Bonjour à tous.
Voici un extrait de…
Je veux dire d’un roman de…
Non. Finalement, je ne vais pas vous l’indiquer. Ça vous amusera peut-être d’essayer de deviner.
Indice : aucun.
Et si ça ne vous amuse pas de deviner, je vous conseille de le lire quand même. Ça vaut !
Note : le Bouqin-quizz n°6 nous a été soumis par le copain Oliv’ dans un commentaire déposé sur la page Bouquin-quizz n° 5. Je me comprends…
En moins de trois heures, on est devant une mare de boue. Des nénuphars en fleur et de grandes feuilles vertes sont collées à la vase. On suit le bord du banc de vase.
« Fais attention de ne pas glisser, sans ça tu disparais sans espoir de remonter, m’avertit Van Hue qui vient de me voir trébucher.
– Vas-y, je te suis et je ferai plus attention. »
Devant nous un îlot, à près de cent cinquante mètres. De la fumée sort du milieu de la minuscule île. Ça doit être des charbonnières. Je repère un caïman dans la vase, dont seuls les yeux émergent. De quoi peut-il bien se nourrir dans cette vase, ce crocodile ?
Après avoir marché plus d’un kilomètre le long de la berge de cette sorte d’étang de vase, Van Hue s’arrête et se met à chanter en chinois à tue-tête. Un mec s’approche au bord de l’île. Il est petit et vêtu d’un short seulement. Les deux Chintocs parlent entre eux. C’est long et je commence à m’impatienter quand, enfin, ils s’arrêtent.
« Viens par là », dit Van Hue.
Je le suis. On retourne sur nos pas.
« Tout va bien, c’est un mai de Cuic-Cuic. Cuic-Cuic est allé à la chasse, il ne va pas tarder à arriver, il faut l’attendre là. »
On s’assied. Moins d’une heure après, Cuic-Cuic arrive. C’est un petit mec tout sec, jaune annamite, les dents très laquées, presque noir brillant, des yeux intelligents et francs.
« Tu es un ami de mon frère Chang ?
– Oui.
– C’est bien. Tu peux partir, Van Hue.
– Merci, dit Van Hue.
– Tiens, emporte-toi cette perdrix-poule.
– Non, merci. » Il me serre la main et s’en va.
Cuic-Cuic m’entraîne derrière un cochon qui marche devant lui. Il le suit littéralement.
« Fais bien attention. Le moindre faux pas, une erreur, et tu t’enlises. En cas d’accident, on ne peut pas se secourir l’un l’autre, car c’est pas un mais deux qui disparaissent. Le chemin à traverser n’est jamais le même car la vase bouge, mais le cochon, lui, trouve toujours un passage. Une seule fois, il a fallu que j’attende deux jours pour passer. »
Effectivement, le cochon noir flaire et s’engage sur la vase. Le Chinois lui parle dans sa langue. Je suis, déconcerté de voir ce petit animal qui lui obéit comme un chien. Cuic-Cuic observe et moi, j’écarquille les yeux, médusé. Le cochon traverse de l’autre côté sans jamais s’enfoncer de plus de quelques centimètres. Rapidement, mon nouvel ami s’engage à son tour et dit :
« Mets tes pieds dans les traces des miens. Il faut faire très vite car les trous qu’a laissés le cochon s’effacent immédiatement. » Sans difficulté on a traversé. Jamais je n’ai eu de la vase plus haut que les mollets, et encore, vers la fin.
Le cochon avait fait deux crochets longs, ce qui nous a obligés à marcher sur cette croûte ferme pendant plus de deux cents mètres. La sueur me coule de tous côtés. Je ne peux pas dire que j’avais seulement peur, car vraiment j’étais terrifié.
Pendant la première partie du trajet, je me demandais si mon destin voulait que je meure comme Sylvain. Je le revoyais, le pauvre, à son ultime instant et, tout en étant très éveillé, je distinguais son corps mais tout son visage semblait avoir mes traits. Quelle impression m’a faite ce passage ! Je ne suis pas près de l’oublier.
« Donne-moi la main. » Et Cuic-Cuic, ce petit mec tout os et peau, m’aide à grimper sur la berge.
« Eh bien mon pote, ce n’est pas là que vont venir nous chercher les chasseurs d’hommes.
– Ah, pour ça, sois tranquille ! »
Nous pénétrons dans l’îlot. Une odeur de gaz carbonique me prend à la gorge. Je tousse. C’est la fumée de deux charbonnières qui se consument. Je ne risque pas d’avoir de moustiques ici. Sous le vent, enrobé de fumée, un carbet, petite maisonnette au toit de feuilles et aux murs également en feuilles tressées en anttes. Une porte et, devant elle, le petit Indochinois que j’ai vu avant Cuic-Cuic.
« Bonjour, Mouché.
– Parle-lui français et non patois, c’est un ami à mon frère. »
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