Adapté du roman Zykë L’Aventure, Thierry Poncet, éditions Taurnada, en librairie ou ici :
https://www.taurnada.fr/catalogue/roman/zyke-l-aventure/#cc-m-product-14582018622
https://www.babelio.com/livres/Poncet-Zyk-laventure/962158
https://www.amazon.fr/Zyk%C3%AB-Laventure-Thierry-Poncet/dp/2372580345
https://livre.fnac.com/a10793510/Thierry-Poncet-Zyke-l-aventure
EXT – INT Jour / Nuit, avions
Plusieurs plans montrant des avions décollant et atterrissant, entrecoupés de plans montrant l’équipe dans des aéroports.
INT Jour, aéroport
L’équipe attend devant une sortie passagers. Zykë lève le bras en souriant.
Zykë :
Le voilà !
Sortant de la foule des passagers, Patricio, un jeune homme d’une vingtaine d’années au look italien, se dirige vers le groupe. Il est blafard et dépressif. Zykë l’embrasse comme un fils.
Zykë :
Les gars, je vous présente Patricio, mon neveu. Il va voyager un moment avec nous. Monsieur a un chagrin d’amour. Pas vrai, Patricio ?
Patricio (fort accent du sud-ouest) :
C’est vrai, tontong. Hélas.
Zykë (lui défonçant l’épaule) :
T’en fais pas. Le remède, c’est de beaucoup baiser.
Patricio (lugubre) :
Si tu le dis, tontong…
Zykë :
Tu vas voir, on va bien s’occuper de toi. (Aux autres) : Ça vous dit, les gars, un petit tour de monde du cul ?
Msieu Poncet/ Sam (en choeur) :
On part quand ?
EXT Jour / Nuit, tour du monde
Plans d’avions décollant et atterrissant, entrecoupés de plans montrant l’équipe plus Patricio faisant la fête :
1) Plans des extérieurs de Las Vegas, enseignes des casinos; l’équipe dans un bordel avec présentation de ces dames en ligne, affriolantes et souriantes à l’américaine, façon Dolly Parton, pour que les clients choisissent. Patricio, hésitant, se penche à l’oreille de Zykë qui rigole.
Zykë :
Bien sûr, tu peux en prendre plusieurs. Ah, c’est beau la jeunesse ! On reconnaît le sang des Zykë !
2) Plans de Rio de Janeiro, Pain de sucre et Copacabana ; l’équipe sur la plage, entourées d’une ribambelle de cariocas rieuses en maillots. Patricio, souriant, câliné par deux donzelles, va visiblement mieux.
3) Plans de Sydney, l’opéra ; l’équipe déambule sur King Cross av., interpellés par des putains vulgaires. Patricio, plein d’assurance, détaille ouvertement les charmes des praticiennes.
Patricio :
Oh putaing, regarde-là, elle ! C’est pas un cul, c’est la mappemonde, cong !
EXT Jour, route australienne
Un 4×4 Toyota Hilux jaune roule sur une route du Queensland qui file droit à travers le bush. Plans de bandes de kangourous et des étendues de termitières.
INT Jour, voiture
Sam au volant, Zykë à côté. Sur la banquette arrière, Msieu Poncet lit It de Stephen King et Patricio ne cesse de remuer avec impatience. Le moteur ronronne, régulier, monotone.
Zykë :
On se fait chier la bite, hein ?
Patricio :
Oh putaing…
EXT Jour, village de Dajarra
La Hilux s’est arrêtée au centre de Dajarra, un village de western, au croisement de Main street et de Cross street. Il y a un pub / hôtel et un supermarché. À proximité du pub, un groupe d’une douzaine d’Aborigènes en guenilles est en train de picoler. Parmi eux plusieurs enfants, dont une petite fille qui vomit, boîte de bière à la main.
Alors que l’équipe s’approche, un géant obèse se dresse. Un autre Aborigène d’allure plus anodine fait de même, mais s’emmêle les pinceaux et tombe, se frappant durement le visage sur le sol.
Patricio :
Oh putaing, il tient la bonne, celui-là !
Le géant s’approche d’une démarche approximative. Il lève théâtralement les bras au ciel et déclame :
Géant (en anglais s.t.) :
Bienvenue. Nous sommes la poussière et vous êtes le vent !
Le gars qui est tombé se relève, le nez cassé et ensanglanté. Il tend vers l’équipe un pack de Four-X entamé.
