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De la littérature confiture – 04

Publié par le 17 octobre 2017

 

– Ah bin les gens ils n’lisent plus d’romans, c’est fini l’roman, les gens y n’en lisent plus des romans… !
C’est la complainte que j’ai entendu pendant toute ma vie d’écrivain, c’est te dire que ça ne date pas d’hier.

C’est vrai. Les chiffres sont là, secs, précis et brutaux comme les chiffres savent l’être : il se vend moins de romans de nos jours que naguère.
Alors, deux possibilités : soit « les gens » sont des cons ; soit les professionnels de l’édition, dont une bonne part du boulot consiste à vendre, promouvoir, glorifier le roman français ne sont pas à la hauteur de leur tâche.
Devine un peu, de ces deux options, laquelle a ma préférence…

C’est a faute au cinéma, à la télé, à la presse magazine hier, à internet aujourd’hui. Certes, certes…
On n’a plus le temps, l’école ne fait pas son boulot, les gosses ne savent même plus écrire, alors tu penses, lire. Peut-être, peut-être.
Mais moi, l’écrivaillon de bas de gamme, le fournisseur de lecture, le trousseur de phrases au peuple, tu ne m’empêcheras de penser que, si les éditeurs produisaient autre chose que des romans petits-bourgeois sur des problèmes de petits bourgeois écrits par des petits bourgeois aux plates existences de petits bourgeois, les choses iraient peut-être mieux.

Mon conjoint me trompe, je ne me remets pas des problèmes que j’ai eu avec maman, j’ai sniffé une ligne de coke, quelle audace, j’ai volé un scoubidou dans un supermarché, oh c’est pas bien, mon père m’a niqué, c’est pas vrai mais ah là là quel drame, je médite un meurtre, comme c’est cruel, ma femme aime que je l’attache avant de l’analement pénétrer non mais quel scandale.
A quoi ben sûr le peuple – « les gens » cités plus haut rétorquent et c’est bien normal : on s’en fout d’une force, mais d’une force !

Amuse-toi à évaluer combien le feu et regretté Frédéric Dard a vendu d’exemplaires de ses San Antonio en une vie entière vouée au clavier et viens me redire que « les gens y n’lisent pas ».

Et quand Zykë et moi…

Rappel : Zykë L’Aventure, en vente partout, éditions Taurnada, 360 pages, 14,99 €.

https://www.taurnada.fr/
https://www.amazon.fr/Zyke-lAventure-Poncet-Thierry/dp/2372580345

Quand Zykë et moi, donc, avons proposé aux rayons de librairie des romans bien cinglés, plein de rires et de fureur, rédigés d’une plume libre et conquérante…
Eh ben on en a vendu des camions entiers !
Comme quoi…

L’un des grands empetitbourgeoiseurs de la littérature de fiction française est un certain Bernard Pivot, producteur et présentateur à partir de 1975 d’une saloperie de show intitulé Catapostrophes, ou quelque chose comme ça.

– Comment ? se récrie-t-on. Mais z’enfin, quoi ! Vous osez ? Vous z’entendez qu’est-ce que vous dites ? Espèce de malappris, apprenez que Bernard Pivot a rendu la littérature accessible au plus grand nombre !

Non. C’est faux.
Retiens bien ça, Benoît : la télévision n’a jamais d’autre objet qu’elle-même. L’unique but de la télé, c’est de faire de la télé. Producteurs, animateurs, réalisateurs, maquilleurs, balayeurs ne vivent que pour un objectif : faire qu’il existe encore une minute de télé après la minute de télé précédente et avant la minute de télé qui va suivre.

La télé prétend vouloir distraire, informer, éduquer. Ce sont de gros mensonges. La télé ne veut qu’être de la télé.

Il n’y a pas de journal TV. Ce qui existe, à 13 H 00 et à 20 H 00, c’est un spectacle télévisuel à base d’actualités. Sinon, pourquoi donnerait-on la priorité aux routes enneigées d’hiver et aux canicules d’été sur les sanglants conflits lointains ?
Il n’y a pas de prévisions météo mais des spectacles télévisuels à base de météorologie, avec un gros gars sympa qui fait des blagues ou une maîtresse de maison très en beauté, là où un panneau simple mais complet suffirait.
Il n’y a pas de retransmission sportive, mais des spectacles télévisuels à base de sports. Sinon, comment expliquer que les commentateurs deviennent des vedettes ?
Etc… Etc…

La télé s’approprie notre réel et elle en fait… de la télé.

