Adapté du roman Zykë L’Aventure, Thierry Poncet, éditions Taurnada, en librairie ou ici :
https://www.amazon.fr/Zyk%C3%AB-Laventure-Thierry-Poncet/dp/2372580345
https://livre.fnac.com/a10793510/Thierry-Poncet-Zyke-l-aventure
Poursuite du générique. Musique.
EXT Nuit, routes
Succession de plans montrant :
– La Mercedes roulant de nuit, son phare avant droit clignant.
– Zykë et Msieu Poncet sortent d’un restoroute. Msieu Poncet se met au volant.
Zykë :
T’es fatigué ?
Msieu Poncet (baillant) :
Non…
– La Mercedes sur une rocade de ville.
EXT Jour, route
Matin.
Un duo de motards de la gendarmerie arrête la Mercedes. Zykë, au volant, se range sur le côté.
Fin du générique. Arrêt de la musique.
EXT Jour, route.
La Mercedes sur le bas-côté, bloquée par une moto devant, une moto derrière. Zykë et Msieu Poncet sont sortis de la voiture. Zykë y est adossé, relax, fumant une clope. Msieu Poncet est apeuré et nerveux.
Msieu Poncet :
Merde merde merde, on y a droit !
Zykë :
Tranquille. Tu as peur de l’autorité ou quoi ?
Flic n°2, un grand gaillard tout de roideur militaire, est à la radio, passeports de Zykë et Msieu Poncet en main. Flic n°1 se plante devant Zykë. Casqué et botté, il souhaite avoir l’air martial, mais sa toute petite taille, qui le fait paraître minuscule face au colosse et l’embonpoint qui distend sa casaque gâchent l’effet.
Zykë :
Je viens d’acheter ce véhicule à l’état déplorable, vous en conviendrez, et je l’apporte à mon cousin qui est garagiste, spécialiste des Mercedes à…
Plan sur un panneau indicateur proche : « Albi 25 ».
Zykë (poursuivant) :
… à Albi. Vous connaissez ? C’est sur l’avenue, hmm… Jean-Jaurès. Comme je ne voulais pas créer des situations à risques avec un véhicule en si mauvais état, vous en conviendrez, j’ai décidé de l’apporter sans attendre à mon cousin garagiste spécialiste de Mercedes à Albi, vous savez, avenue Jean-Jaurès, afin qu’il procède au plus vite aux réparations nécessaires sur ce véhicule qui, vous en conviendrez, est dans un état déplorable…
Flic (affligé d’une voix fluette de petite fille) :
Je comprends bien, monsieur, mais on ne peut pas rouler avec des pneus aussi lisses, c’est dangereux.
Zykë :
Monsieur l’agent, nul n’est plus scrupuleux que moi pour ce qui est de la sécurité routière. C’est pour ça que, comme je ne veux pas laisser un véhicule dans cet état déplorable, vous en conviendrez, je l’apporte de toute urgence à mon cousin qui est garagiste à Albi, avenue Jean-Jaurès, afin qu’il se livre sur le champ, en tant que spécialiste des Mercedes, à toutes les réparations nécessaire…
Flic :
Oui, mais enfin, les pneus sont très très très très lisses.
Zykë :
Mon cousin est un expert en pneus.
Flic :
Mais quand même… c’est lisse, tout ça, c’est très très lisse !
Zykë :
Mon cousin me dit toujours : « les pneus, c’est la clé de la sécurité routière ».
Flic (dépassé) :
Oui mais bon, euh… mais… bon… euh… mais alors vous y allez directement, hein, chez votre cousin !
Zykë (main sur son cœur) :
J’y vais de ce pas ! Vous pensez bien, la sécurité routière…
La musique reprend.
EXT jour, Paysages
La Mercedes traverse différents paysages : une route sinueuse de montagne, un bord de mer, un village…
Zykë est au volant. Au moment où il passe une vitesse, la boule du levier lui reste dans la main. Il la balance d’un geste indifférent par la fenêtre.
EXT Jour, Barcelone
Dans une banlieue pauvre, Zykë échange une plaquette de hasch contre quelques billets. À l’arrière-plan, appuyé à la Mercedes, Msieu Poncet baille.
Zykë le rejoint.
Zykë :
Prends le volant. T’es fatigué ?
Msieu Poncet :
Non… non…
Ils grimpent dans la voiture qui repart.
EXT Nuit, route de montagne.
La Mercedes est maintenant totalement borgne, phare droit éteint, tandis que le gauche donne des signes de faiblesse.
INT Nuit, Mercedes
Msieu Poncet est penché sur le pare-brise, poitrine sur le volant, les yeux plissés, tâchant de voir où il va. Zykë allume un joint.
Zykë :
Le pognon ne m’a jamais posé de problèmes. Je n’ai aucun respect pour l’argent. J’en fais comme je veux et après je le claque intégralement, jusqu’au dernier centime. Mon fric, il est en sécurité dans la poche des autres, tu comprends ?
Msieu Poncet :
Hon hon…
Zykë :
Je ne suis pas un escroc, je suis un grand escroc. Je suis un manipulateur. Un bouffeur de tête. Les cervelles, je sais comment ça marche. Alors je fais bosser les gens pour moi. Je les exploite à fond. Je sais que ce n’est pas bien d’être exploiteur, mais c’est encore pire d’être exploité. Tu comprends ?
Msieu Poncet :
Hon hon…
Zykë :
Je ne reconnais aucune loi. Que la mienne. La morale, je me torche avec. Qu’est-ce que c’est, la morale ? Un truc inventé par les bourgeois pour faire tenir les gens tranquilles. Et moi je chie sur les bourgeois, tu comprends ?
