Photos de Serge Corrieras
Textes de Thierry Poncet et Serge Corrieras
… La guerre durait depuis si longtemps que ceux qui la faisaient ne savaient plus très bien pourquoi…
… Je te le dis, l’ami : ni pourquoi ni même comment…
… Ceux qui la faisaient étaient nés dedans, depuis longtemps ne choisissaient plus leur camp…
… Ils ignoraient toute autre règle que celle du combat, ne savaient plus guère que ses lois. Je te le dis : les gens nés en guerre ne connaissent que le feu, le vacarme et le sang…
… C’était la guerre recuite, tant tannée, tant frappée. Je te le dis : le méchant soleil cognait sur le désert des rivières à sec, tapait les crânes, frappait de son brulant bec, rendait les hommes fous…
… La guerre enlisée, embourbée sous les déluges qui faisaient de chaque sol un vaste piège. Je te le dis, la mousson coulait toute raison, noyait les âmes, enroulées de limons, prisonnières de ses boues…
… C’était une guerre de va-nu-pieds, une guerre de misère, une guerre en haillons…
… Maudit le sort de celui qui tire, le ventre torturé par la faim, celui qui tue à midi, n’ayant rien mangé le matin…
… Sale destin de celui qu’un éclat de métal fusant fauche, fusillé à mort par un jour de détresse, tué debout dans sa souffrance, sans même l’aumône d’un dernier repas…
… Je te le dis, l’ami, il est à plaindre, celui qui privé de tout encore vacille, je te le dis, le sang n’est pas moins rouge quand il ne détrempe que des guenilles…
… L’ami, je te le dis : il est dur comme le plus dur des fers, le pays dont les hommes sont nés en guerre, dont les hommes meurent en sang…
… Ils portent le nom d’enfers, ces chemins où le paysan ne marche plus, ces sentiers que seuls hantent des guerriers à l’affût, où l’homme que tu croises est celui qui te tue…
… Il est dur d’une effroyable misère, le pays ou celui qui t’abat raide dans la rude poussière n’est qu’un enfant…
(A suivre)
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