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Bouquin-quizz n°1

Publié par le 8 septembre 2014

Bonjour à tous.

Voici un extrait de…
Je veux dire d’un roman de…
Non. Finalement, je ne vais pas vous l’indiquer. Ça vous amusera peut-être d’essayer de deviner.

Quelques indices, tout de même : l’auteur est né en Crète en 1885 ; le bouquin dont est extrait ce texte a été adapté au cinéma en 1964 ; un grand, très grand film dont la bande originale est devenue un succès planétaire.

Et si ça ne vous amuse pas de deviner, je vous conseille de le lire quand même. Ça en vaut la peine !

 

Je m’étais lié d’amitié avec un Russe, un bolchevik enragé. On allait tous les soirs dans une taverne du port, on descendait pas mal de carafons de vodka et ça nous mettait en train. Dés qu’on commençait à être gais, on avait le cœur qui s’ouvrait. Lui, il voulait me raconter en détail tout ce qui lui était arrivé pendant la révolution russe et moi, de mon côté, je voulais le mettre au courant de mes faits et gestes. On s’était soûlés ensemble, tu vois, et on était devenus frères. Avec des gestes, tant bien que mal, on s’était mis d’accord. Lui, il parlerait le premier. Quand je ne comprendrais plus, je lui crierais : stop ! alors il se lèverait pour danser. Comprends-tu, patron ? Pour danser ce qu’il voulait me dire. Et moi, la même chose. Tout ce qu’on ne pouvait pas dire avec la bouche, on le dirait avec les pieds, avec les mains, avec le ventre ou avec des cris sauvages : Haï ! Haï ! Hop là ! Hohé !…
C’est le Russe qui commença : comment ils avaient pris le fusil, comment la guerre s’était allumée, comment ils étaient arrivés à Novorossisk. Quand je ne pouvais plus comprendre ce qu’il me disait, je levais la main, je criais : stop ! Aussitôt le Russe s’élançait, et allez ! Il se mettait à danser ! Il dansait comme un possédé. Et moi, je regardais ses mains, ses pieds, sa poitrine, ses yeux et je comprenais tout : comment ils étaient entrés à Novorossisk et avaient tué leurs maîtres, comment ils étaient entrés dans les maisons et avaient enlevé les femmes. Et puis après, c’était mon tour. Je m’élançais, j’écartais les chaises et les tables et je me mettais à danser. Ah mon pauvre vieux, ils sont tombés bien bas, les hommes ! Pouah ! Ils ont laissé leurs corps devenir muets et ils ne parlent plus qu’avec la bouche. Mais qu’est-ce que tu veux qu’elle dise, la bouche ? Si tu avais pu voir comment il m’écoutait, de la tête aux pieds, le Russe, et comment il comprenait tout ! Je lui décrivais en dansant mes malheurs, mes voyages, combien de fois je me suis marié, les métiers que j’ai appris : carrier, mineur, colporteur, potier comitadji, joueur de santouri, marchand de passa-tempo, forgeron et contrebandier ; comment on m’a fourré en prison, comment je me suis évadé, comment je suis arrivé en Russie… Tout, il comprenait. Mes pieds, mes mains parlaient, mes cheveux aussi et mes habits. Et un canif qui pendait à ma ceinture, lui aussi, il parlait…
Tu ris ? Tu ne me crois pas, patron ? Tu te dis en dedans : dis donc, qu’est-ce que c’est que ces boniments qu’il nous débite, ce Sindbad le marin ? Se parler en dansant, est-ce que c’est possible ? Et pourtant, j’en mettrais ma main au feu, c’est comme ça qu’ils doivent se parler, les dieux et les diables.

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