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Sur les traces de Cizia Zykë 04

Publié par le 23 octobre 2021

 

Suite des aventures de David et Mel, en route pour le parc de Corcovado, péninsule d’Osa, Costa Rica, à la recherche de la mine d’or de Cizia Zykë…

 

Samedi 18 septembre – Carate – Costa-Rica.

Il était temps d’arriver. La voiture fume un peu mais bon, elle roule toujours.
Nous
trouvons un premier spot près de la piste d’atterrissage. Mais impossible d’y installer nos hamacs.

À une centaine de mètres, il y a une sorte de petite casa où les Ticos viennent boire le café. Elle est tenue par un homme blanc d’une soixantaine d’années à la barbe blanche, jaunie et mal taillée, antipathique à souhait. Je me souviens de son accueil lors de notre premier passage. Je m’étais pointé face au bonhomme, lequel ne m‘avait même pas accordé l’honneur de lever son cul.
– Bonjour, on peu
t boire une bière ici ?
L
e connard m’avait répondu dans un espagnol sur fond d’anglais.
– Il n’y a rien pour toi. Et tu ne fume
s pas devant chez moi.
Un fort en gueule, genre vieux lion édenté. Je n’ai pas envie de recroiser ce vieux con.
On s’éloigne et on finit par trouver un spot peu plus loin, au milieu des palmiers, près d’une rivière d’eau douce.

À la sortie de la voiture, je crois voir un long morceau de plastique comme on en trouve malheureusement aujourd’hui un peu partout sur les plages des tropiques. Mais en regardant de plus près, j’ai un doute qui en quelques seconde se transforme en excitation. C’est bien ça !
– M
el, sors les crochets, il y a un serpent !
– C’est quoi
? C’est quoi ?
– Je ne suis pas s
ûr. On dirait un drymarchon. Ou un spilotes. Énorme, en tous cas…
La bestiole
mesure pas loin de deux mètres. Elle est en train de se faire bronzer le cuir au soleil.
Avec toute la volonté du monde, impossible d
e l’attraper sans faire une connerie. Pas question pour moi d’y aller à mains nues tant que je ne suis pas sûr de l’espèce.Le serpent zigzague sur le sable et fuit à toute allure dans les herbes avant de disparaître en quelques secondes, plus malin que moi..

C’est parfait, je déclare après l’incident. On va dormir ici !
La nuit tombe vers 17h30.
Pour nous, c‘est le retour à l’âge de pierre. Le feu est difficile à maintenir car le bois est pourri d’humidité. Pour manger chaud, il va nous falloir trouver une solution. Mel enroule des feuilles de palmier trouvées sur le sol. C’est une très bonne idée, les feuilles sèches s’enflamment comme de la paille.
De mon côté, je traîne dans les environs et finis par trouver du bois sur la plage. Le sel et les vents marin l’ont apparemment rendu plus sec. J’essaie : c’est fructueux. Les flammes se ravivent, même si elles deviennent d’un joli vert peu engageant à cause du sel.
Peu importe, au moins on mangera chaud pendant les jours à venir.

C’est notre première nuit dans cette jungle. Impossible de résister à l’envie d’explorer les environs.
À partir de la piste d’atterrissage, il n’y a qu’une seule route et il y fait nuit noire. On s’engage sur un chemin qui mène à la forêt. On a marché quelques mètres quand on entend une voix qui nous demande ce que nous faisons ici.
C’est une grosse femme plutôt âgée. Elle a peut-être eu des manières aimables un jour mais en ce cas elle les a oubliées.
Nous lui parlons de nos recherches. Sans même nous laisser le temps de finir notre histoire, elle nous coupe :
– C’est chez moi ici. Vous n’avez rien à faire là !

Derrière elle, un vieux bonhomme radine d’un pas décidé. C’est le vieux qui m’a envoyé bouler comme un malpropre quelques jours plus ttôt. Les deux acolytes sont très en colère de nous voir ici. Il nous hurlent dans les oreilles que le chemin est privé.
– Privado, fuck, privado !
Cest parfaitement faux.
Il n’y a aucun panneau d’interdiction en vue, et le chemin mène à un hôtel en haut de la montagne. Je sais qu‘il est régulièrement emprunté par les 4×4. L’intention de ces Thénardiers des tropiques est claire : nous casser les couilles.
– On est désolé
s, montrez-nous le panneau. Si c’est bien chez vous alors nous partirons.
Y a pas de panneau, dégagez de chez moi !
Eh oh, deux minute
s l’ancêtre ! Déjà, tu vas commencer par baisser d’un ton avec moi. Si tu ne peux pas me prouver que le chemin est « privado », je passe, point barre.
Papy ne se démonte pas, il se dresse devant moi et me repousse. Mel s’avance à son tour. Je la connais quand sa tourne au vinaigre. Il est pas prêt pour ça, le grand père. Il va se prendre un mur dans deux secondes.
– Non mais il nous pousse en plus ! C’est qui ce connard
? Vas y, poussemoi aussi pour voir, sale con !

