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BLED, (Film) –12

Publié par le 4 février 2018

 

Inspiré du roman « HAIG, Le sang Des Sirènes », Thierry Poncet, Editions Taurnada 2016.

https://www.taurnada.fr/

 

INT JOUR, grange

Ferraj tourne autour de la 504 blessée, examine brièvement le dessous de l’aile cassée, donne un coup de pied dans un des outils restés épars au sol.

Ferraj :
C’est quoi ça ?!

Haig :
Écoute, le gamin a passé des heures a bosser là-dessous…

Ferraj :
Et puis ?

Haig :
Ben… à un moment, le cric a glissé ou bien… je ne sais pas… le truc lui est tombé dessus…

Sans attendre la fin des explications, Ferraj se précipite hors de la grange. Haig se laisse tomber assis sur la mangeoire, à côté de la vache et de son veau, se passe les deux mains sur le visage, complètement découragé.

De l’extérieur parviennent des cris en arabe. On reconnaît les voix de Ferraj et des femmes, puis des cris aigus poussés par Zineb.

Haig secoue la tête et lève les yeux au ciel.

Haig :
Oh putain, quoi encore ?…

Ferraj fait irruption dans la grange. Il pousse devant lui Zineb qu’il tient par la nuque et abreuve de coups de pieds au cul. Le gosse a l’air dans les vapes, presque évanoui. Sa main blessée est recouverte d’un gros pansement de chiffons.

Le duo se plante devant l’aile affaissée. Ferraj saisit l’oreille de Zineb et la secoue. Ils se parlent en arabe, l’un gueulant, l’autre geignant. On comprend aisément que Ferraj demande « qu’est-ce que c’est » et que le gamin gémit « c’est pas ma faute ».

Ferraj secoue si fort la tête de l’enfant qu’un bout de cartilage de l’oreille lui reste dans la main. Il regarde un instant le petit bout de chair puis le jette au sol avec indifférence.

Zineb tâte la blessure de sa main valide, contemple un instant le sang qui lui macule les doigts, pousse un cri de rage, bondit en avant et frappe Ferraj d’un coup de poing sur le nez.

Ferraj réplique d’une baffe poing fermé qui envoie Zineb au sol. Se recevant sur sa main blessée, le gamin laisse échapper un cri, se relève d’un bond et repart à l’attaque.

Ferraj l’attrape par sa tunique et tourne sur lui-même. La force centrifuge fait décoller le gosse. Tous les deux hurlent à pleine gorge tout en tournant comme des derviches cinglés.

Plan sur le tissu de la tunique qui se déchire.

Le duo continue à tourbillonner.

Le tissu cède. Zineb fend l’air en vol plané et se reçoit durement sur le sol. Ferraj fonce sur lui et lui shoote dedans de façon répétée.

Zineb profite d’un coup pour s’accrocher des deux bras à la jambe de Ferraj, qui se met à lui cogner du poing le haut du crâne.

Zohra et Saïda apparaissent à la porte de la grange, gémissantes et pleurantes. Á leurs pieds le chien jaune de la maison aboie et bondit sur place, furieux mais trop effrayé pour oser s’élancer.

Gros plan sur le visage ensanglanté de Zineb, collé au tibia de Ferraj. Il ouvre la bouche et mord de toutes ses forces.

Ferraj hurle de douleur et de surprise. Il secoue la jambe pour faire décrocher le gosse, sans succès.

Succession de plans brefs :
– l’os de mâchoire de Zineb, crispé à en crever la peau ;
– ses dents plantées dans la chair, tissu du pantalon déchiré ;
– le visage tuméfié de Zohra qui crie en agitant les mâchoires, comme pour mordre ;
– la gueule du chien, crocs dehors ;
– Haig, toujours assis au bord de la mangeoire, la tête entre les mains ;
– Zineb qui, ayant relâché sa prise un instant, laisse voir ses dents sanglantes, qu’il replante aussitôt ;
– Ferraj qui cogne comme un sourd sur la tête du gamin en jappant comme un cleps.

Ferraj cesse soudain de se débattre. Immobile, il lève la tête au ciel et pousse un hurlement de fauve, extraordinairement long et fort.

La situation se fige. Zineb lâche enfin prise et se laisse glisser au sol. Zohra se tait, les deux mains pressées sur sa bouche. Le chien gronde.

Quelques secondes de silence et d’immobilité totale.

Le veau quitte le flanc de sa mère et s’avance vers le groupe des humains avec un meuglement aigu et plaintif, extrêmement irritant après toute cette tension et l’instant de vide qui a suivi.

