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BLED, (Film) – 16

Publié par le 11 mars 2018

 

Inspiré du roman « HAIG, Le sang Des Sirènes », Thierry Poncet, Editions Taurnada 2016.

https://www.taurnada.fr

 

EXT Nuit, patio

Haig et Ferraj ressortent de la grange. Ferraj a déjà retrouvé toute sa vigueur. Il rigole.

Ferraj :
C’est des chats. Rien que des chats. Ça c’est la bonne blague, hein ? C’est la plaisanterie, ou non ?

Il attrape une bouteille de gin qui traîne et se dirige vers la cuisine.

 

INT Nuit, cuisine

Ferraj entre, suivi de Haig. Il règne un brouillard gras. Des tajines sur le fourneau s’évadent des fumées qu’on devine odorantes. Saïda est en train de laver de la vaisselle, accroupie devant la bassine d’émail.

Ferraj s’adresse à elle en arabe. On comprend qu’il lui ordonne de la suivre. Saïda rechigne. Ferraj insiste. Elle obéit.

Au moment où elle passe devant Ferraj, s’essuyant les mains, Ferraj fait mine de lui coller une baffe. La jeune fille rentre craintivement la tête dans les épaules. Ferraj rit.

Ils sortent.

Juste avant de passer le seuil, Ferraj se retourne et adresse un clin d’œil à Haig.

Ferraj :
Tout de suite on revient. Tu vas voir, Ferraj il a préparé la surprise !

Resté seul avec Zohra qui a aussitôt pris la place laissée vacante par sa fille, Haig s’approche d’un des tajines et se penche dessus en humant.

Haig :
Hmm… Ça sent bon !

Zohra lève brièvement les yeux vers lui, tout en lavant la lame du grand couteau qui a servi à éviscérer le veau. Elle ne répond rien.

Haig poursuit – visiblement, il cherche à engager le dialogue.

Haig :
Ça donne faim… je veux dire… ça donne vraiment faim.

Indifférence de Zohra qui, ayant posé le couteau, entreprend de récurer le cul d’une gamelle.

Haig :
Il y a quelqu’un d’autre que nous dans la maison ?

Silence de Zohra.

Haig :
Ferraj a vu un homme. Enfin… il a cru voir un homme se cacher dans l’étable. On y est allés, mais on n’a trouvé personne. Que des chats.

Elle ne cesse pas de frotter, mais on voit une ombre de sourire flotter brièvement sur ses lèvres.

Haig :
Tu as quelque chose à dire sur la question ?

Zohra :
Oui.

Haig :
Oui quoi ?

Zohra :
Oui, il y a des chats dans la grange

Haig soupire, découragé. Il attrape la bouteille laissée par Ferraj, s’appuie le dos au mur, se laisse glisser au sol, boit plusieurs rasades d’affilée et allume une cigarette.

Haig :
La confiance règne, hein ?

Zohra continue sa vaisselle sans lui accorder le moindre coup d’œil.

De l’extérieur parvient le rire de Ferraj. Haig se relève, tend l’oreille : sifflement à trois notes d’admiration pour une fille ; santiags qui cognent, avec, en écho plus sec le bruit de talons de chaussures de femme.

Saïda entre. Elle est méconnaissable, déguisée en prostituée ultra sexy : cheveux libres qui s’étalent sur les épaules nues ; seins mal contenus dans un étroit bustier blanc à décolleté de dentelles coquines ; jupe de jean faussement rapiécée, courte ; jambes gainées de bas résille ; aux pieds des escarpins rouges ; du bleu sur les paupières, pommettes roses de poupée, la bouche couleur sang presque noir.

Elle s’avance d’une démarche maladroite, se tordant les chevilles à chaque pas.

Ferraj la suit, triomphant, tenant trois bouteilles serrées sur sa poitrine.

Ferraj :
Tu la vois, le Français ? Tu vois comment je lui ai fait la métamorphose ?

Il s’avance dans la cuisine, pose les bouteilles.

Ferraj :
La métamorphose, je lui ai faite. Ferraj, c’est le magicien de dieu !

GP sur les yeux maquillés de Saïda et leur regard haineux.

 

CUT

 

INT Nuit, cuisine

Zhora seule.

De la pièce voisine parvient de la musique, du heavy metal joué très fort.

