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Bouquin-quizz n°36

Publié par le 17 décembre 2015

 

Bonjour à tous.
Voici un extrait de…
Je veux dire d’un roman de…
Non. Finalement, je ne vais pas vous l’indiquer. Ça vous amusera peut-être d’essayer de deviner.
Et si ça ne vous amuse pas, je vous conseille de le lire quand même. Ça vaut !


De retour au port, en passant devant le bistrot « Chez Léon », Max vit une multitude de pêcheurs qui en sortaient et qui y entraient.

Poussé par la curiosité et le désir de se détendre, il poussa la porte.
L’atmosphère était chaude et bruyante. Max se rendit au bar. Autour de lui, les pêcheurs discutaient ferme. Ils comparaient leurs prises…

Propos cent fois entendus !
« Moi, disait l’un, j’ai pris un saumon grand comme ça !
— Moi, rétorquait l’autre, j’ai pris un saumon plus grand que ça !
— Eh bien moi, surenchérissait un troisième… »

Soudainement, la porte s’ouvrit avec force et un type entra, en tenue de plongeur. Collant de caoutchouc, palmes aux pieds, lunettes sous-marines et bonbonne sur le dos, dont il tenait l’embout dans la bouche…
Aussitôt, le silence se fit.
Max demanda au barman :
« Qui est-ce ?
— On l’appelle « le plongeur ». C’est un ancien marin pêcheur… Depuis qu’on l’a repêché en mer, il se prend pour un thon. Il s’en va clamant sur tous les tons qu’il est un thon ! N’est-ce pas que vous êtes un thon ?
— Exact ! Je suis un pauvre thon ! »

Après avoir retiré son embout et le remettant aussitôt en bouche, comme un vieux marin sa pipe, il s’approcha du bar où Max était accoudé et, retirant à nouveau son embout, dit au barman :
« Le plein, s’il vous plaît !
— En eau plate ou en eau pétillante ?
— En plate ! »
Et, tout en remplissant la bonbonne, le patron du bistrot, Léon, dit à Max à voix basse :
« Il est thon comme une baleine… »

Il faut dire que les gens qui se prennent pour ce qu’ils ne sont pas fascinaient Max… Il éprouva le besoin d’en savoir plus :
« Dites, mon brave ? Puis-je vous poser quelques questions ? Je viens… (Max cherchait un prétexte…) Je viens pour un article…
— De pêche ?
— C’est ça ! Un article de pêche intitulé : (il improvisa) « La vie des thons hors de l’eau ».
— Je suis votre homme.
— Ce n’est pas à l’homme, précisément, que je m’adresse mais au thon que vous prétendez être…
— Je le prétends parce que je le suis ! »
Max poursuivit :
« Ecoutez… Sans vous offenser, ne seriez-vous pas plutôt un pêcheur qui se prend pour un thon ?
— Non ! C’est tout le contraire ! Je suis un thon qui, dans un moment d’égarement, s’est pris pour un pêcheur ! Oui, monsieur, je bats ma coulpe, je l’avoue ! J’ai pêché comme tous ceux (les pêcheurs ou soi-disant tels) qui sont ici… comme vous, sans doute…
— Ah non ! Moi, je n’ai jamais pêché !
— Ah, je n’aime pas beaucoup les gens qui n’ont jamais pêché… Ils ont tendance à vous jeter la première pierre… Bref, comme tous les pêcheurs qui sont ici, je me suis pris pour un des leurs ! (les désignant) Vous les voyez comparer leurs prises ? Eh bien, nous, nous comparions nos leurres… »
Max intervint :
« Attendez ! Là, j’ai du mal à vous suivre… Qu’est-ce que vous entendez par « leurres » ?
— Ce que les pêcheurs ou soi-disant tels appellent « leurres », ce sont les appâts artificiels que l’on accroche au bout de sa ligne pour leurrer les pauvres thons… Bref, me considérant comme l’un des leurs, je leur montrais mes leurres… Et eux, ils me montraient les leurs. Evidemment, c’était à celui qui, avec son leurre, avait pris le plus gros thon ! »

Max éprouva le besoin de faire une pause :
« Puis-je vous offrir un verre ? dit-il.
— Volontiers ! Léon, comme d’habitude !
— De l’oxygène ?
— Oui, un ballon ! »

Léon, après avoir lancé un clin d’œil à Max, saisissant une bouteille d’une main et un ballon de l’autre, lui dit :
« Il le prend sans rien… comme ça… pur. »

Le plongeur, après avoir respiré quelques bouffées d’oxygène :
« Où en étais-je ? Là, je me suis dit : Henri…
— Parce que vous vous prénommez Henri ? dit Max.
— Oui, Henri. Mais appelez-moi Riton !
— Pourquoi Riton ?
— Parce que c’est drôle ! HA ! HA ! »

Là, Max comprit que l’oxygène faisait déjà son effet.
« Riton comment ?
— Riton-thon, comme mon père !
— Ah, parce que c’était aussi un thon ?
— Forcément, puisque je suis son fils !
— Comment vous différencie-t-on ?
— Moi, on m’appelle « thon-fils » par rapport au père qu’on appelle « thon-père » !
— Là, je ne vous suis plus très bien, avoua Max.
— C’est pourtant simple… Par rapport au père-thon, moi, je suis thon-fils !
— Mais « thon-père », il vous appelle bien « thon-fils » ?
— Non ! Il m’appelle fiston !
— Vous vous entendez bien, entre « thon-père » et « thon-fils » ?
— Oui, quoique parfois, on ait des prises de bec…
— Par exemple ?
— On se traite de saumon ! C’est la suprême injure-thon : saumon ! Je dis à « thon-père » : vous n’êtes qu’un saumon-père ! Et « thon-père » me répond : tu es encore plus saumon-fils que ton père ! Et le ton monte : Vieux thon !… Thon-gueule !…
— Et cela se termine ? intervint Max.
— Par un gueuleton… chez tonton !
— Parce que vous avez un tonton aussi ?
— Oui, c’est le plus thon de tous, il ne parle que le thon !
— Et vous, vous comprenez le thon ?
— Je l’ouïs, oui. Mais lui, il pense « thon »…
— Exemple ?
— Prenons une phrase de pêcheur… « Homme, tu n’es que poussière et retourneras en poussière ». Savez-vous comment il traduit ça, le tonton ? « Thon, tu n’es que miettes et retourneras en miettes ». Il est ton comme un ténor… Plus grave même… Comme un baryton ! »

