Adapté du roman Zykë L’Aventure, Thierry Poncet, éditions Taurnada.
INT Nuit, maison caraïbe
GP sur une main qui agite un gobelet de dés. Un œil et une oreille attentifs remarquent que la personne ne fait pas rouler les dés, se contentant de les faire glisser.
Plan sur les dés jetés sur un jeu de backgammon. Un résultat qui permettent aux blancs de gagner la partie.
Plan sur le joueur : Andy, un américain blond aux cheveux longs et bouclés, échappé de l’ère hippie chic.
Andy (ravi, en français avec accent) :
Désolé. Tu es, comment dit-on en français, plumé, je crois. Je suis vraiment désolé.
Contrechamp sur Zykë et son sourire neutre.
Zykë :
No problem.
Plan sur sa main qui pousse les billets du pari dans la direction d’Andy. Celui-ci s’en saisit et les ajoute à l’épaisse liasse de ses gains précédents.
Andy :
Une autre fois, peut-être…
Zykë (neutre) :
Peut-être.
EXT Jour, terrasse
C’est l’aube. Zykë salue aimablement Andy au seuil de la pièce et traverse une terrasse où roupillent sur des coussins Sam et Msieu Poncet.
Zykë :
Debout les gars.
Sam (se redressant) :
T’as gagné ?
Zykë :
Non.
INT Jour, bar d’hôtel
Zykë, Sam et Msieu Poncet sont attablés devant un plantureux petit déjeuner.
Zykë (sombre) :
C’est un tricheur, ce type. La plus basse race des tricheurs. Il sait comment remuer les dés dans le gobelet sans les faire rouler. Minable. Ce n’est pas pour le pognon, mais il est hors de question qu’il me prenne pour un cake. C’est contre mes règles d’arracher les oreilles d’un type alors que je me trouve sous son toit, alors allez le tirer du lit et ramenez-le moi ici.
Sam et Msieu Poncet (se levant aussitôt, jubilant) :
Okay boss !
Zykë :
Qu’il rapporte tout le pognon qu’il m’a volé, ou bien c’est moi qui vais le chercher.
Sam et Msieu Poncet :
Okay boss !
INT Jour, bar d’hôtel
Entrent dans la salle du bar Andy, le pas vif et la mine fâchée, suivi de Msieu Poncet et Sam, hilares.
Andy s’approche de Zykë, assis au comptoir.
Andy :
Explique à moi. Je ne comprends p…
Zykë lui décoche une grande baffe en travers de la figure. Le nez éclaté, Andy tombe un genou à terre. Zykë descend de son tabouret et lui attrape une oreille. Tirant sur celle-ci, il force Andy à se relever.
Zykë :
Tu as mon pognon, salope ?
Andy (dont l’oreille s’est mise à saigner, affolé) :
Stop ! Yes ! Oui ! Please…
Il prend fébrilement dans sa poche la liasse de billets et la brandit.
Zykë :
Garde le.
Il traîne Andy par l’oreille à travers la salle de bar, puis la réception. Msieu Poncet et Sam suivent, rigolards, réjouis.
EXT Jour, rue
Une femme pauvre portant un enfant vient à passer.
Zykë :
Ola señora !
La femme s’approche.
Zykë (à Andy) :
Donne-lui un billet.
Andy, surpris, a un réflexe de refus mais une torsion supplémentaire de son oreille le rappelle à de meilleurs sentiments. Grimaçant et chouinant, il tend un billet à la dame qui s’en empare, émerveillée, tandis que Zykë hèle un vieux bonhomme.
Zykë :
Ola señor !
Andy donne un billet au vieux. Une bande de gamins curieux s’est approchée. Les gosses tendent les mains. Andy leur donne un billet à chacun.
Andy :
Fuck ! Qu’est-ce que tu fais ?
Zykë :
Deux choses. Un, je te prouve que ce n’est pas une question d’argent pour moi. Deux, je t’apprend qu’il ne faut pas tricher avec moi. (Il secoue encore durement l’oreille d’Andy). Tu devrais me remercier, je te fais gagner ta pace au paradis.
Alertés par les gamins qui ont remonté la rue en hurlant, billets brandis, des passants affluent vers le lieu de la distribution.
EXT Jour, rue adjacente
Dans une rue adjacente passe une procession religieuse, curé en tête, suivi des porteurs d’une statue de saint.
Apercevant la distribution, des suiveurs de la procession la quittent pour aller chercher leur billet. Des vieilles femmes en noir ne tardent pas à les suivre. Les porteurs du saint le laissent tomber à terre. Le curé tente de protester puis, constatant l’inanité de ses efforts, il se précipite lui aussi vers la source à billets, soutane relevée à deux mains.
EXT – INT Jour / Nuit, avions
Plusieurs plans montrant des avions décollant et atterrissant, entrecoupés de plans montrant l’équipe dans des aéroports.
EXT – INT Jour / Nuit
Pour cette dernière séquence, qui conclut la partie voyage, on change de rythme. Il s’agit d’une suite de plans presque oniriques, sans paroles, sur une musique évocatrice des sixties, Knockin On Heaven’s Door, à la manière d’un clip.
Musique : Knockin On Heaven’s Door chanté par un musicien local à l’accent asiatique sur une guitare rudimentaire.
Mama take this badge for me
I can’t use it anymore…
Plan général sur le petit port de Labuhanbajo, des cahutes aux toits de tôles qui s’étagent au-dessus d’une baie où sont ancrés une douzaine de rafiots perliers.