Poussant un cri d’exaspération, Ferraj saisit son flingue, à l’arrière de sa ceinture, le pointe sur le veau et lui tire dans la tête.

Le veau s’écroule.

Derrière Ferraj, toujours aux pieds des femmes, le chien jaune laisse échapper un jappement.

Ferraj tourne sur lui-même et lui met trois balles de suite, qui, chacune, font glisser la petite dépouille de quelques mètres.

Zineb hurle.

Ferraj pointe son flingue sur son front. Relève le chien.

Á nouveau, tout se fige.

Haig bondit de sa place et se jette sur Ferraj. Les deux hommes roulent à terre. Haig tente de frapper à coups de poings. Ferraj cogne à coups de crosse de flingue.

Haig a le dessous. Il se retrouve plaqué à terre sur le dos, les deux bras immobilisés par les genoux de Ferraj. Celui-ci lui pose le canon du colt au milieu du front.

Ferraj :
Tu veux danser, Français, hein, tu veux danser ?

Haig ferme les yeux.

 

CUT

 

Noir écran

Dans le noir total, la voix de Ferraj.

Ferraj (suppliant) :
Pardon… Excuse… Je voulais pas… Ferraj il demande pardon… Excuse-moi…

 

INT Jour, grange

GP sur le visage de Ferraj. Il semble près d’éclater en sanglots. Des tics indiquent qu’il ne s’agit là que d’un nouvel aspect de sa démence / défonce.

Ferraj caresse tendrement le visage de Haig, essuie de l’index le sang qui coule d’une de ses narines.

Ferraj :
Français, pardonne-moi… Des fois, Ferraj il est… Excuse-moi…

Il se relève, tend la main à Haig, l’aide à se remettre sur ses pieds. Dans un mouvement absurde, il lui balance des petites claques sur les épaules et dans le dos pour chasser la poussière et les brins de paille.

Il tourne lentement sur lui-même. Vidé de toute énergie et d’agressivité, les épaules basses, la face empreinte d’une vaste fatigue écoeurée, il contemple les tableaux du désastre qu’il vient de causer. La caméra s’attarde sur :
– le cadavre du chien jaune, qui vit encore, la poitrine soulevée d’un souffle, et pousse de faibles gémissements ;
– celui du veau, le crâne fracassé, la cervelle répandue ;
– Les deux femmes et Zineb, qui s’est traîné à leurs pieds, pleurant de concert.

Ferraj :
Ferraj il veut le bonheur de tout le monde. Le bonheur de dieu sur terre. Ferraj il fait tout ce qu’il peut pour que tout le monde il soit content. Tout le monde est heureux, c’est dieu qui est heureux…

Il range le flingue dans sa ceinture, à l’arrière, se détourne de quelques pas en titubant, marmonnant des choses indistinctes, baisse la fermeture de sa braguette et se met à uriner sur la paille.

Tandis qu’on entend le jet d’urine, la caméra refait le tour des tableaux dramatiques. Haig qui renifle le sang qui coule de son nez. Les faces éplorées et marquées de coups de Zohra, Saïda et Zineb. La carcasse du veau sur laquelle dansent déjà les mouches. Le chien qui gémit doucement.

Ferraj se rajuste et se dirige vers la porte. Sur le seuil, à hauteur du trio, il se baisse, la main tendue vers Zineb, dans un geste amical. Le gamin se recroqueville contre les jambes de sa mère en crachant une insulte.

Ferraj hausse les épaules, l’air peiné, et sort.

 

EXT Jour, patio

Ferraj s’arrête près de la charrette attelée à une mobylette. La caméra montre le chargement. On distingue des sacs de jute et de toile, des cartons, des bouteilles et des boîtes de conserves.

Ferraj :
J’ai tout rapporté pour le bonheur de tout le monde… de vous… de moi… Ferraj il ne veut que le bonheur…

Il se presse l’arête du nez, comme s’il était saisi d’une migraine, marmonne, la tête baissée.

Ferraj :
Et vous, imbéciles, vous… vous… salauds infidèles, vous…

Après un moment de silence, il se redresse et se tourne vers le trio et Haig, qui sont sortis de la grange à leur tour.

Ferraj (d’un ton de commandement retrouvé) :
Il faut décharger tout ça. Après vous rangez tout bien comme il faut…

Il se penche sur la remorque, ouvre un carton, en sort une bouteille de gin espagnol.

En s’éloignant, il décachette, jette le bouchon au loin dans la patio et s’en envoie une rasade, tête renversée en arrière.

Il disparaît dans la chambre.

 

(Á suivre)

 

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