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De la littérature confiture – 01

Publié par le 26 septembre 2017

 

Alors voilà : la Ministre de la Cuculture Françouaise est une éditrice – plus exactement l’héritière d’une maison d’édition.
– Enfin ! s’écrie le hâve chœur des filles et gars de plume affamés.
Enfin ! Chantez aux doigts, résonnez qui pête !
Du sommet de l’état vont débouler force mesures énergiques qui rendront, au moins tenteront de rendre, son lustre, son prestige et son honneur à la fiction écrite française.

Au choix, Benoît, tiens : ne serait-il t’est-ce pas idoine de financer l’ouverture dans toutes les capitales du monde de librairies françaises, vendant de l’exemplaire glorieux en françouse original et publiant des traductions en langue locale. Dame : n’importe quel étudiant de deuxième année chinois ou brésilien ou sud-africain ou que sais-je connaît les noms de Voltaire (la faute à), Hugo (Victor), Zola (Émile), Balzac (Honoré de), et aussi ceux de ce bon vieux Marcel ou de cette tête de lardu de Louis-Ferdinand.
La littérature, cette lumière de France…
Après tout il y a, j’en suis sûr, des boulangeries françaises à Pékin, Sao Paulo et Johannesbourg. Des restos, aussi. Le Café De Paris. Le Bistrot. La Taverne. La Bonne Auberge… Peut-être même qu’il s’y trouve aussi des fromageries françaises. Ça se répand, m’a-t-on dit.
Le roman universel français, voilà-t-y pas un beau produit de not’ bon vieux terroir, ça ?
Les Misérables, L’Assommoir et Le Voyage Au Bout De La Nuit seraient-il des produits plus faibles que la baguette bien-cuite-siouplaît, la salade aux foies de volaille et la fourme d’Ambert, quand il s’agit de faire rayonner le savoir-faire hexagonal ?
Par ailleurs, soit dit en passant, si vous cherchez en une quelconque grande cité exotique une librairie anglo-américaine pour y acheter un Dickens, un Mark Twain ou un Jack London, vous en faites pas : y’en a.
Même si ce n’est qu’un bookstore dans la galerie commerciale de l’hôtel intercontinental, y’en a.
Même s’ils fourguent plus des Stephen King, Sue Grafton et Mary Higgins Clark que les classiques, y’en a.

Voilà qui est trop global, me dira-t-on. Un projet d’une envergure pareille, ouvrir des échoppes dans des villes lointaines, ça ne s’improvise pas comme ça, mon ami.
Bon… Bon…
Oublions le global, causons local.

Un romancier moyen touche sur son oeuvrette dix pour cent du prix de vente. C’est comme ça, c’est sur le contrat, t’as signé, t’avais qu’à pas, tu peux aller voir ailleurs, tu trouveras pas mieux.
En gros, en moyenne, pour faire simple, on va dire : un euro.
Un exemplaire vendu, bing, un euro.
Note bien, au passage, que, s’il, ou si elle, ramasse un assez grand nombre de pièces d’un euro, le gars, ou la fille, ça lui fera un revenu, lequel sera, bien entendu, assujetti à l’impôt.
Mais passons…
Il arrive qu’une bibliothèque achète le bouquin du gars. Ou de la fille. Ce sont des choses qui se font. L’objet figurant dans les rayonnages, il est susceptible d’être emprunté par les adhérents de la bibliothèque.
Tu me suis ?
Admettons que douze personnes dans l’année choisissent de lire notre gars. Ou la fille. Douze lecteurs.
Donc, Douze euros ? Fortune est faite, Babette !
Mais non. Même pas. Nan, nan, nan.
Le score n’est toujours que d’un exemplaire, soient douze lecteurs, soient encore trois à quatre heures de lecture multipliées par douze, en comparant avec la télé, une cinquantaine d’heures de programme, pour… Un euro.
1.

Ne serait-il t’est-ce pas judicieux, Madame la Ministre, mesdames et messieurs les adjoint(e)s de Ministre, de créer un fond destiné à verser un p’tit kek’chose à tout auteur ayant un nombre x d’exemplaires disponibles en bibliothèque ?
– Mais monsieur Poucet, vous rêvez !
– Poncet.
– Plaît-il ?
– Mon blaze, c’est Poncet, avec un « n », comme dans…
– Bref, vous nagez en plein utopie, mon cher Roncet. Ça coûterait des sous, vos histoires. Y’a pas d’sous, voyons, y’a pas d’sous…

Ben, euh… j’suis pas expert, mais j’vois quelques pistes.
Tiens, par exemple : nombre d’œuvres du patrimoine sont depuis des lustres libres de droit et pourtant se vendent comme les petits pains d’une boulangerie française de Rio.
Tu veux publier une pièce de Molière ? C’est simple, tu prends, t’imprimes, tu vends.
Au pif : Le Tartuffe (ça sonne bien, ça, tiens…).
Une avenante couvrante. Dedans quelques photos de Charles Dullin ou Michel Bouquet dans le rôle. En bas de pages des notules commandées à un agrégé de lettres pas trop payé…
Prix de revient de l’exemplaire, l’un dans l’autre, à la louche, ou plutôt à la petite cuiller, soixante centimes.
Prix de vente : trois euros.
Maintenant, imagine que, cette année-là, trente pour cent des profs de français inscrivent Le Tartuffe au programme de leur classe de troisième. C’est courant, ce sont des choses qui se font.
Il y a 3 325 400 collégiens cette année en France. Je cause de l’enseignement public, hein ? Dans les collège saint-Truscin et Marie-qui-couche-pas, j’suis pas sûr qu’on étudie Le Tartuffe.
On divise par 4, ça nous fait 831 350 gamins. 30% qui se voient obligés d’acheter Le Tartuffe : dans les 250 000.
Allez, admettons que tu ne sois pas tout seul sur le marché. Tu te nommes Larousse ou Bordas et t’en as que la moitié. Ça te fait tout de même 125 000 euros dans la poche, net, sans bavures, fastoche.
Et comme dans l’année scolaire tu répètes le même coup avec Le Médecin Malgré Lui (classes de sixième), Le Bourgeois Gentilhomme et L’Avare (cinquièmes), plus Don Juan et L’Ecole Des Femmes, je ne vais pas assommer le monde avec des calculs, mais pour résumer : tu te gaves encore plus qu’un ministre corrompu – il paraît que ça se trouve.  
Et si on cause de, disons, Madame Bovary et que tu t’appelles Folio, t’es pratiquement seul sur le coup, tu la fourgues à quatre euros pièce, tu touches le million.
Là-dessus, y aurait pas de quoi filer piécette à l’auteur(e) nécessiteu(se)x ?
Allez, quoi, à vot’ bon cœur, les éditeurs !

Bon, c’est pas tout ça, mais j’ai des pages à z’écrire, moi…

(A suivre)

 

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