Le géant :
Buvez avec nous, parce que nous sommes la poussière et vous êtes le vent !
Zykë (amusé) :
Non. C’est moi qui vous invite. Venez tous. Le vent vous invite !
Il se dirige vers l’entrée du bar. Les Aborigènes ne le suivent pas et lui adressent des signes négatifs.
Les Abos :
No… No… Impossible…
Patricio empoigne un jeune par l’épaule et le traîne vers la porte du bar, alors que le jeune tente de résister.
Patricio (en anglais du sud-ouest) :
Come, come, cong. Mon oncle nous paye à boire !
Alors qu’ils sont devant la porte, le patron surgit, un colosse rouquin et rougeaud, caricature de Queenslander. Il se campe sur son seuil.
Le patron :
Stop. Niggers are not allowed inside. (Il montre une sorte de lucarne découpée dans le mur à quelques mètres). Ils doivent commander au guichet…
Patricio (à Zykë) :
Oh, tontong, qu’est-ce qu’il dit, le gros ?
Zykë :
Il dit que les nègres ne sont pas admis à l’intérieur.
Patricio (éberlué) :
Pas de… mais pourquoi ?
Zykë :
Parce que ce sont des gros cons de fachos. Mais ne te préoccupes pas, fils, je sais ce qu’on va faire…
INT Jour, supermarché
Msieu Poncet et Patricio empilent des cartons de bières et d’alcool sur le tapis de la caisse enregistreuse, que Sam porte à l’extérieur. Le patron du magasin, un petit rat chafouin, téléphone à voix basse.
EXT Jour, village
Les géant aborigène, aidé de quelques autres, range les caisses que lui apporte Sam dans le hayon de la Hilux, le tout veillé par un Zykë hilare. Le chargement est impressionnant, plus haut que la cabine. Trois Aborigènes s’affairent à le fixer avec des ficelles.
Les Aborigènes sont plus nombreux et continuent de s’amasser au carrefour, hommes, femmes et enfants, la plupart vêtus des sortes de pyjamas bleus ou marron que l’administration du Queensland leur fournit gratuitement. Certains sont venus en voiture, des épaves dépourvues de vitres qu’ils ont garées n’importe où.
INT Jour, supermarché
Grosse liasse en main, Msieu Poncet paye la note.
Le patron :
Vous avez tort : il ne faut pas avoir de relations amicale avec les « Niggers ».
Patricio :
Qu’est-ce qu’il dit ?
Msieu Poncet :
Qu’on ne devrait pas faire copains avec les nègres.
Patricio :
Comment on dit, déjà, « va te faire enculer » ?
Msieu Poncet :
Fuck you.
Patricio (au gérant) :
Je te fuque you. Je te fuque toi. Je te fuque ta mère, cong, et je te fuque ta grand-mère !
EXT Jour, village
Quand Msieu Poncet et Patricio sortent du magasin, porteurs des dernières caisses d’alcool, les Aborigènes sont au nombre d’une centaine, répandus aux quatre coins du carrefour.
Zykë (au géant) :
Dis à tes amis que nous, on ne veut pas boire avec les racistes, alors on va aller boire dans un coin tranquille.
Le géant (solennel) :
Oui, mon frère le vent. Oui, nous allons te conduire à notre lieu sacré.
Zykë (sur le même ton) :
C’est un grand honneur !
Le géant harangue la petite foule des Aborigènes, dont montent des cris d’approbations.
Zykë :
Et dis-leur que je les invite tous.
Le géant traduit. Cette fois, c’est une véritable ovation qui accueille la nouvelle.
Déboule dans un nuage de poussière la voiture du shérif, un énorme 4×4 porteurs d’écussons peints sur les portières. L’apercevant, les Aborigènes font aussitôt silence, apeurés comme des élèves fautifs surpris par un pion.
Le shérif pile devant Zykë et descend de bagnole : un costaud moustachu à l’air rigide, en chemise amidonnée, long short et grosses chaussettes remontées jusqu’aux genoux.
Shérif :
Vos papiers d’identité, s’il vous plaît.
Zykë (à l’équipe) :
Passeports, les gars.
EXT Jour, village
Zykë près de la voiture du shérif où celui-ci, portière ouverte, achève de parler sur sa radio. Il sort et rend les passeports à Zykë.
Shérif :
Un écrivain, hein ?
Zykë :
Oui. Je suis très connu en France.
Shérif :
Hmm… Qu’est-ce que vous comptez faire de tout cet alcool ?