C‘est parti. La mégère s’est mise à nous filmer avec son téléphone, ce qui a le mérite de franchement m’agacer.
– Alle
eeeez porte tes couilles et poussemoi aussi vieux con !
La dispute prend de l’
ampleur au moment où l’ancien se baisse et ramasse une pierre, menaçant Mel.
Aussitôt, pris d’un coup de sang, je sors la machette.
Mec, fais bien attention à ce que tu t’apprêtes à faire !
Mel se retourne et me demande d’arrêter mes conneries.
– Range ta machette, non mais t’es sérieux ?
– Alors di
s-lui en espagnol de poser sa pierre.
À son tour, la mégère supplie son bonhomme de poser sa pierre.

Décidément, c‘est le bordel au pied de la jungle !
Et encore,
on est à peine arrivés !
Deux têtes de cons face à deux tête de cons…

Bon, on va se calmer. Je propose au vieux d’appeler la police pour régler le problème. Les flics nous dirons si oui ou non on est sur un chemin privé. Au mot de « policia », le vieux tire la gueule et me fait comprendre qu’il ne veut pas appeler les flics.
J’insiste
, lassé de cette dispute puérile.
Il repart de plus belle, dégag
ez d’ici et fuck you, et encore fuck you…
Je commence à comprendre.
– C’est quoi ton problème l’ancien ? Cannabis ? Or ? Pourquoi tu ne veux pas appeler la police
?

Un silence s’installe.
La vieille tire son bonhomme, le force à reculer et lui parle à l’oreille. Puis elle nous dit qu’elle est prête à appeler la police pour prouver qu’il s’agit bien d’un chemin privé.
Mel et moi savons qu’elle nous ment
, mais on se montre conciliants.
Après un haussement d’épaules et deux ou trois grognements, le vieux laisse tomber sa pierre, tourne les talons et finit par disparaître dans sa case, suivi par mes aimables recommandations.
– Achète
toi une paire de couilles, viejo !

Nous partons en direction de la piste d’atterrissage, seul endroit du coin où le téléphone passe, et gagnons le bord de la plage.
La mégère nous montre son téléphone sur lequel elle a composé le numéro de la « policia ».
Elle se met à baragouiner. Je comprend qu’elle raconte que nous les avons menacés avec la machette. Elle joue la carte de la victime apeurée et demande une intervention d’urgence.
Quelle blague !
Quelques minute
s plus tard, le vieux nous rejoint. Dans l‘obscurité, je distingue qu’il est accompagné d’un tico qui, pour le coup, a aussi une machette accrochée dans le dos.
Dans ce genre de situation, je suis très vigilant et ne quitte personne du regard.
Mel à du mal à redescendre. Elle refuse de courber l’échine et me dit qu’on va attendre les flics ici.

Pendant ce petit manège, le tico et le vieux cherchent quelque chose éclairant le sol de la plage avec leurs lampes.
– Tu cherche
s tes lunettes ?
J’ai toujours tendance à jouer la carte de la provocation avec une pointe d’humour. Ça m’a rendu service dans le passé. Ne pas se démonter tout en restant plus ou moins drôle.
Là, l’insuccès est total.
– Fuck you ! Fuck you man !
Je lui demande quel âge il
a pour se comporter comme ça.
J’ai soixante-deux ans, me rétroque-t-il dans son bizarre mélange d’anglais et d’espagnol. Je t’emmerde et tu dégages de chez moi.
Le tico
, lui, continue d’éclairer le sol, à croire qu’il à perdu ces tongs. C’est à ne rien comprendre.

Mel a fini par s’asseoir sur un rocher. Furax, elle soupire toutes les deux secondes. Moi, j’en ai marre de ces guignols.
– Allez, viens, on se tire.
Assez d’émotions pour ce soir.
Tandis qu’on s’éloigne, la mégère ne désarme pas. Elle nous suit jusque sur sur la piste d’atterrissage avec sa lampe.

Je sais que nous sommes à plus de deux heures du commissariat de Puerto Jeminez. Il n’y a qu’une piste. Si les flics viennent cette nuit, il passeront forcément devant notre campement. On verra bien…

On arrive aux hamacs et on se couche, non sans une certaine appréhension d’une visite de nos nouveaux amis.

 

(À suivre)

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