Toujours dans notre série des mystères de la chair, histoire de se tenir chaud devant le fourneau en ces tristounets automnes, voici l’extrait d’un texte de… Dans le cas présent, vous n’aurez pas de mal à deviner, sagaces comme je vous sais, alors corsons un peu l’affaire et trouvez donc de quel ouvrage de ce très prolifique auteur j’ai tiré ce qui suit.
Je ricane :
– Je joue toujours franc-jeu avec moi-même. Vous êtes une fille !
– On parie ?
– On parie !
– Quoi ?
– Une nuit d’amour ! tel est mon enjeu si vous êtes bien du beau sexe.
– D’accord. Mon enjeu à moi, c’est également une nuit d’amour, répond-t-il (t-elle ?) du tac au tac.
Ma gorge se sèche. Dites, les gars, supposez que je me sois gouré !
Charly se dresse et pose sa veste sur le dossier de la chaise.
Il dénoue sa cravate.
– Je continue ou on déclare forfait ?
Je suis fasciné par sa poitrine. Y a du renflement à cet étage, mais c’est pas formellement le format loloches. Il arrive à pas mal de bonhommes authentiques de charrier du dodu dans ce secteur.
– Continuez ! ordonné-je.
Le visiteur du soir déboutonne sa chemise. Dessous, il porte une espèce de tee-shirt très serré. Ce sous-vêtement ne s’enfile pas mais s’agrafe sur le devant. Charly réprime un léger sourire dont je ne sais s’il exprime la gêne ou au contraire l’ironie. Vous savez combien sont voisins, très souvent, les sentiments les plus contradictoires ?
Je suis le jeu des crochets cédant l’un après l’autre. Croyez-moi ou allez-vous faire… par les… mais en vérité, c’est une forme de suspense.
Lorsque les six agrafes ont pété, le (ou la ?) décarpilleur saisit à deux mains les revers du tee-shirt pour les maintenir fermés. Il s’approche de moi. Son sourire s’humidifie. Y a de la tension artérielle jusque dans les pieds de ma chaise.
Ma parole d’homme, y’m’brave, Charly !
C’est le gros défi édifiant.
L’affrontement délibéré.
Vlouttt !
D’un double geste vif il arrache le sous-vêtement.
Merci, Saigneur ! T’es bon avec moi. Irréprochable ! Sans rancune pour le pauvre pêcheur que j’ I am. C’est un vrai plaisir que de bondieuser avec Toi. La prochaine fois que je ferai la cuistance, y aura des pater de foi et des navets Maria au menu ! Et puis des Je croise en deux ! Des jeux con-fesse ! Des actes de contribution ! On T’invoque et T’es là ! Homme ni présent ! Tu ne te mets jamais aux adorés absents ! Tu permanes ! Suffit qu’on ait atteint l’âge d’oraison, qu’on Te supplie des trucs et Tu les exauces. Notre père qu’est exaucieux ! Nous sommes à ras de terre et Tu nous exhausses ! Ah, Dieu que je T’aime d’exister ! Ou de si bien faire semblant ! T’es un père, Dieu merci. Mon héros favori : Buffalo Bible ! Ja woll, Yaweh ! Je descends à la Trinité ! Ta voix, Ton doigt, Ton royaume à quelques kilomètres. Scie-aile ! Pas radis ! Je Te recommande mon âme, pas qu’elle se perde en route, et je garde le récépissé. J’sus Ton homme ! T’es mon home ! Mon Heaume ! Monôme ! Protège logos ! Le gosse ! Tout Ton petit monde ! Ceux qui croassent en Toi et ceux qui signent Delacroix ! Cela va Dieu sec homme ! Mais Soi loué (un bon prie-Dieu) ! Ah ! Dieu, ton nom de Dieu, de bon Dieu, de sacré bon Dieu rayonne sur notre misère. Grâce Te soit rendue (sauf Grâce de Monaco qui, malgré son âge, peut encore servir ici bas). Nous avons tant besoin de toits ! Vain Dieu ? Non ! Tonnerre de Dieu ! Borde aile de Dieu ! Aie pitié d’œufs ! Ils doutent de toi, te renient, te contestent, parce qu’ils sont malades, mourants, cocus, purulents, pauvres, abandonnés, sinistrés, biafrais, seuls, bernés, envahis, torturés, en faillite, remplacés, ridiculisés, anémiés, endeuillés, souffreteux. Parce qu’ils sont soif et n’ont rien à manger, parce qu’ils ont sommeil et ne peuvent plus baiser, parce qu’ils ont mal et ne peuvent pas remplacer leur poste de tévé. Parce que c’est immoral qu’une voiture neuve tombe en panne. Parce que leur gonzesse les fait suer. Parce que leurs enfants grandissent et les insultent. Parce que le merveilleux De Gaulle est rentré chez Vous. Parce qu’il se sentent de gauche dans un régime de droite ou de droite