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BLED, (Film) –10

Publié par le 20 janvier 2018

 

Inspiré du roman « HAIG, Le sang Des Sirènes », Thierry Poncet, Editions Taurnada 2016.

https://www.taurnada.fr/

 

INT Jour, salon

Un feu minuscule dans la cheminée.

Haig (voix off, lisant) :
« La femme tenait de la race de ces sauvagesses colosses qui se cambrent dans les foires avec des pavés pendus à leur chevelure. Elle faisait tout dans le logis, les lits, les chambres, la lessive, la cuisine, la pluie, le beau temps, le diable… »

Haig, col de blouson frileusement relevé, lit Les Misérables à la lumière chiche et grise qui tombe du fenestron. Dehors retentissent, assourdis, les klang… klang… du marteau de Zineb, toujours à l’ouvrage.

Haig :
« Cette Thénardier était comme le produit de la greffe d’une donzelle sur une poissarde. Quand on l’entendait parler, on disait : c’est un gendarme ; quand on la regardait boire, on disait : c’est un charretier ; quand on la voyait manier Cosette, on disait : c’est le bourreau… »

Il s’interrompt, tend l’oreille. Le bruit du marteau s’est tu. L’ont remplacé les paroles d’une conversation indistincte.

Haig referme le bouquin et sort.

 

EXT Jour, cour

Haig traverse la cour en direction de la grange dont le portail est ouvert. Posés à côté de celui-ci, deux énormes empilements de fagots. Contre l’un d’eux repose un sac plastique. Curiosité éveillée, Haig s’accroupit et regarde à l’intérieur.

Le sac est plein de bouquets d’herbes. GP sur les mains de Haig qui se saisissent de l’un puis d’un autre. On remarque que les bouquets sont très soigneusement faits, avec des brins de laine de différentes couleurs, bien serrés, autour des tiges.

Dans la grange, le ton de la conversation monte soudain, devenant véhément.

Haig entre dans la grange.

 

INT Jour, grange

Zohra, la mère, tourne le dos au portail et à Haig. Elle s’adresse à Zineb, désignant du doigt la voiture. Au ton qu’elle emploie, on comprend qu’elle exige quelque chose de son fils qui répugne à l’accomplir.

Zineb la prévient de la présence de Haig derrière elle. Zohra se tait, puis sort de la grange, suivie de Saïda, passant devant Haig.

Haig (leur emboîtant le pas) :
Eh, qu’est-ce qui se passe… Il se passe quelque chose ?…

Trouvant ouvert le sac empli d’herbes, Zohra s’en empare avec précipitation. Puis elle se charge d’un des deux tas de fagots. Saïda prend le second.

Haig (insistant) :
Tu comprends ce que je dis ? Il se passe quelque chose ?

Les deux femmes traversent la cour. Saïda entre dans la cuisine avec son tas de fagots. Zohra continue jusqu’au salon.

Haig (pour lui-même) :
Putain,mais si au moins on se comprenait…

Zohra pose son tas de fagots, en extrait une poignée de brindilles au moyen desquelles elle relance le feu avant de se retourner vers Haig. Elle s’adresse à lui en arabe. Haig écarte les mains, impuissant.

Haig :
Je comprends pas…

Zohra lève un instant les yeux au ciel, exaspérée.

Zohra :
Tu veux du thé ?

Haig (surpris) :
Euh… oui, pourquoi pas.

Zohra :
Viens, je vais le préparer (elle passe devant lui) moi aussi j’en ai envie.

Haig, resté une seconde interdit, se précipite à sa suit.

Haig :
Eh, mais tu parles français !

Zohra hausse les épaules pour toute réponse.

 

INT Jour, cuisine

Zohra fait chauffer de l’eau.

Haig :
Répond-moi. Tu me comprends quand je te parle ?

Zohra (du bout des lèvres) :
Un peu.

Elle verse l’eau dans une théière.

Saïda coule un regard vers eux et sourit.

Saïda (imitant sa mère) :
Un peu…

Zohra remplit un petit verre de thé.

