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BLED, (Film) – 03

Publié par le 30 septembre 2017

 

Inspiré du roman « HAIG, Le sang Des Sirènes », Thierry Poncet, Editions Taurnada 2016.
https://www.taurnada.fr/

 

EXT Jour, poste frontière

Gros plan sur le visage d’un douanier marocain à moustaches dont le regard se dirige vers le bas puis regarde la caméra, plusieurs fois de suite.

Plan sur le passeport qu’il tient dans la main. Plan rapproché sur la photo qui y est rivetée.

Plan sur le visage de Haig, menton et dessus de lèvre supérieure couverts d’un léger duvet brun.

Le douanier (soupçonneux) :
C’est toi, ça ?

Haig :
Qui ça serait d’autre ?

Le douanier :
Michel Leroy ?

Haig :
Ouais, Michel.

La caméra s’éloigne, montrant les deux hommes face au bâtiment des douanes, une casemate de béton. Derrière la 504 pourrie de Haig, une Volvo d’un modèle récent. Ses propriétaires, un couple de Marocains riches sont contrôlés par un douanier petit et jeune qu’ils écrasent de leur supériorité.

Le douanier de Haig :
Tu as quel âge ?

Haig :
C’est écrit dessus.

Le douanier :
Quel âge ?

Haig (agacé) :
Vingt-trois ans.

Le douanier :
C’est quoi la date de naissance ?

Haig hésite.
Gros plan sur les yeux du douanier, inquisiteurs.
Gros plan sur ceux de Haig, qui cillent.

Haig :
Euh… 14 mai 1963.

Le douanier referme le passeport, dont il frappe plusieurs fois la paume de sa main.

Le douanier :
Tu attends ici.

Il disparaît dans la casemate.

Le petit douanier entre à son tour, suivi du couple de riches dont la femme, bien habillée, teinte en blond, toise Haig sans aménité au passage.

Haig seul, inquiet, se mordillant les lèvres. Il observe le paysage alentour pour tromper sa nervosité.

Panoramique.
La caméra montre la foule désordonnée de voitures, de charrettes, de l’autre côté de la barrière rouge et blanche, en territoire marocain. Puis une bande d’une vingtaine d’enfants assis sur un rocher plat, toujours côté marocain, mais presque à hauteur de la barrière.

Remontant ensuite le long des véhicules stationnés en file indienne, on remarque, à deux ou trois voitures de celle de Haig, un trio de douaniers en train de fouiller en règle l’estafette d’un jeune homme habillé en rocker, blouson de cuir et coiffure en banane. Enfin, en arrière-plan, les murailles de la ville de Ceuta.

Retour sur Haig qui, nerveux, allume une cigarette.

 

EXT jour, rocher

Les enfants sur le rocher plat.
Une vingtaine, tassés les uns contre les autres. Tous des garçons. Têtes rasées, en haillons, ils ont à la fois des regards de voyous accomplis et des rires de galopins.

Un homme s’extirpe de la foule et s’approche de leur groupe, qu’il hèle en arabe.
Un des gosses le rejoint. L’homme lui pose dans les mains des objets que le gamin transmet tout de suite à ses copains.

Plan rapproché sur les mains des gamins qui se font passer les objets. On reconnaît des savons de haschich, que les gosses dissimulent dans leurs shorts.

Plan sur Haig qui, clope au bec, observe la scène.

Plan sur l’homme qui rejoint la foule.

Plan sur un grand douanier posté à côté du rocher aux enfants, dont, comprend-t-on, il est chargé de la surveillance.

Les gamins rigolent et se bousculent. Deux d’entre eux se consultent du regard et hochent la tête. « On y va ? », « D’accord ! ».

Le premier se rapproche du bord du rocher et du douanier qui pour l’instant lui tourne le dos, puis s’élance en direction du côté espagnol.
Le douanier réagit aussitôt. Criant en arabe, brandissant une longue matraque, il barre la route à l’enfant. Celui-ci s’arrête aussitôt et recule, recroquevillé sur lui-même, un bras en protection devant son visage.

Profitant de cette diversion, l’autre gamin s’élance à son tour. Le douanier réagit trop tard. Poussant un cri, il amorce un début de course mais, comme l’enfant est déjà passé du côté espagnol, il s’arrête et, dépité et en colère, frappe le sol de son bâton.

Les enfants éclatent de rire et se congratulent, ravis comme d’une bonne blague. Du côté marocain, des rires montent de la foule, en écho.

Plan sur Haig qui rigole doucement. Mais comme le regard du douanier grugé se dirige vers lui, il cesse de rire et lève les deux mains. « Eh, j’y suis pour rien, moi… ».

 

EXT Jour, casemate

Le couple chic sort de la casemate, suivis par le petit douanier obséquieux qu’ils continuent à traiter de haut. Le couple gagne la Volvo et monte à bord.

Le petit douanier lève la barrière rouge et blanche, que la berline, dépassant la 504 de Haig, franchit aussitôt.

Ayant rabaissé la barrière derrière la Volvo, le petit douanier lève les yeux au ciel, « quels emmerdeurs, ceux-là ! », pousse un soupir, ôte sa casquette et en essuie le tour intérieur avec son mouchoir. Il s’interrompt et se fige alors que s’élèvent des cris hors image.

Plan sur Haig, qui se tourne pour regarder dans la même direction.