Plan sur le chanteur. Il joue sur la petite scène d’un bar-hôtel pour le bénéfice d’une trentaine de routard (e) s.
Mama put my guns in the ground
I can’t shoot them anymore…
Attablés devant un festin de crustacés, Zykë, Sam et Msieu Poncet tranchent par leur allure superbe et leur décontraction. Sam et Msieu Poncet chantonnent en se regardant, souriants, pleins d’amitié.
Plan sur une jeune et très jolie beurette (Jo) dans l’assistance.
Des serveurs indigènes s’affairent. Aux murs, on peut voir des panneaux indiquant les horaires et les tarifs pour les visites de l’île aux varans, Komodo.
Musique : le chant du musicien local est recouvert par la version originale – ou bien une reprise – multi instrumentale.
Au petit matin, le trio gagne en pirogue un bateau perlier ancré, un rafiot de bois branlant, ravaudé de bouts de ferraille, d’une vingtaine de mètres, au gros château arrière, sur le pont bordélique duquel un équipage s’affaire.
Knock knock knockin…
Plan sur le bateau voguant au milieu d’une mer étincelante.
Le capitaine, un Indonésien mûr portant casquette américaine, est à la barre. Zykë, Sam et Msieu Poncet à bord, heureux, entourés de l’équipage, une douzaine d’Indonésiens qui préparent du matériel de plongée.
Couronnés de cheveux crépus, ce sont des petits types noirauds très jeunes, des gamins, dont la maigreur est effrayante. Joues creusées, pommettes prêtes à crever la peau, immenses yeux joyeux et rires de têtes de mort.
Le capitaine coupe le moteur.
Le bateau ancré dans un espace de mer très bleue parsemée d’îlots rocailleux.
Les plongeurs sautent à l’eau les uns après les autres. La caméra s’attarde sur leur équipement : vieux survêtements, pulls de laine en guise de combinaisons, palmes dépareillées et masques rafistolés au chatterton. Chacun porte un panier de grillage raccordé par une corde à un bidon de plastique vide.
Les environs du bateau avec les bidons qui flottent de loin en loin. Msieu Poncet se saisit d’un masque et saute à l’eau. Le capitaine a un geste pour le retenir mais Zykë lui fait signe de laisser faire. Après avoir nagé quelques brasses Msieu Poncet regarde en dessous de lui.
On observe ces types maigres et vêtus de haillons qui filent et virevoltent aux alentours de leurs filins, à fleur de la dalle sous marine, dans leurs vieux survêtements troués. On les voit glisser au ras du fond rocheux beige et noir, parsemé de buissons d’algues sombres, s’enquiller les courants comme un oiseau profite d’une coulée de vent puis, soudain, dévier de leur erre, d’un coup de palme pour fondre sur le coquillage qu’ils viennent de repérer. Ils frappent de leur machette rouillée dans un tourbillon de miettes de roche et jettent leurs prises dans leurs paniers.
Knock knock knockin…
Le soir, au bar-hôtel. Zykë et Msieu Poncet sont attablés devant une bouteille d’arak. Sam s’est installé avec la jolie beurette, Jo, à qui il parle, visage très près du sien. Msieu Poncet le hèle. Sam lui fait signe de le laisser tranquille. Zykë et Msieu Poncet échangent un regard entendu « le copain est sur un coup ». Zykë remplit les verres.
Zykë et Msieu Poncet et le capitaine sur un îlot mangent du poisson grillé sur un feu de brindilles.
Msieu Poncet plonge équipé. Ballet sous-marin avec les plongeurs.
Zykë et Msieu Poncet sur le pont ouvrent des huîtres à la machette, entourés de débris de coquilles et de bouts de chair. Plan sur les doigts de Zykë qui trouvent une petite perle rose. Zykë brandit la perle au soleil. Les deux rient. En arrière plan, des plongeurs rient aussi.
Zykë et Msieu Poncet rentrent au bar-hôtel, ravis et fatigués. Sam et Jo sont appuyés à la balustrade, seulement vêtus de serviettes de bain.
Zykë leur fait signe de le rejoindre.
Zykë et Msieu Poncet attablés. Sam et Jo les rejoignent. Sam fait les présentations. Zykë leur enjoint d’un signe de s’asseoir à table.
Zykë, Msieu Poncet, Sam et Jo à bord du rafiot inondé de soleil.
Knock knock knockin…
Msieu Poncet, Sam et Jo au fond, au milieu de bancs de poissons.
À table, au bar-hôtel, Jo rit aux éclats à ce que lui raconte Zykë.
Sur le bateau, Jo exulte en trouvant une perle dans une huître.
Zykë paye l’addition au bar-hôtel. Lui et Msieu Poncet ont leurs sacs à leurs pieds. Sam et Jo, enlacés, attendent à l’écart. Ayant payé, Zykë s’approche et tend largement la main à Sam qui la lui serre, ému. Msieu Poncet et Sam se donnent une longue accolade.
Knock knock knockin…
Zykë et Msieu Poncet dans un avion.
Roissy. Ciel gris, gens gris et pluie. Zykë et Msieu Poncet grimpent dans un taxi. Le taxi dans la circulation. Derrière la musique, on entend les informations de la radio.
Zykë et Msieu Poncet dans un parking souterrain, accompagné d’un gardien qui leur désigne une grande bagnole sous une bâche. Le gardien et Msieu Poncet soulèvent la bâche. La Rolls apparaît.
Knock knock knockin on heaven’s door…
Noir écran
(À suivre, eh ouais…)
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