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LA MARIE-BARJO – Épisode 19

Publié par le 9 septembre 2022

 

 

D’après Le Secret Des Monts Rouges, roman paru aux éditions Taurnada.

 

Résumé : La Marie-Barjo, une vieille péniche chinoise retapée. Haig s’en sert pour remonter la rivière Lon-Stung, au Cambodge, depuis son confluent d’avec le Mékong jusqu’au lac où elle prend sa source, au pied des Monts Rouges. En chemin, il approvisionne en tronçonneuses, pièces mécaniques et alcools les compagnies forestières installées sur le rivage. Pour cet ultime voyage avant la fin de la saison des pluies, il a accepté à son bord une belle Espagnole, Marisol, dont les raisons de vouloir atteindre les Monts Rouges restent mystérieuses…

 

EXT Jour, paysage

Un magnifique soleil s’élève au-dessus de la canopée d’un vert presque noir, fouillis végétal dont s’échappent, éparses, des charpies de brume légères comme les buées d’un souffle.

La caméra monte et se perd dans l’immensité du ciel blanc, lumineux à faire plisser les yeux, dénué du moindre flocon de nuage.

Haig (voix off) :
La saison sèche approche, cette fois, ça se sent…

Marisol (voix off) :
Il ne pleut pas. Pfou, madre de dios, c’est vrai que ça fait du bien.

 

EXT Jour, pont de la Marie-Barjo

Haig et Marisol sont appuyés au bastingage, chacun tenant un mug, à l’évidence le café du petit déjeuner.

Haig :
Non seulement il ne pleut pas, mais il ne va pas pleuvoir.

Marisol :
Seguro ? Tu es sûr ?

Haig :
Seguro, mademoiselle. Pas une goutte de flotte à l’horizon.

Marisol :
Bueno. Alors, tout le monde à poil !

Haig :
Quoi ?

Bozo est apparu sur le pont, l’air un peu hagard, comme d’habitude. Elle le hèle.

Marisol :
Bozo, déshabille-toi !

Bozo (interloqué) :
Qwa ?

Marisol :
À poils ! Et dis à Kim de faire pareil !

Bozo :
Qu’est-ce que tu…

Marisol :
Caya te, tais-toi. Enlève tes fringues ! (se tournant vers Haig) : et toi, tu attends qué ?

Haig :
Qu’est-ce qui t’arrive ?

Marisol :
Se pasa qué j’en ai marre de passer mon temps avec des types qui puent le bouc de puta madre ! Passez-moi vos vêtements et vite, c’est le jour de la lessive.

 

EXT Jour, pont de la Marie Barjo

Musique insouciante, ambiance sixties, genre Simon & Garfunkel.

Suite de plans courts montrant Marisol aux prises avec une marmite transformée en lessiveuse, les gars qui rigolent en caleçon, Bozo qui danse à la manière du jeune Laurence Fishburne dans Apocalypse Now…

Haig et Kim tendent des cordes en travers du pont sous la supervision d’une Marisol aux poings sur les hanches, façon mégère.

Haig, Kim, Bozo jouent à cache-cache entre les fringues pendues à sécher.

 

EXT Jour, paysage

La Marie-Barjo vogue, son pont festonné de linge étendu multicolore, comme une joyeuse péniche sur le canal du Midi.

 

Banc-titre :

Ce jour-là, la Marie-Barjo n’était plus une péniche de contrebande, elle était devenue un yacht de plaisanciers.

Ce fut ce qu’on peut appeler un jour heureux.

Enfin, au début…

 

INT Jour, carré de la Marie-Barjo

Haig écoute toujours de la musique en sirotant une bière, renversé sur sa chaise, les pieds sur la table. En arrière-plan, Marisol achève de plier du linge sec. Kim passe la tête par la trappe de la timonerie.

Kim :
Haig ?

Fin de la musique.

Haig (agacé) :
Quoi ?

Kim :
Euh… On a un problème devant, je crois.

 

INT Jour, timonerie

A quelques 150 mètres devant la proue, un grand arbre mort barre la rivière sur toute sa largeur, le tronc à une pincée de centimètres de la surface.

Haig (maugréant) :
Qu’est-ce qu’il fout là, celui-là ?