Msieur Poncet :
Ouais, ouais…
Zykë :
Qu’est-ce qu’ils veulent ? Qu’on gâche sa jeunesse à faire des études à la con, et après qu’on marne comme des bagnards pour arriver à quoi ? À se faire chier vingt ans à la retraite ? Non, camarade, pas question.
EXT Nuit, route
Plan sur une enseigne au néon plantée au bord de la route, qui annonce : CAFETERIA, 24 / 24.
INT Nuit, Mercedes
Zykë (écrasant son joint dans le cendrier débordant) :
Arrête-toi là. On va boire un caoua…
Msieu Poncet obéit, s’engage sur le chemin d’accès à la cafeteria.
Ils débouchent sur un parking très éclairé. S’y trouvent garés deux autocars militaires, avec autour d’eux une foule de guardia civils.
Msieu Poncet a le réflexe d’entamer un demi-tour pour s’échapper de ce piège. Zykë empoigne le volant, la main très ferme.
Zykë :
Trop tard. Ils nous ont vus. Gare-toi bien tranquillement…
EXT Nuit, parking
La Mercedes se gare. Les flics et les militaires la regardent d’un air suspicieux.
Zykë et Msieu Poncet sortent. Un plan les montre en pied. On se rend pleinement compte de leur allure. L’un est monumental, en bottes et blouson de cuir, pépite au cou. L’autre est en baskets déchirées et vieux teddy, lunettes rafistolées en travers sur le nez.
Zykë :
Tâchons d’avoir l’air innocent…
Msieu Poncet le regarde de haut en bas et écarte les mains dans un geste d’impuissance, genre : « innocent, tu parles… ».
INT Nuit, cafeteria.
Zykë et Msieu Poncet entrent. Le brouhaha des conversations s’interrompt. Une trentaine de flics les regardent avec sévérité.
La caméra montre un bar de route sans aucun charme. On voit dans le plan trois jackpots alignés contre un mur.
Zykë et Msieu Poncet s’accoudent au comptoir. Msieur Poncet, très impressionné, jette autour de lui des regards aussi furtifs que coupables.
Msieur Poncet:
Merde merde merde, c’est pas vrai…
Zykë :
Tranquille. (Il s’adresse au serveur, la voix paisible) Tres bocadillos de jamon, y tres bocadillos de chorizo, y tan bien dos porcions de tortillas con patatas, y dos carigillos de ron, por favor…
(sous-titres : trois sandwiches au jambon et trois sandwiches au chorizo, et aussi deux portions d’omelette aux pommes de terre et deux cafés-rhums, s’il vous plaît…)
Msieu Poncet :
J’ai pas trop faim.
Zykë :
La ferme. Il faut du visuel. Les impressionner. Les distraire, tu comprends ?
GP sur Msieu Poncet qui, visiblement, ne comprend pas.
Zykë (au serveur) :
Y dos partas de lomo, tan bien…
(sous-titres : Et deux parts de ragoût de veau, aussi)
Plan sur le serveur, interloqué, qui commence à empiler devant les deux hommes une montagne de tapas.
GPs sur diverses trognes des guardia civils, portraits de l’autorité bornée. De la trogne, du sourcil touffu, de la moustache, de la mâchoire, du front bas, de la tronche de traviole, tout ça réprobateur Ô combien.
Zykë va aux jackpots. Il introduit une pièce dans l’une des machines.
Plan sur les rouleaux de la machine qui s’immobilisent sur trois prunes, signe de jackpot.
Plan sur la pluie de monnaie qui tombe dans le bac de la machine. La main de Zykë prélève une pièce et la remet dans la machine.
Nouveau plan sur les rouleaux qui s’arrêtent sur trois grappes de raisin. Nouveau jackpot. Nouvelle pluie de monnaie dans le bac de la machine.
Zykë prend une pièce dans le bac et rejoue.
Plans sur divers visages de flics maintenant intrigués – du sourcil qui s’élève, de l’œil bourrin qui s’écarquille, de la bouche en « o » – tandis que retentit le bruit caractéristique des rouleaux de jackpot s’arrêtant sur une formule gagnante et de la pluie de monnaie qui s’ensuit.
Un flic :
O, Hombre…
Un autre :
Madre mia, que suerte !
(sous-titres : Bonne mère, quelle chance !)
Zykë introduit une pièce dans la machine. Gagne. Autour de lui s’agglomère un groupe de flics qui saluent chaque gain d’une acclamation.
Les flics :
Roder, que suerte !… La concha de su madre !… El diablo !…
(sous-titres : Enculé, quelle chance !… La chatte de sa mère !… Le diable !…)
Zykë, une montagne de monnaie dans les mains, revient au comptoir où Msieu Poncet mastique sans enthousiasme un sandwich.
Zykë :
Viens, on se casse !
Msieu Poncet hésite. Montre la montagne de bouffe qui s’empile sur le comptoir.
Zykë :
On se casse. On disparaît. Pfuit, tu piges ?
EXT Nuit, parking
La Mercedes sort du parking de la cafétéria, un cercle de flics et de militaires l’acclamant.
INT Nuit, Mercedes
Zykë conduit.
Zykë :
Roule un petit tarpé pour fêter ça. T’es fatigué ?
Msieu Poncet (soulagé) :
Non, ça va. (Il éclate de rire). La gueule qu’ils ont fait… Woah, la gueule des flics !…
Zykë, au volant, l’observe rigoler, ombre de sourire aux lèvres, avec l’air d’un fauve qui tient sa proie.
(À suivre)
6 Responses to Zykë L’Aventure – Le film (02)