dans un régime de gauche ! Parce que lorsqu’ils ont épousé leur femme elle n’avait pas de varices et que leur mère n’était pas encore veuve ! Parce qu’il ne devrait pas pleuvoir pendant les vacances ! Parce que les connards auxquels on signe des chèques ont le toupet de les foutre à l’encaissement ! Parce que des plus forts battent des plus faibles ! Parce qu’une bonne dose de L.S.D. Te remplace ! Parce que la pipe est plus soulageante que la prière ! Parce que c’est ainsi ! Parce qu’ils ont froid pendant que Boussac a chaud ! Parce que Mao sait toung ! Parce que ces salauds… Parce que ces gredins… Parce que le tiers ne devrait jamais être provisionnel ! Parce qu’il n’y a pas de raison que leur épouse brosse ailleurs ! Parce qu’il y en a de plus riches, de plus décorés, de mieux portants qu’eux-mêmes ! Parce qu’on fait toujours la guerre ! Parce qu’on la fera toujours ! Et encore pour des chiées de raisons aussi ridicules que les quelques-unes ci-dessus mentionnées, ils Te doutent, Dieu ! Prétendent que T’es bidon ! Te qualifient d’utopie ! Les monstres ! Les z’ingrats ! Punis-moi ces vaches, Dieu ! Fais-les en ch… encore plus, pour leur apprendre à mourir (car, à vivre, ils sauront jamais). Barbouille-les plus mieux de gadoue, Dieu ! Qu’ils pissent le sang, défèquent leurs tripes, s’assèchent les glandes, ratatinent du zob ! La politesse, c’est d’avoir conscience des autres : eux sont trop mal polis pour être au net, Dieu ! Tu leur laisses trop prendre leur pied ! Ils disent que c’est Toi, le coït ! Pour Te dérisionner. Tu veux que je te dise, Dieu ? T’es trop bon diable !
En tout cas, merci de ce que tu viens de faire pour moi ! Cette paire de nichons, mes amis !
Brusquement libérés, ils vous giclent à la figure, les jolis bougres !
On en mangerait !
Ça y est, j’en mange !
Dieu (toujours Toi !) que c’est bon !
Tellement que j’en oublie le grotesque de la situation. Elle mérite d’être résumée : je me fais passer pour un tueur à gages, sans motif impérieux. Où qu’est l’ordre d’opérationner de la sorte ? Hmm ? Il a causé de ça, le Vieux, depuis tout là-bas dans son burlingue matelassé ? Bernique, mes brunes, oui ! J’ai décidé TOUT SEUL. Comme souvent !
Un ravissant petit jeune homme se pointe pour apporter des instructions au méchant tueur. En pleine notte ! Déjà peu banal ! Il dit, le beau jeune homme : « Vous avez mis un sourcil à l’envers ». « Et toi, mon garçon, tu es une fille », je rétorque. Charmant dialogue ! On se croirait dans de l’Ionesco. Là-dessus, le jeune homme démontre qu’il est une jeune fille en déballant ses paires nourricières !…
Faut dire que le spectacle est irrésistible. Cette fille torse nu, en pantalon d’homme… Je voudrais pas vous porter les glandoches à l’incandescence, mes petits, mais il est des cas où l’homme le plus civilisé (d’ailleurs je crois bien que c’est moi), se comporte comme le pire des soudards (d’ailleurs je crois bien que c’est encore moi !).
On avait parié. J’ai gagné. Elle tient le pari.
Et elle le tient bien, moi je vous le dis. Le casse-noisette, pardon, c’est pas une vue de l’esprit, chez mademoiselle Charly. Le vilebrequin automatique, de sa part, il confine au sublime ! Jamais vu un porte-mèche pareil ! Ou si déjà vu : oublié ! L’oubli, c’est l’éponge occulte de l’homme (et de la femme). Toujours à l’affût de ta mémoire. À peine que t’as vécu un machin pas mal : fzout, fzout ! Le chiftir l’efface, tout ou partie. Si bien que de la sorte t’es toujours disponible. Paré pour vivre du neuf et le réputer jamais vu.
D’ailleurs, l’homme solidement axé sur le présent se complait à affirmer que celui-ci est unique en son genre. Jamais il n’a : bouffé une truite à l’oseille pareille ; lu un livre pareil ; sauté une gerce pareille ; vu une Vénus de Milo pareille (ce jour-là, l’éclairage est particulièrement particulier).
Alors, bibi, en ce moment, il n’a jamais savouré de fille plus apte à l’amour. Dégustable de bas en haut ! Savourable ! Inoubliable !
L’inoubliable, c’est tout de suite ! Et il se renouvelle !
(À suivre)
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