Kim a mis en panne. Haig lui fait signe de relancer le moteur.

Haig :
Tu continues tout droit. Lentement. Très lentement… Voilà, parfait. On va l’aborder… Et tu prends ton arme.

Kim lui jette un regard interrogateur.

Haig :
Quand on arrive dessus, tu coupes le moteur.

Kim :
Okay.

Haig (haussant le ton) :
Et tu prends ton putain de fusil !

Haig attrape à la volée son AK 47 posé sur le tableau de bord. Chargeur engagé. Armé. Shlik-shlak. Il sort de la timonerie.

 

EXT Jour, pont

La grosse tête Bang vient de surgir de la cale.

Haig :
Bang ! Prépare une amarre, vite !

Alors qu’il s’élance en avant, il se heurte à Bozo.

Haig :
Branle-bas, vieux, allez, dépêche !

Bozo :
Qu’est-ce que…

Haig :
Tes armes, bordel !

Il fonce à la proue où Bang est prêt, filin en pogne.

Ils arrivent sur le tronc dont la masse envahit rapidement l’écran. La proue bouscule l’eau en gros bouillons. À l’évidence, la Marie-Barjo bat trop fort, bat trop vite.

Haig :
Kim ! Les gaz ! Coupe les gaz !

 

INT Jour, timonerie

Kim, visiblement nerveux à la barre. Il hésite à abaisser la manette des gaz. Derrière lui, Marisol est apparue, l’air inquiet.

Haig (voix off) :
Kim, les putains de gaz !

 

EXT jour, proue

La Marie-Barjo cogne le tronc dans un choc qui ébranle toute la carcasse.

Bang vacille et retrouve son équilibre, ses énormes jambes écartées.

Dans la timonerie, Kim arrête le moteur. Le silence tombe sur la jungle.

 

EXT Jour, paysage

La Marie-Barjo, le nez contre le tronc d’arbre géant.

Haig et Bozo à l’avant, immobiles. Bozo, empétré de son AK 47, peine à boucler le baudrier militaire qu’il a enfilé sur son torse nu.

Kim et Marisol à l’écoutille de la timonerie, pareillement figés.

Bang, ayant souplement bondi sur l’arbre abattu, noue l’amarre à un tronçon de branche. Ses gestes sont lents et fluides, interrompus par de fréquents coups d’œil fureteurs aux alentours.

Silence.

 

EXT Jour, pont

Bozo finit d’ajuster son baudrier plein de chargeurs. Il se saisit du AK bringuebalant en travers de son ventre et enclenche la culasse. SHLIK SHLAK !

Haig grimace à ce bruit épouvantablement sonore en travers du profond silence ambiant.

Bozo, inconscient de l’agacement de son capitaine, ouvre la bouche pour brailler on ne sait quel commentaire à sa façon.

Haig le stoppe d’un geste impératif.

Haig (chuchotant) :
Ferme-la. On se tait et on écoute !

Tous restent un moment immobiles. Tendus. Sur le qui-vive. Seul Bang se remue avec toujours la même agilité, nouant une deuxième amarre à l’arbre.

Plans sur les deux rives recouvertes d’un fouillis de jungle inextricable. Feuillages épais de toutes les nuances de vert. Jets de palmes comme des bouquets de plumes émeraude. Filets de lianes brunes entrelacées dans l’ombre.

Plan sur l’eau qui chuinte doucement le long de la coque.

Plan sur les filins noués par Bang. Désormais collée au tronc, la Marie-Barjo lui arrache des grincements brefs.

Enfin, une sorte de coucou se réveille quelque part dans la grande masse végétale.
Un autre.
Un jacassement aigu, comme un ricanement.
Puis un chœur de sifflements.
Les oiseaux, un moment dérangés, reprennent leur concert habituel.

Haig se détend.

Haig :
C’est bon, les gars. Y a des chances qu’on soit les seuls humains à traîner par ici.

Tout le monde se relaxe.

Haig :
On fait gaffe quand même. Bang, tu surveilles à gauche. Kim, tu mates de l’autre côté. Au moindre truc qui bouge, tu tires. Toi, Bozo, tu viens avec moi. On escalade ce mastard…

 

(À suivre)

 

 

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