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Marions-les !

Publié par le 22 octobre 2014

Au comptoir de l’hôtel du Gros-Colon sont assis messieurs Grandjaune (commerçant) et Labière (salarié expatrié); le serveur indigène en veste blanche se tient en faction devant eux ; en arrière-plan, un ventilateur de plafond tourne paresseusement.

Grandjaune :
(se curant les dents)
Quand je vois certains blancs-becs à peine débarqués de la métropole se pavaner dans la rue, rayonnants de suffisance, la testicule légère, le bras roulé autour de la taille de l’indigène qui partage leur couche, je n’ai qu’une réaction : rigoler à gorge déployée !

Labière :
C’est comme moi. Ma cadette est tombée amoureuse du gardien de nuit, à la villa…

Grandjaune :
(contemplant un bout de viande au bout de son cure-dents)!
Dans tout le Tiers-monde, l’expatrié royalement salarié, bien éduqué, héritier putatif d’un pavillon meulière ou d’une résidence de campagne est un gibier de choix pour les miséreuses au joli minois qui ne rêvent que d’une chose : se faire épouser !

Labière :
(allumant un cigare)
C’est ma femme qui les a surpris en train de bien faire l’autre soir dans la piscine. Elle était furieuse. Elle aimait beaucoup ce gardien…

Grandjaune :
Maintenu en adolescence attardée par une décennie d’études, inhibé devant les harpies prétendument libérées de son pays d’origine, préparé par sa maman moderne à prendre des vessies pour des lanternes et un va-et-vient tarifé pour un acte d’amour, le quasi-puceau de la colonisation moderne, tel son glorieux ancêtre à casque de liège, est rarement long à se laisser convoler !

Les mâchoires serrées et le regard noir, il brise le cure-dents.

Labière :
(soufflant un nuage de fumée)
J’ai pris le gars à part et je lui ai proposé cinq cents euros pour qu’il laisse ma fille tranquille. Au moins jusqu’à sa puberté. Et bien, voyez-vous ça, il m’a rigolé au nez …

Grandjaune :
(empoignant son verre avec une sombre détermination)
Que fait le consulat ? Où sont nos diplomates, englués dans leur fainéanteuse indifférence ? Qu’attendent-ils donc pour créer des agences matrimoniales réglementées et subventionnées où les jeunes mâles de nos contrées trouveront les moitiés obéissantes, silencieuses et douces auxquelles, n’en déplaise aux hystériques du féminisme humanitaire, une tradition séculaire leur donne droit ?

(Il vide son verre et frappe du poing sur le comptoir)

Puisque la femme blanche a renoncé à ses devoirs, la dernière chance du jeune occidental, c’est la femelle indigène !

Labière :
(souriant, faisant signe au serveur)
Il n’a rien voulu savoir à moins de deux mille euros. Je vais voir s’ils peuvent me dépanner, au bureau…

(Après une révérence, le serveur remplit leurs verres)

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