Elle ouvre une bouteille carrée, à l’origine d’huile d’olive, pleine d’un alcool blanc de fabrication maison. De sous ses jupes, elle sort une petite fiole dont elle verse le contenu dans la bouteille. Elle rebouche celle-ci, la secoue fortement, vérifie que la transparence du contenu n’est pas altérée et secoue de nouveau.

Puis elle pose la bouteille sur un plateau où se trouvent déjà des tranches de pain et une écuelle pleine de tajine, empoigne le plateau et se dirige vers la porte.

 

INT Nuit, chambre

Musique à fond.

Ferraj danse avec enthousiasme. Il oblige Saïda à danser avec lui. Bien qu’elle titube, mal assurée sur ses hauts talons, elle semble s’amuser et rigole bien fort.

Haig, assis dans un coin, boit à la régalade.

Zohra entre avec le plateau.

 

INT Nuit, chambre

Plus tard. Musique toujours très forte.

Ferraj est assis au sol, sur des coussins, Saïda lovée contre lui. Les écuelles et tranches de pain sont étalées sur une natte de paille, avec des bouteilles de gin et de whisky, plus celle, carrée, pleine d’alcool blanc maison.

Haig continue de picoler, assis dans le même coin.

Zohra termine de rouler un joint qu’elle tend à Ferraj.

 

INT Nuit, chambre

Suite de plans courts, répétés, d’ivresse et de désordre : Ferraj pelote Saïda qui se tortille en riant sous ses caresses ; Haig boit, tête renversée en arrière ; Ferraj fume ; Ferraj trempe un morceau de pain dans l’une des écuelles et mange ; Zohra finit de rouler un joint qu’elle tend à Ferraj ; Saïda, lovée contre Ferraj, soûle, nargue sa mère…

Parmi ces plans, on voit à plusieurs reprises Zohra remplir une tasse de l’alcool maison à l’ancienne bouteille d’huile d’olive et la tendre à Ferraj qui l’accepte.

On voit également Haig, venu chercher à boire près des autres, s’emparer cette même bouteille d’alcool maison. Au moment où il porte le goulot à ses lèvres, Saïda, en train de danser, vacille sur ses hauts talons et lui tombe dessus.

Tandis qu’ils se dépêtrent l’un de l’autre sous les lazzis de Ferraj, Zohra récupère presto la bouteille et la remplace dans la main de Haig par une de whisky.

 

INT Nuit, Chambre

En caméra subjective, du point de vue de Haig, vision rétrécie et plans saccadés : GPs sur la bouche de Ferraj hilare ; plans suggestifs de Saïda déchaînée ; plan sur les yeux froidement observateurs de Zohra ;
GP sur un bout incandescent de joint ; GP sur la bouteille carrée ; GP sur le goulot de celle-ci, versant du liquide dans la tasse…

Noir.

 

CUT

 

EXT Jour, patio

Noir.

Ferraj (voix off) :
– Français !

Haig, affalé à même le sol dans le patio, au pied de la cage à poules. Une pluie fine lui tombe dessus. Il ouvre difficilement les yeux.

Ferraj (appelant, voix off) :
Français ! Je MEURS, Français ! Au secours, au nom de Dieu !…

Haig se lève péniblement. Un coude. Replier la jambe. Appui sur un pied…

Éffarouchée, une poule noire qui picorait à côté de lui s’enfuit dans un froissement de plumes qui résonne trop fort.

Haig se frotte longuement le visage à deux mains, claque d’une langue qu’on devine pâteuse.

Ferraj (voix off)
Au secours, Français !…

Haig :
J’arrive, putain…

Il se dirige d’un pas chancelant dans la direction des cris.

 

INT Jour, réduit des chiottes

Haig pousse la porte entrouverte. Il a un geste de recul devant l’odeur qui émane du réduit, se couvre le nez et la bouche de la main et entre.

Tableau d’horreur : Ferraj est affalé contre le mur, le pantalon baissé à moitié sur ses cuisses, nageant dans une mare de mélange de diarrhée et de sang ; les murs en sont maculés ; le sol irrégulier en est recouvert, les rigoles pleines ; le trou d’évacuation est entouré de flaques en étoiles.

Ferraj est livide, les cheveux collés au crâne.

Ferraj :
Haig, je meurs, aide-moi !

 

(Á suivre)

 

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