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Hunter games

Publié par le 12 janvier 2015

 

Allez, histoire de repartir comme il faut, c’est à dire le pied bien calé à fond sur le champignon, un petit coup de Hunter S. Thompson, le roi des Gonzos, l’homme de Las Vegas Parano. Une chronique pêchée dans un vieux Rock & Folk, traduction de l’immense Philippe Garnier.

De mon temps, je respectais William Burroughs pour ça, parce qu’il fut le premier homme blanc jamais arrêté pour avoir fumé de la marijuana. Quel type, ce William ! Victime d’un raid illégal de la police, ça se passait à Old Algiers, faubourg de la Nouvelle Orléans où il s’était installé pour faire du tir et se camer.
William ne déconnait pas. Il était sérieux sur tout. Quand les flics sont arrivés, William les attendait, flingue en main. Wacko ! Boom. Reculez, la loi c’est moi. Il fut mon héros avant que je sache qu’il existait.
Mais ce ne fut pas le premier homme blanc de mon époque à être arrêté pour consommation d’herbe. Non. Ce fut Robert Mitchum, l’acteur, et ça se passait trois mois plus tôt, à Malibu. 1948, arrestation dans son cabanon de plage pour possession de marijuana et soupçons de détournement de mineure. Je revois les photos : Mitchum en maillot de corps & grimaçant aux flics, la mer roule et les palmiers dans le vent.
Mon héros. Oui monsieur. Entre Mitchum & Burroughs & Marlon Brando & James Dean & Jack Kerouac, voilà un sérieux départ bien avant mes vingt ans. Achète le ticket, fais le tour de manège. Pas de retour prévu.
Alors bienvenue à Thunder Road, mon gars. « Thunder Road », un de ces films qui m’a mis le grappin dessus quand j’étais trop jeune pour résister. Il m’a convaincu que la seule façon de conduire une caisse était pied au plancher avec un coffre plein de whisky et c’est comme ça que je conduis depuis, pour le meilleur et le pire.
La fille avec Mitchum, sur les photos, avait l’air d’avoir 15 ans & elle portait un T-shirt avec un élégant bout de téton qui pointait. Les flics ont essayé de la couvrir d’un vieil imper quand ils l’ont sortie de force. Mitchum a été accusé de sodomie & d’avoir fait plonger une mineure dans la délinquance.
A l’époque, j’avais mes problèmes personnels avec la police. Dès la 5ème, j’avais été arrêté par le FBI pour avoir balancé une boîte à lettres de la poste des Etats-Unis sous un bus. Je me suis mis à étudier les geôles de prisons diverses et variées dans le Sud, toujours pour les mêmes raisons : alcool, vol et violence. Les gens m’appelaient criminel, à raison la moitié du temps. J’étais un délinquant juvénile grand teint & j’avais plein de copains.
Voler des caisses & boire du gin & foncer dans la nuit vers des endroits comme Nashville & Atlanta & Chicago. Fallait de la musique, ces nuits-là, et souvent elle venait de la radio – on écoutait les 50 000 watts de WWL, la radio de New Orleans & de WLAC de Nashville.
Sans doute est-ce là que j’ai pris le mauvais chemin – écoutant WLAC et conduisant à travers le Texas au volant d’une voiture volée dont la disparition ne serait pas signalée avant trois jours. C’est comme ça que j’ai découvert Howlin’ Wolf. Sans le connaître, on l’aimait & on savait de quoi il parlait. « I Smell A Rat » est un monument de rock’n’roll en réponse au vieil axiome LA PARANOÏA N’EXISTE PAS. Le Loup savait dynamiter une jam, avec ce côté mélancolique en plus. Le salaud pouvait vous déchirer le cœur au détour d’un refrain. Si l’Histoire juge un homme à ses héros, je veux qu’on écrive qu’un des miens était Howlin’ Wolf. Cet homme était un monstre.
A mon sens, la musique fut toujours une histoire d’énergie, une question de DIESEL. Les sentimentaux parleront d’inspiration, en fait ils veulent parler de diesel de l’âme.
En matière de diesel, je suis un client sérieux. Certaines nuits, je peux vous prouver qu’une bagnole avec la jauge sur vide pourra rouler cinquante miles de mieux si vous passez la bonne musique à fond le son. Une nouvelle Cadillac roulera 10 ou 15 miles à l’heure plus vite si vous écoutez la bonne station. Ces choses-là ont été prouvées. C’est pour ça qu’on voit toutes ces caddies garées devant les routiers sur la Highway 66 vers minuit. Ces types sont des Macs De La Vitesse & ils font le plein d’autre chose que d’essence. Garez-vous dans ces endroits & vous verrez la même scène se répéter encore et encore : une énorme caisse se gare devant la porte & une fille sauvage bondit toute nue sous un manteau de fourrure ou un parka de ski & elle se précipite à l’intérieur plein de fric dans son poing, à demi-dingue, tout ça pour acheter de la musique qui fait rouler.
Ça se passe & se repasse & un de ces jours tu vas plonger & tu vas te retrouver accro. Chaque fois que j’entends « White Rabbit », je me retrouve dans les rues graisseuses de San Francisco vers minuit, cherchant la musique, dévorant la route sur ma bécane rouge, dévalant la colline, penché dans les virages à me cogner aux eucalyptus, juste pour arriver au Matrix à temps pour entendre Grace Slick jouer de la flûte.
Pas de musique en conserve ces nuits-là, pas de casque ni de walkman ni rien, pas même un pare-brise de plastique pour protéger de la pluie. Mais même à 10 kilomètres, j’entendais la musique. Une fois que vous avez entendu la musique bien jouée, vous pouvez vous l’emballer dans votre cerveau & l’emporter avec vous n’importe où pour toujours.

HUNTER S. THOMPSON. 2 décembre 1998. Owl Farm.

P.S. : Bad news, my friends !… Robert Stone est mort. Je le considérais comme le plus fort dans la génération des romanciers américains marqués par le Vietnam, la dope et le rock’n’roll, une catégorie qui ne manque pourtant pas de durs et de grands allumés (voir plus haut).
Le roman le plus connu de Robert Stone, Dog Soldiers, a été un de mes livres de chevet et le premier que j’ai lu en anglais. J’en ai eu quatre ou cinq exemplaires dans les deux langues, les ai tous prêtés et jamais revus. Aussi, je n’en ai pas sous la main. Sinon, je vous en aurais passé un extrait, vous pensez bien…
En français, il était publié chez Marabout Noir. Je pense qu’il y a du avoir une ré-édition en 1978, à l’occasion de son adaptation au cinéma, sous le titre « Who’ll Stop The Rain », un excellent film de Karel Reisz, avec Nick Nolte et la somptueuse Tuesday Weld.
Si un de vos potes possède un exemplaire du bouquin ou/et du DVD, faites comme mes copains, taxez les !

Comme dit Walk Fred Jay, le créateur de Blogduwest2, par qui j’ai appris la nouvelle : R.I.P., Mister Stone…

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