Bernard Pivot n’a pas « fait entrer la littérature dans les foyers à une heure de grande écoute gnagni gnagna… ».
Il s’est emparé du roman et s’en est servi comme objet de show TV.
Nuance.

– Mais, dit-on là-bas au fond, Cizia Zykë lui-même a été lancé par Catapostrophes !
Faux.
Cizia Zykë…

Rappel : Zykë L’Aventure, en vente partout, éditions Taurnada, 360 pages, 14,99 €.

Cizia Zykë, donc, après un dossier « grands-reportages » dans Paris Match en mai de cette année-là, voyait les compteurs des ventes d’Oro en juin se bloquer dans le rouge brûlant et s’annonçait comme le succès de l’été, aussi Pivot l’invita-t-il sur son plateau.

Pivot n’a jamais lancé personne. Il s’est appliqué à appuyer les tendances du marché, main dans la main avec les éditeurs.
Pire : bientôt, lesdits éditeurs ne se sont plus demandé, avant de signer un auteur, si son œuvre valait la peine de figurer dans l’histoire de la littérature, mais si elle passerait bien à Catapostrohes.
Pire du pire : les auteurs ne se demandèrent plus quel livre ils allaient offrir au monde, mais « quel bouquin me vaudra de passer à Catapostrophes ? ».

La formule : un rien d’historique, si possible pendant l’occupation, une louche de terroir et d’authenticité de fermette, de l’amour, du docteur, de l’avocat, du chef d’entreprise en questionnement, du journaliste, une cuillère de métro, une goutte de printemps parisien, une pincée d’érotisme piquant pour plaire aux dames…
Et ce fut l’avènement des Ragon, Signol, Michelet, Klotz / Cauvin, Sabatier, Picouly, Pancol, Lanzman…
Une littérature ?
Non, un fleuve d’eau tiède.
Du convenu.
De l’inoffensif.
Du ronron.
Du prof de lettres.
Du petit bourgeois.

Quant aux auteurs qui ne rentraient pas dans la case, brûlaient du grand feu, hurlaient sous mansarde, conviaient les phrases à danses, les pages à fêtes, les mots à sarabandes, que leur advint-il ?
Eh ben ils crevèrent, que veux-tu qu’ils fissent ?
Ils moururent en pleurant, tandis que sur l’écran des vendredis n’en finissaient pas de pérorer moult petites gens aux ordres.
– Trucmachin, on sent dans votre roman Le Bout des Chemins, un amour profond pour ce personnage de votre sœur…
– Oui, j’étais habité d’une sorte d’urgence…

Et enfin, pire du pirissime : des décennies plus tard, la politique de l’insipide (prononcez : « rassembleur »), est toujours celle qui guide les décisions de ces feignasses de granzéditeurs. Et le traitement réservé aux auteurs de fadaises par les animateurs de spectacles de bavardages (prononcez : « talk-shows ») est toujours calqué sur celui, pivotant, du siècle dernier.
– J’dois dire qu’avec toute l’équipe on a adoré vot’ bouquin Cœur En Cavale…
– Oui, j’ai ressenti une sorte d’urgence…

Ah, Nanard Pivot, rusé que tu es, avec tes airs bonhommes et tes profondes poches !
Quand je pense qu’on t’a bombardé, étouffeur de littérature, à la tête du jury des prix Goncourt !
Á ce compte-là, autant filer le ministère de la marine à Georges Pernoud.
Ou bien l’environnement à Nicolas Hulot.
Ou le patrimoine à Stéphane Bern.
Mais là, je m’égare…

Bon, c’est pas tout ça, mais j’ai des pages à z’écrire, moi…

 

(A suivre)

P.S.: Attention, Zykë L’Aventure est déjà en rupture de stock chez Amazon. Votre éventuelle commande peut prendre quelques jours supplémentaires. Pour les impatients, il reste le site de Taurnada et celui de la FNAC: https://livre.fnac.com/a10793510/Thierry-Poncet-Zyke-l-aventure . 

 

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