des dents de fauves et des racines entremêlées en treilles épaisses.

Au-dessus d’eux, une végétation basse. En majorité des palmiers. Plus, de loin en loin, des grands fromagers qui s’accrochent de leurs énormes racines en pattes de dragons aux aspérités du roc.

Alors qu’ils s’accordent une pause, assis sur une de ces racines, avalant une nouvelle boulette d’opium, la pluie décide de venir leur compliquer encore la vie : une première gifle de gouttes claque sur les feuilles, puis c’est parti pour une averse de mousson, de celles qui commencent fort et ne s’arrêtent plus jamais.

 

EXT Jour, jungle

L’ascension est devenue un calvaire. Haig et Marisol trempés, couverts de plaies, progressent dans un cauchemar noyé de flotte. Des cascades leur déferlent dessus des moindres bouquets de palmes. Les racines sur lesquelles ils prennent appui sont devenues glissantes, comme recouvertes de graisse. Des pièges pour leurs pieds qui dérapent et leurs mains qui glissent. Sur les rares plates-formes, le sol de boue et de végétation pourrie fuit sous leurs pas.

À plusieurs reprises, l’un comme l’autre chutent de plusieurs mètres, redévalant la pente qu’ils viennent de grimper en se cognant douloureusement sur tout ce qui dépasse, branches et roches.

 

EXT Jour, plateau

Après une dernière acrobatie le long d’un surplomb de roche crayeuse, ils débouchent sur un terrain presque plat. Un entablement. Le sommet. Une sorte de plateau qui couronne le mont.

Après un moment passé à reprendre souffle, ils se remettent en route.

 

EXT Jour, bunker

Haig tend le bras.

Haig :
Regarde, Marisol, on y est.

Contrechamp : à une cinquantaine de mètres, derrière la treille de la végétation, un halo de lumière jaune.

Haig :
C’est le blockhaus. Nos petits copains doivent être en train de creuser…

Marisol dégaine son colt et arme le chien.

Marisol :
Bueno. On va leur faire la surprise, à ces hijos de puta !

 

(A suivre)

 

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