Haig :
Écoutez, il faut faire attention. Ferraj…

Zohra (l’interrompant) :
Reste tranquille. Nous sommes assez grandes. Nous savons quoi faire.

Haig :
Oui, mais Ferraj il est, euh, il est…

Zohra (le coupant de nouveau) :
Toi tu es pareil.

Haig :
Non. Je…

D’un geste impatient, elle lui enjoint de lui foutre la paix. Il prend son verre. Se brûle. Tira sa manche sur sa main pour se protéger. Reprand maladroitement son verre et sort.

 

EXT Jour, cour

Haig sirote son thé à petites gorgées prudentes.

Saïda sort de la cuisine. Après avoir adressé un regard et une ombre fugace de sourire à Haig, elle balaie le sol au moyen d’un balai de paille.

Depuis la grange, toujours, parvient le marteau de Zineb.

Haig observe Saïda. La caméra s’attarde sur la fille, détaille sa beauté – échancrure de la blouse, lourdes paupières, mains gainées de henné, chevilles fines, pieds nus…– et la joliesse de ses gestes.

Á ce moment, la tension sourde qui règne sur toute ka ferme depuis l’arrivée des deux hommes doit se relâcher. C’est un moment d’éclaircie. Grâce. Beauté. Paix.

Ce (long) moment est brusquement interrompu par le fracas de la chute de la voiture, dans la grange, suivi d’un cri.

Haig sursaute, s’étrangle sur sa gorgée de thé. Saïda s’interrompt, regard alarmé. Zohra surgit de la cuisine et court vers la grange.

Haig :
Quoi ? Putain, quoi maintenant ?

Saïda se précipite à son tour vers la grange. Haig la suit.

 

INT Jour, grange

Le cric a lâché ou a glissé. L’avant gauche de la voiture a chu sur le sol.

Zineb, le visage décomposé se tient le bras droit, brandissant sa main blessée.

Plan sur la main. On se rend compte que la blessure est grave. La main est écrasée et déformée. Il y a beaucoup de sang.

Sa mère et sa sœur encadrent Zineb, l’enlacent, le soutiennent, le guident vers la sortie.

Resté seul, Haig va se pencher sur l’aile maintenant complètement tordue.

Haig :
Putain…

Á l’évidence, la 504 est désormais inutilisable.

Haig :
Coincés… On est bloqués ici…

 

EXT Jour, cour

Haig sort de la grange à temps pour voir le trio entrer dans une pièce du patio. Il s’approche et entre à son tour.

 

INT Jour, chambre

La pièce est beaucoup plus riche que le reste de la maison. C’est à l’évidence une chambre, occupée par un spectaculaire lit-cage de bois sculpté. Des vieux portraits d’hommes moustachus et farouches ornent les murs – certains portant un fusil. Parmi les meubles d’aspect précieux domine une sorte de grand établi couvert de pots, de fioles, de mortiers et d’un alambic – le tout évocateur de sorcellerie.

On y remarque le sac plastique empli d’herbes ouvert un peu plus tôt par Haig.

Zineb est affalé dans un fauteuil, Zohra et Saïda debout de chaque côté. Le garçon gémit et tressaute de douleur.

Zohra a à la main une fiole qu’elle approchait du visage de son fils. Á l’entrée de Haig, elle suspend son geste.

GP appuyé sur les yeux de Zohra, pas réprobateurs mais pas contents non plus de l’intrusion.

GP sur les yeux de Haig, impressionné.

GP sur la fiole pleine de liquide que Zohra tient.

GP sur les yeux de Saïda.

GP sur le visage grimaçant de Zineb.

GP sur les yeux de Haig.

Zohra approche la fiole de la bouche de Zineb. Y verse un peu de liquide.

Le garçon se calme instantanément. Ses traits se relâchent. Un sourire vient flotter sur ses lèvres. Ses paupières se ferment lentement.

GP sur le visage étonné de Haig.

Zohra tourne la tête vers Haig et le regarde sans ciller. Elle reste impassible mais, à l’évidence, lui intime de sortir.

GP insistant sur les yeux de Zohra.

Haig hoche lentement la tête et sort.

 

(Á suivre)

 

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