Adapté du roman Zykë L’Aventure, Thierry Poncet, éditions Taurnada, en librairie ou ici :
https://livre.fnac.com/a10793510/Thierry-Poncet-Zyke-l-aventure
https://www.babelio.com/livres/Poncet-Zyk-laventure/962158
https://www.amazon.fr/Zyk%C3%AB-Laventure-Thierry-Poncet/dp/2372580345
EXT Jour, paysages
Ciel d’orage traversé d’éclairs, bruit de tonnerre. Des rafales de pluie à la surface de l’océan houleux. La lande devant la maison où les buissons couchés témoignent de la violence du vent. La maison volets clos, battue par les flots, comme un bateau dans la tourmente.
EXT Jour, lande
Caméra subjective : quelqu’un marche dans la lande, le pas hésitant à travers la pluie, s’approchant de la maison. On entend un souffle oppressé et des gémissements sourds. La caméra longe la Mercedes.
EXT Jour, portail
Un poing frappe au portail.
INT Jour, chambre Zykë
Il fait sombre à l’intérieur. Un feu brûle dans la cheminée. Zykë et Msieu Poncet, dont on remarque les pompes et bas de pantalons boueux, sont au travail dans la lueur de bougies, devant des papiers répandus sur la table et sur les nattes du sol.
Un vieux magnéto déglingué joue une cassette d’Oum Kalsoum. Les piles usées rendent l’écoute irrégulière et désagréable.
Driss entre, porteur d’une brassée de bûches pour le feu et d’un thermos. Il pose ses fardeaux. La chanson d’Oum Kalsoum arrive à sa fin.
Zykë :
Remets la musique, hermano.
Driss obéit.
En entendant les premières notes Msieu Poncet, courbé sur ses papiers, a un geste d’exaspération.
Zykë s’en aperçoit et ricane méchamment.
Zykë :
Putain de pluie, hein ? On dirait que ça ne va jamais finir, pas vrai ?
Driss :
Ça fait une semaine seulement. Tu vas voir, des fois c’est tout un mois comme ça !
Zykë se redresse, alerté par un bruit.
Zykë :
Chut ! Écoute…
Il coupe la musique. Les trois hommes tendent l’oreille. On entend les coups frappés au portail.
Zykë bondit sur ses pieds en homme d’action, prêt au danger. Du menton, il fait signe à Driss d’y aller. Celui-ci empoigne une bûche en guise d’arme avant de sortir. Zykë fait signe à Msieu Poncet de les suivre.
EXT Jour, patio
Les trois hommes campés devant le portail, prêts à tout. Driss se tient la bûche levée. Zykë fait glisser les verrous et ouvre le vantail.
Entrent Bouli et Marik, un couple de touristes belges, d’un aspect si inoffensif qu’il rend comique la tension précédente. Bouli est un petit gros à l’accent très prononcé. Marik une grande et très belle fille blonde flamande. Tous deux sont ruisselants et ont les bras chargés de fringues et de matériel de camping rassemblés à la hâte.
Bouli :
On s’excuse, hein. C’est qu’on ne voudrait pas déranger. On fait du camping le long de la côte. Ça fait une semaine qu’on s’en prend plein la figure mais là, avec le vent qui souffle, la tente elle a failli s’envoler, alors on s’excuse, mais…
Marik :
On s’excuse !
La caméra comme les regards des trois salopards s’attardent sur les formes de Marik, seins, hanches, bouche.
Zykë fait signe à Driss de baisser le bras et arbore un grand sourire dégoulinant d’amabilité.
Zykë :
L’hospitalité, c’est sacré. Entrez, venez vous mettre à l’abri.
Marik (éperdue de reconnaissance et de soulagement) :
Oh merci !
Bouli :
On s’excuse, hein…
EXT Jour, patio
Zykë et Driss, au seuil du réfectoire, observent Msieu Poncet qui, lanterne en main, aide le couple à s’installer dans une des chambres.
Zykë (exultant) :
Tu as vu cette star ?
Driss :
Les melons qu’elle a !
Zykë :
Et le cul. Sublime, ce cul. C’est comme ça que je vais la prendre : direct par le cul.
Driss :
Tu as raison. Les Françaises, c’est des putains. Par derrière, c’est ça qui leur faut.
Il mime les gestes de cracher pour lubrifier et d’empoigner une paire de hanches, avec un coup de reins obscène.
Zykë (faussement sévère) :
N’insulte pas les Françaises, hermano. Celle-là, c’est une Belge.
Driss :
Raison encore plus. Les Belges, c’est le nord pour la France. Plus elles sont au nord, plus c’est des bonnes putains.
Zykë (rêveur) :
Tu sais quoi ? Hmmm, je vais lui casser le cul devant la cheminée. À quatre pattes devant le feu.
Driss (exultant) :
Tu as raison. Tu lui prends les cheveux, là, tu lui mets la tête dans la cheminée et raaaan !
Zykë rigole.
INT Jour, chambre Belges
Le couple achève de ranger ses affaires. Marik allume des bougies. Bouli pose à côté du lit une dizaine de livres.
Msieu Poncet :
T’aimes lire ? Ça tombe bien : le patron est écrivain.