Tout en poursuivant son récit, de temps en temps, il reprenait en main son « ballon » d’oxygène et, avidement, en aspirait quelques bouffées.
« Je me suis dit : Riton, tu vas leur montrer à tous ces vantards que tes leurres sont les meilleurs ! Tu vas leur rapporter un thon plus grand que les leurs. Alors je monte dans ma barque et je prends le large… Un large comme… Le grand large, quoi !… Arrivé en haute mer… Une mer haute comme… Une mer aussi haute que le large était grand… Bref ! Arrivé en haute mer, je lance ma ligne et je surveille mon bouchon… Et tout de suite, un thon… mord… Enfin un thon mord… Un thon bien vivant, mord !… Je vois mon bouchon qui s’enfonce… je tire… Et je ramène le thon vers ma barque en essayant de noyer le poisson… Je me disais que, d’après les remous, ce devait être un thon géant. Eh bien, en fait de thon géant, monsieur, c’était une sardine naine !
— Il n’y avait pas de quoi se vanter.
— Non ! j’ai failli la rejeter à la mer… Et puis je me suis dit : non ! Avec cinq petites sardines comme celle-là, on peut déjà remplir une boîte… Alors j’ai pris une boîte de thon vide (je n’avais pas pris de boîte de sardines puisque je pêchais le thon !) et comme la mer était d’huile, j’en ai rempli la boîte. Puis j’ai retiré l’eau, n’ai conservé que l’huile, ai déposé ma sardine dans ma boîte de thon en me disant : il ne me reste plus qu’à compléter avec d’autres sardines !

Max intervint :
« Excusez-moi, mais là, je crois que vous poussez le bouchon un peu loin…
— Non, monsieur ! Sachez que, bien que les sardines et les thons naviguent de conserve, les sardines se conservent mieux dans des boîtes de thon. Point. A la ligne !
— Admettons.
— Je relance la mienne (ma ligne)… Cette fois-ci avec une telle force que le leurre, par un effet de boomerang… m’est revenu dans la figure !
— Retour à l’envoyeur !
— Effectivement… En vrai thon que je suis, spontanément, j’ai ouvert la bouche toute grande et j’ai mordu à l’hameçon. L’instinct !… Alors, naturellement, en bon pêcheur que j’étais, j’ai ferré sec… Et je me suis enferré !
— Tel est pris qu’il croyait prendre ! HA ! HA !
— Cela vous fait rire ?
— Mais non, Riton !
— Appelez-moi Henri, voulez-vous ?
— Pourquoi Henri ?
— Parce que ce n’est pas drôle !… Bref, sous le choc, la barque s’est retournée et je me suis retrouvé dans l’eau parmi un banc de thons qui m’ont tout de suite reconnu comme l’un des leurs. Nous étions sur la même longueur d’onde.
— Et vous êtes resté longtemps sous l’eau… Enfin, parmi les thons ?
— Hélas non !… J’ai tout de suite été repêché par des marins qui levaient leurs filets dans les parages… Lorsque je leur ai dit que j’étais un thon, ils n’ont pas voulu me croire.
— Tant mieux, ils auraient été capables de vous mettre en boîte.
— Ça, monsieur, ils ne s’en sont pas privés ! Et s’ils ne m’ont pas réduit en miettes, c’est grâce à ma franchise, parce que je suis, parmi toute cette bande de thons, le seul thon assez courageux pour reconnaître qu’il est un thon. Tous les autres que vous voyez ici, dans cette salle, se prennent pour des pêcheurs. »

Max demanda :
« A quoi voyez-vous que ce sont des thons ?
— Ben… Vous ne trouvez pas qu’ils me ressemblent étrangement ?
— Certes… Dites, entre nous, de vous à moi, vous n’en avez pas plein le dos de vous affubler de la sorte, de vous encombrer de tout cet attirail de plongeur alors que vous pourriez vous montrer dans votre plus simple appareil ?
— C’est une question de survie, monsieur ! Mais je ne vous cacherai pas que, parfois, il me prend l’envie de me jeter à l’eau !
— Vous y seriez dans votre élément…
— Le drame, c’est qu’il m’arrive la pire des choses qui puissent advenir à un thon qui s’est pris trop longtemps pour un pêcheur… Je ne sais plus nager ! »

Là-dessus, il remit son embout en bouche et passa derrière le comptoir pour faire la plonge.
« Tenez, dit Léon, c’est ma tournée. Qu’est-ce vous prenez ?
— Ah tiens ! Donnez-moi donc aussi un petit coup d’oxygène ! dit Max.
— Vous le prenez pur ?
— Je ne sais pas. Ça se prend avec quoi ?
— Avec de l’hydrogène.
— Ça donne quoi ?
— De l’eau !… Ça ne vaut pas le coup !
— Alors, pur ! »

Le patron lui servit un ballon. Max le respira d’un trait… et, reposant son verre :
« Dites-donc, Léon, votre oxygène, là…
— Eh bien ?
— Il sent le bouchon ! »

(A suivre)

 

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