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Bouquin-quizz n°8

Publié par le 8 décembre 2014

 

Bonjour à tous.
Voici un extrait de…
Je veux dire d’un roman de…
Non. Finalement, je ne vais pas vous l’indiquer. Ça vous amusera peut-être d’essayer de deviner.

Indices: c’est américain ; ça a été publié en 1940 et adapté au cinéma trois ans plus tard ; l’auteur s’est flingué en 1961.

Et si ça ne vous amuse pas de deviner, je vous conseille de le lire quand même. Ça vaut !

Il était étendu à plat ventre sur les aiguilles de pin, le menton sur ses bras croisés et, très haut au-dessus de sa tête, le vent soufflait dans la cime des arbres. Le flanc de la montagne sur lequel il reposait s’inclinait doucement, mais, plus bas, la pente se précipitait, et il apercevait la courbe noire de la route goudronnée qui traversait le col. Un torrent longeait la route et, beaucoup plus bas, en suivant le col, on apercevait une scierie au bord du torrent et la cascade du barrage, blanche dans la lumière de l’été.
« C’est la scierie ? demanda-t-il.
– Oui.
– Je ne me la rappelais pas.
– On l’a construite depuis ton départ. L’ancienne scierie est plus bas que le col. »
Il étala par terre sa reproduction photographique de la carte d’état-major et l’examina attentivement. L’autre, un vieil homme, petit et robuste, en blouse noire de paysan et pantalon de toile grise, chaussé d’espadrilles, regardait par-dessus l’épaule de son compagnon. Il était essoufflé par l’escalade et sa main reposait sur l’un des deux sacs très pesants qu’ils avaient montés jusque-là.
« Alors, d’ici, on ne voit pas le pont ?
– Non, dit le vieux. Ici, la pente du col est encore modérée. Le torrent coule doucement. Plus bas, au tournant de la route, derrière les arbres, il dégringole tout d’un coup et il y a une gorge escarpée…
– Je me rappelle…
– C’est cette gorge que franchit le pont.
– Et où sont leurs postes ?
– Il y a un poste à la scierie que tu vois là-bas. »
Le jeune homme qui étudiait le terrain sortit ses jumelles de la poche de sa chemise de flanelle kaki toute décolorée par le soleil, essuya les verres avec un mouchoir, les ajusta jusqu’à ce que la scierie lui apparût soudain clairement. Il distingua le banc de bois près de la porte, le grand tas de sciure derrière le hangar et un morceau du plan incliné, par où les troncs d’arbres descendant de la montagne traversaient le torrent. Ce torrent apparaissait clair et uni à travers les jumelles et, là où la cascade s’incurvait, le vent faisait voler l’écume du barrage.
« Il n’y a pas de sentinelle.
– La cheminée fume, dit le vieux, et il y a du linge qui sèche.
– Oui, mais je ne vois pas de sentinelle.
– Peut-être qu’elle s’est mise à l’ombre, expliqua le vieux. Il fait chaud en bas à cette heure. Elle doit être à l’ombre, du côté qu’on ne voit pas.
– Probablement. Où est le poste suivant ?
– Au-dessous du pont ; c’est une cabane de cantonnier, à cinq kilomètres du sommet du col.
– Combien d’hommes ? (il désignait la scierie).
– Quatre, sans doute, et un caporal.
– Et en bas ?
– Plus. Je le saurai.
– Et au pont ?
– Toujours deux. Un à chaque bout.
– Il nous faudra pas mal de monde, dit-il. Combien d’hommes peux-tu grouper ?
– Je peux en amener autant que tu voudras, dit le vieux. Il y a beaucoup d’hommes en ce moment dans la montagne.
– Combien ?
– Plus de cent. Mais ils sont par petites bandes. Combien t’en faudra-t-il ?
– Je te le dirai quand j’aurai examiné le pont.
– Tu veux l’examiner maintenant ?
– Non. Maintenant, je veux trouver une cachette où laisser ces explosifs jusqu’à ce que le moment soit venu. Je voudrais les mettre en lieu sûr, à moins d’une demi-heure du pont, si possible.
– C’est facile, dit le vieux. De là où nous allons, ça descend jusqu’au pont. Mais maintenant, il va falloir monter assez dur pour y arriver. Tu as faim ?
– Oui, dit le jeune homme. Mais je mangerai plus tard. Comment t’appelles-tu ? J’ai oublié. » Cet oubli était, à ses yeux, de mauvais augure.
« Anselmo, dit le vieux. Je m’appelle Anselmo et je suis de Barco de Avila. Je vais t’aider à porter ça. »
Le jeune homme, grand et mince, avec des cheveux blonds décolorés par le soleil et un visage hâlé, portait une chemise de flanelle passée, un pantalon de paysan et des espadrilles ; il se pencha en avant, passa son bras dans une des courroies et hissa le sac pesant sur son épaule. Il passa l’autre bras dans l’autre courroie et installa la charge sur son dos. Sa chemise était encore mouillée à l’endroit du sac.
« J’y suis, dit-il, Par où va-t-on ?
– On grimpe », dit Anselmo.
Courbés sous le poids des ballots, suants, ils montaient régulièrement à travers la forêt de pins qui couvrait le flanc de la montagne. Le jeune homme ne discernait pas de sentier, mais ils avançaient en lacets sur la face du mont ; ils traversèrent un petit torrent, et le vieux continua l’ascension en suivant la rive rocailleuse. La pente devint plus abrupte et malaisée, jusqu’à un endroit où le torrent coulait vers eux du sommet d’une haute roche lisse. Le vieux s’arrêta au pied de cette roche pour attendre que le jeune homme le rejoignît.
« Comment ça va ?
– Très bien », dit le jeune homme. Il transpirait abondamment et ses muscles étaient crispés par la montée.
« Attends-moi ici. Je vais devant, les avertir. Il ne faudrait pas qu’on te tire dessus avec ce que tu portes là.
– Même pas histoire de rire, dit le jeune homme. C’est loin ?
– Non, tout près. Comment est-ce qu’on t’appelle ?
– Roberto », répondit le jeune homme. Il s’était dégagé des courroies du sac et avait posé celui-ci doucement entre deux rocs près du lit du torrent.
« Alors, Roberto, attends-moi là, je vais revenir te chercher.
– Bon, dit le jeune homme. Mais est-ce que c’est par ce chemin-là que tu comptes descendre au pont ?
– Non. Quand on ira au pont de sera par un autre chemin. Plus court et plus facile.

– Je ne voudrais pas déposer ces trucs-là trop loin du pont.
– Tu verras. Si ça ne te plaît pas, on choisira un autre endroit.
– On verra », dit le jeune homme.

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