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BLED, (Film) –13

Publié par le 10 février 2018

 

Inspiré du roman « HAIG, Le sang Des Sirènes », Thierry Poncet, Editions Taurnada 2016.

https://www.taurnada.fr/

 

INT Jour, chiottes

Penché sur le bidon à eau, Haig se rince le visage et le torse. Á ses grimaces, on comprend que ses contusions le font souffrir.

Il ressort dans le patio, boitant un peu.

 

EXT Jour, patio

Le ciel s’est couvert. Un orage gronde au loin.

Le chien jaune continue de gémir, couché dans une mare de sang. Haig s’accroupit à côté, lui pose la main sur la tête.

Haig :
Pauvre vieux. Il t’a pas loupé, ce cinglé.

Il tire une cigarette, l’allume, s’assoit non loin, touche sa pommette tuméfiée.

Haig :
Moi non plus, il ne m’a pas loupé. Enfin, c’est moins grave. Pour le moment. Si ça se trouve, il va me faire pareil. Il en est capable. Il va nous faire pareil à tous. Ah putain quelle merde !

Il se presse les paupières.

 

Flash back

On se retrouve dans le mobil home du camé qui a vendu la 504 à Haig.

L’homme compte les billets et les enfourne dans sa poche, avec les gestes lents du junkie qui attend sa dose. Pendant ce temps, Haig fouille dans les cartons de livres et en sort un à un les trois tomes des Misérables de Victor Hugo en vieux Livre de Poche.

Haig :
Je te pique ça, aussi.

L’homme (ricanant) :
Ben tiens… Te gène pas, surtout, caïd.

Haig finit son café d’une lampée, se lève et se dirige vers la porte, les trois gros bouquins sous le bras. L’homme tripote un instant la cuiller et la seringue, soupire et relève la tête.

L’homme :
Tu sais quoi, gamin ? Tu n’devrais pas jouer au dur comme ça.

Haig :
Si tu le dis…

L’homme :
Les petits mecs dans ton genre qui foncent droit devant eux en prenant tous les autres pour de la merde, ils finissent toujours par tomber sur un vrai méchant. Et là, tu sais ce qui leur arrive ?

Haig hausse les épaules.

L’homme :
Ils se font enculer. Salement enculer.

Haig :
Tu continues la philo ou tu me files mes roues de secours ?

 

EXT Jour, patio

Haig ouvre les yeux.

Haig :
Quel con…

Zohra sort de la maison, porteuse d’une grande bassine d’émail, d’une bâche roulée et d’un grand couteau pointu. Elle s’avance à grands pas et s’arrête devant Haig et le chien. Un côté de son visage est gonflé et rouge violacé.

Haig (ricanant) :
Il nous a bien arrangés, hein ?

Zohra le regarde un moment puis détourne les yeux.

Zohra :
Ce n’est pas drôle.

Haig :
Pourquoi tu caches que tu parles si bien le français ?

Zohra :
Ce ne sont pas tes affaires.

Haig :
Eh, je suis là, non ? On est dans la même galère. Ferraj est aussi dangereux pour moi que pour vous.

Zohra :
Oui.

Haig :
Alors pourquoi ?

Zohra :
Tu verras.

Haig (haussant les épaules) :
Laisse tomber…

Zohra pose la bassine et la bâche, s’accroupit à côté du chien et, sans une hésitation, lui plonge la lame du couteau dans l’œil jusqu’à la cervelle. La bestiole meurt dans un dernier frémissement.

Zohra empoigne la dépouille par les pattes avant, fait signe du menton à Haig de se charger de la bassine et de la bâche.

Ils se dirigent vers le portail.

 

EXT Jour, devant la maison

Zohra déploie la bâche sur le sol, y jette le cadavre du chien, fais signe à Haig de la suivre et rentre dans la maison.

L’orage gronde.

 

INT Jour, grange

Zohra et Haig emportent la dépouille du veau.

 

EXT Jour, devant la maison

Zohra décapite la dépouille du veau, pose la tête dans la bassine. Elle lie les deux pattes avant d’une ficelle. Réclamant l’aide de Haig, elle pend la bête à un piton fiché dans le mur, tire la bâche en dessous. Écartant les mouches de la main, elle approche son visage et renifle le cadavre.

Zohra :
C’est trop tard, presque.

Elle éventre la carcasse d’un seul coup. Les entrailles se répandent sur la bâche. Haig recule en grimaçant, agressé par l’odeur. Les deux mains à l’intérieur, à gestes experts, Zohra extrait les reins, le cœur et le foie. Elle les dispose dans la bassine après avoir arraché la vésicule du foie.

Elle entaille la peau le long des pattes.

Zohra :
Aide-moi. Il fait tirer. Tirer fort.

Á deux, tirant de concert la peau, ils entreprennent de dépouiller la carcasse.

 

EXT jour, devant la maison

Une pluie fine s’est mise à tomber.

Zohra découpe des morceaux de viande qu’elle dispose dans la bassine maintenant bien pleine.

 

EXT Jour, devant la maison

Zohra et Haig sont maintenant trempés. La bassine est pleine à déborder. Du veau, il ne reste qu’une carcasse que Zohra détache du mur et laisse tomber sur la bâche avec le reste des entrailles et la peau.

Empoignant la bassine, elle la porte sur la hanche à l’intérieur de la maison.

 

EXT Jour, devant la maison.

Zohra revenue et Haig se saisissent chacun d’un côté de la bâche et contournent la maison.

 

EXT Jour, bled

La caméra nous montre une vaste plaine grise, triste et monotone. La pluie tombe. En off, on entend les ahanements de Haig.

Zohra et Haig cheminent sur un sentier. Visiblement, Haig souffre plus que Zohra : il trébuche et doit sans cesse raffermir sa poigne sur son coin de bâche qui lui glisse des mains.

Plan sur le contenu de la bâche : un magma d’entrailles gélatineuses et sanguinolentes. Des gouttes épaisses s’en échappent, que Haig évite péniblement en jurant. Des mouches en nombre environnent ce triste équipage.

 

EXT Jour, fosse

Ils arrivent à un vaste buisson aux pieds des branches duquel on devine des détritus épars. La caméra montre la maison au loin, petite, à une assez grande distance.

Le buisson contourné dévoile une fosse emplie d’ordures, de vieux ossements et de crânes d’animaux.

Des croassements font lever la tête à Haig. Au-dessus d’eau tournoient des oiseaux qu’on devine être des charognards.

Zohra et Haig vident le contenu de la bâche dans la fosse.

Ceci fait, Zohra replie soigneusement la bâche, la coince sous son bras et reprend le chemin de la maison. Haig la hèle :

Haig :
Eh, tu as un plan ?

Zohra s’éloigne.

Haig :
Tu as quelque chose en tête ? Tu peux me le dire…

Zohra fait comme si elle n’avait rien entendu. Après un soupir, Haig lui emboîte le pas.

 

(Á suivre)

 

 

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