Bouli :
Le grand ? Ah bon ? C’est drôle parce qu’il n’a pas l’air, hein ! Excuse, avec les moustaches et tout ça, hein ? Qu’est-ce qu’il écrit ?
Msieu Poncet :
Un livre sur ses aventures. Il a vécu plein d’aventures…
Marik :
Oh là là, qu’est-ce que c’est bien !
Msieu Poncet :
Bon, je vous laisse. Faites gaffe avec les bougies. Rejoignez-nous à la salle à manger, on va boire le thé et puis manger un morceau.
Marik :
Qu’est-ce que c’est gentil !
Bouli :
On s’excuse, hein ?
EXT Nuit, lande
La pluie battante sur la maison que la lune blanchit, la Mercedes garée devant.
INT Nuit, chambre Zykë
Conciliabule des trois hommes. Zykë tient un bouquin.
Zykë (à Msieu Poncet) :
Le gros m’a donné ça. Tu connais ?
GP sur le livre : un vieil exemplaire du Papillon de Henri Charrières en collection « Vécu ».
Msieu Poncet :
C’est un mec qui est allé au bagne et qui s’est évadé.
Zykë :
Ça vaut le coup ?
Msieu Poncet :
Ça a été un gros best-seller dans les années 70.
Zykë retourne le bouquin, observe le portrait de Charrières.
Zykë :
Quelle tronche de cake. Il a plus l’air d’un patron de bistrot que d’un héros du bagne, ton type. (Il repose le livre). Bon, passons aux choses sérieuses : je vais enculer la Belge devant la cheminée. Tu comprends ?
Driss ricane. GP sur Msieu Poncet qui, visiblement, ne comprend pas.
Zykë :
Tu comprends ?
Msieu Poncet :
Euh… ouais.
Zykë :
Pour ça, on va la dégoûter de son clown. Il faut le rabaisser tellement qu’elle ne voudra plus le voir et, à partir de là, elle fera tout ce que je veux. C’est de la manipulation de base. Tu comprends ?
Msieu Poncet :
Euh… ouais.
Zykë :
Toi, tu fais bien copain avec lui, d’accord ? Tu le distrais pendant que Driss et moi on lui joue quelques petits tours à ma façon, d’accord ?
GP sur Msieu Poncet dépassé.
Zykë (avec une pointe de menace) :
D’accord, camarade ?
Msieu Poncet :
Euh… ouais.
Zykë (à Driss) :
Toi, il faut que tu me trouves un laxatif. Quelque chose de fort. Une purge comme on en donne aux animaux. Tu peux me dénicher ça ?
Driss (rigolant) :
Pas de problème, patron.
Zykë (réjoui) :
Bien. On va lui faire chier ses tripes. Ça lui fera du bien, de toutes façons, il est trop gras.
EXT Jour, route
La Mercedes roule, son unique essuie-glace peinant à chasser du pare-brise la flotte qui tombe à verse.
Dépassant un paysan en mobylette à remorque, le chauffeur l’asperge sans pitié en traversant une flaque qu’il ne fait rien pour éviter. Un instant déséquilibré et trempé, le paysan lève le poing.
La Mercedes se gare devant la maison. Driss en descend, porteur d’un paquet volumineux et court vers le portail.
EXT Jour, patio.
Driss traverse en courant. Bouli, debout sur le seuil de sa chambre, sirote un thé. Il salue gentiment Driss qui lui répond aimablement.
Driss :
Salut ! Comment ça va bien la Belgique ?
Bouli hausse les épaules, fataliste. Marik apparaît derrière lui, le menton sur son épaule.
Marik :
Salut Driss !
Driss :
Salut ! Vous s’en fait pas : après la pluie, il vient le beau temps !
Tous les trois rigolent de concert.
INT Jour, chambre Zykë
Msieu Poncet tape à la machine, en tailleur par terre. Zykë dans son fauteuil examine Papillon, l’air dubitatif. Driss entre, l’air joyeux.
Zykë :
Ah, hermano. Tu as ce que je t’ai demandé ?
Acquiescant avec jubilation, Driss lui tend une boîte de pilules.
Driss :
C’est fait pour le bouc quand il a la constipation. Avec ça, le Belge il va chier la cascade du Niagara.
Zykë :
Parfait !
Msieu Poncet, a levé les yeux de son clavier, peu enthousiaste en comparaison des deux autres, carrément rigolards. Zykë lui octroie une baffe sur l’épaule.
Zykë :
T’en fais pas, bordel. C’est une blague. On rigole, quoi !
Sans répondre, Msieu Poncet se replonge dans le travail.
Driss déballe le volumineux paquet qui se révèle contenir une peau de chèvre tannée à longs poils blancs. Driss la déploie et l’étale devant la cheminée.
Driss :
Là, patron. Là comme ça tu l’encules tout bien comme il faut bien confortable.
Zykë est ravi, émerveillé à outrance.
Zykë (s’exclamant) :
Ah, Driss ! Driss ! Tu es un esthète !… Hein M’sieu Poncet : tu as vu si c’est beau, ça ?
Msieu Poncet lève un instant les yeux de son clavier et s’y remet aussitôt sans répondre.
Driss et Zykë éclatent de concert d’un grand rire de pirates.
(À suivre)
4 Responses to Zykë L’Aventure – Le film (06)