Zykë :
C’est l’anniversaire de ma mère, une date sacrée pour moi, j’aime beaucoup ma mère. Mes amis ici (il désigne les Aborigènes qui se tiennent craintivement à bonne distance du flic) m’ont offert de le fêter avec eux dans le bush.
Shérif :
De vous à moi, je vous le déconseille. Les fraternisations avec les « black fellows » s’avèrent le plus souvent problématiques.
Zykë :
Pourquoi ?
Shérif :
Ils boivent sans discernement. Ça entraîne des désordres. Des bagarres. Des scènes indécentes…
Zykë :
De vous à moi, c’est de votre faute… Je connais votre système : vous allouez à ces types des pensions d’au moins 500 dollars…
Shérif (fièrement) :
600 dollars, monsieur. Et 100 de plus par enfant scolarisé.
Zykë :
C’est ça. Et vous leur reprenez l’argent en leur vendant autant d’alcool qu’ils peuvent en payer. C’est vous qui les avez rendus alcooliques, pas moi.
Shérif (vexé) :
Voilà une drôle de façon de remercier le pays qui vous accueille, monsieur l’écrivain connu en France.
Zykë :
Vous avez fini ? Parce que mes amis aborigènes m’attendent pour faire la fête…
Shérif :
C’est un pays libre. Je ne peux pas vous en empêcher.
Zykë :
Non, vous ne pouvez pas.
Il s’éloigne, laissant le shérif raide de réprobation, le regard furibard, les maxillaires tendus.
EXT Jour, bush
La Hilux fonce à travers le bush, entourée et suivies d’une dizaine de bagnoles bondées d’Aborigènes d’où s’échappent des cris d’enthousiasme.
EXT Jour, creek
Trois cadavres de kangourous vidés mais non écorchés rôtissent sur un cercle de braise.
Le plan s’élargit, montrant, au crépuscule, au pied d’une formation rocheuse, au fond d’un lit de creek asséché, un innommable bordel.
Le géant, les yeux fous, debout sur un tronc d’arbre mort, s’est lancé dans un discours tonitruant, tandis que deux types jaloux tentent maladroitement de le faire descendre de son piédestal.
Le géant :
Je vous le dis, nous sommes la poussière et ils sont le vent…
Msieu Poncet est écroulé, ivre, près du coma, une bouteille à la main. Patricio vomit, un peu à l’écart. Sam titube au hasard, prenant des photos. Zykë, assis sur un rocher, contemple tout ça, l’air réjoui.
Certains picolent en petits groupes. D’autres errent sans but, une boîte de bière ouverte dans chaque main. Un cercle s’est formé autour du feu, ses participants arrachant aux kangourous des morceaux de viande encore crue qu’ils dévorent à pleines dents. Une troupe de gosses s’est réservée une caisse de « Porto ». Un petit rigolo à poils fait le pitre au milieu d’eux. Une gamine fait boire au goulot le bébé qu’elle porte sur la hanche.
EXT Nuit, bush
Plan sur Msieu Poncet qui sombre peu à peu dans l’inconscience.
Les plans deviennent hachés, sans cohérence : Un homme accroupi déchire à pleines dents la chair crue d’une cuisse de kangourou, menton et poitrine couverts de sang pourpre ; une femme dépoitraillée, danse sur place, psalmodiant une mélodie, une bouteille dans une main, serrant de l’autre un pack de boites de bière sur ses nichons ballants ; un chien sauvage dévore les entrailles des kangourous, le mufle plongé dans le magma de viscères, dans un concert de claquements de mâchoires et d’écœurants bruits mouillés ; le géant et un de ses concurrents se battent à coups de poings, faces démolies…
Noir.
EXT Jour, bush
L’aube se lève sur un tableau de désolation. Des cadavres de bouteilles, des caisses éventrées et des morceaux de kangourous traînent épars sur le sol. Tous les Aborigènes sont effondrés, seuls ou en grappes, à part trois ou quatre qui sont assis, les yeux ouverts mais complètement hagards.
Zykë, Patricio, Msieu Poncet et Sam traversent ce cercle de désolation en catimini, regagnent la Hilux et démarrent.
INT Jour, aéroport
Le quatuor à une porte d’embarquement. Zykë et Patricio se donnent l’accolade.
Zykë :
Alors, neveu, tu as passé de bonnes vacances ?
Patricio (ému aux larmes) :
Oh tontong… Tontong…
(À suivre)
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