 

EXT Jour, estafette

L’estafette, entourée de bagages ouverts au contenu répandu par terre. Debout à la portière latérale, un douanier lève un fusil de chasse emballé dans du plastique transparent.

Le rocker, propriétaire de l’estafette, lève les deux mains.

Le rocker :
Quoi ?… Quoi ?…

Succession de plans rapides : le visage d’un douanier en train de crier, les gamins sur le rocher intrigués, des chaussures de douaniers qui courent, le douanier à la portière, fusil brandi au poing, le rocker affolé.

Le rocker :
Quoi ?… J’ai les papiers !… J’ai l’autorisation !… Quoi ?…

 

EXT Jour, rocher

Le grand douanier s’est tourné en direction des cris. Trois gamins en profitent pour s’élancer vers le côté espagnol. Les apercevant, le douanier fait volte-face, esquisse un pas de course dans leur direction, puis abandonne.

Les enfants rigolent et se foutent de lui.

De la foule côté marocain montent des vivats et des lazzi.

Le grand douanier, après une grimace exaspérée, se met à courir en direction de l’estafette.

 

EXT Jour, casemate

Le douanier moustachu sort en trombe de la casemate, longue matraque au poing. Il écarte rudement Haig et se presse vers le lieu de l’algarade.

Haig (hélant) :
Eh, et mon passeport ?

Le moustachu fait un geste vague en direction de l’intérieur de la casemate.

Le douanier :
L’officier. Tu t’expliques avec l’officier !

 

EXT Jour, estafette

Une demi douzaine de douaniers se pressent autour de l’estafette.

Le rocker est paniqué, deux mains levées en protection.

Le rocker :
C’est un cadeau pour un ami. J’ai les papiers. Je suis en règle…

Un coup de longue matraque lui est porté au bras. Un autre à la hanche.

Plusieurs gros plans sur des faces grimaçantes de douaniers et leurs bras qui abattent les matraques. Son des coups, grognements de douaniers, cris du rocker.

Le rocker :
Non !… j’ai les papiers ! Aïe ! Non…

 

INT Jour, bureau

Haig est entré dans la casemate. Attablé, le cou tordu, cherchant à voir la bagarre par la fenêtre, un officier en chemisette. Devant lui est ouvert le passeport de « Michel Leroy ».

Haig (montrant le passeport) :
Monsieur ?… Monsieur ?

L’officier, captivé par ce qui se passe au dehors, finit par le regarder.

L’officier :
Quoi ?

Haig :
Mon passeport, monsieur. C’est pour le visa d’entrée.

L’officier donne vivement un coup de tampon sur une page du passeport, le tend à Haig et se détourne vers la fenêtre, d’où proviennent les bruits de la rossée.

 

EXT jour, estafette.

Gros plans sur les pieds des douaniers qui frappent les jambes du rocker.

Le rocker tombe à genoux, longuement, comme s’il sombrait. Des matraques le frappent à l’épaule, au sommet du crâne et en travers du visage. Du sang gicle de sa bouche.

 

Ext jour, casemate

Haig sort d’un pas pressé du bureau, son passeport en main. Il bondit à sa voiture, ouvre la portière. Au petit douanier resté près de la barrière, il adresse un signe impératif de lever celle-ci.

Haig :
Hey hey hey !

Le petit douanier obéit. Haig fait rugir le moteur de la 504 et passe la frontière en trombe.

 

Ext jour, paysages

Succession de séquences courtes : La 504 roule sur une route traversant la garrigue. Haig au volant chante à tue-tête. Haig assis à une table d’un petit bouiboui de bord de route mange des boulettes de viandes, entouré de véhicules et de charrettes. Haig contemple la mer au crépuscule, appuyé contre la 504 rangée au bord de la route. La 504 s’arrête devant un petit bâtiment sur la façade duquel on peut lire « hôtel ». Le matin, Haig boit un café à la terrasse de l’hôtel. La voiture de nouveau sur la route. Haig au volant. La voiture entre dans une petite ville…

 

EXT jour, rue.

La voiture garée dans une rue déserte de la ville. Des deux côtés, des immeubles bas. Quelques véhicules garés. Haig sommeille sur le siège du chauffeur, dossier rabattu en arrière, les pieds à la fenêtre de la portière ouverte.

Gros plan sur le visage de Haig endormi, souriant. Son : des rires de gamins.

Haig se réveille pour découvrir une bande de gosses qui, massés autour de la portière, se moquent de lui.

Haig (se levant) :
Ça va, les mômes… Ça va, quoi…

Les enfants, qui avaient bondi quelques mètres en arrière à son réveil se rapprochent de nouveau en rigolant, pas impressionnés pour un sou. Les plus hardis tendent la main pour lui réclamer de l’argent.

Haig fait mine de foncer sur eux. Ils s’écartent un instant et reviennent aussitôt. Haig éclate de rire et, après un geste d’impuissance, s’apprête à remonter dans la voiture.

Des coups de feu retentissent, très proches.

Haig se courbe par réflexe et s’immobilise, les yeux fouillant la rue, tandis que les gamins s’enfuient comme une volée de moineaux.

Un type en blouson et bottes, un sac de jute sous le bras et un revolver chromé au poing débouche en courant d’un des angles de la rue.

 

(A suivre)

 

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