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Zykë L’Aventure – Le film (23)

Publié par le 6 octobre 2018

 

Adapté du roman Zykë L’Aventure, Thierry Poncet, éditions Taurnada.

 

INT Jour, bureau éditeur

GP sur Lergumen qui déguste un verre de vin. Ses soupirs de satisfaction paraissent exagérés. Le plan s’élargit. On se rend compte qu’il a une main sous la jupe de son assistante, une petite boulotte qui se tortille en rougissant sous la caresse.

La porte s’ouvre à la volée, laissant entrer au pas de charge Zykë, suivi de Msieu Poncet. Le premier tient un Paris-Turf ouvert qu’il lit en marchant. Le second porte deux manuscrits.

Lergumen et l’assistante reprennent in extremis une pose professionnelle. Zykë s’écroule dans un fauteuil. Msieu Poncet jette les deux manuscrits sur le bureau. Sur les chemises, on peut lire, au marqueur, « Opium » et « Maléfices ».

Zykë :
Salut, Tiroir-caisse ! (rire jaune de Lergumen). Voilà les deux premiers tomes de la collection de poche. Tu es prêt ?

Lergumen :
C… Com… Comment ?

Zykë :
Oui, tout ton bordel, là : impression, distribution, on est prêt ?

Lergumen :
M… M… Mais ça fait un mois qu’on s’est vu !

Msieu Poncet :
Vingt-huit jours.

Zykë (s’emportant) :
Putain, éditeur, qu’est-ce que tu branles ? On la lance, cette offensive, oui ou merde ? On prend le marché de la série, tu te souviens ? T’as déjà oublié ? Ou alors t’as la trouille, petite bite ?

L’assistante pouffe. Lergumen est vexé.

Lergumen :
Non… euh, oui… Enfin… Très bien… Deux volumes, très bien… Je.. On va… euh… je vais faire agir en conséquence, dès aujourd’hui…

Zykë :
Parfait ! (il brandit son Paris-Turf). Il y a un P.M.U. dans le coin ? J’ai repéré un cheval et je n’ai pas le temps d’aller à Longchamp.

Lergumen (excédé) :
Je ne sais p… J’imagine, oui, sur le boulevard…

Zykë se lève et sort, suivi de Msieu Poncet. Sur le pas de la porte, il se retourne.

Zykë :
Je repasse tout à l’heure. Prépare l’artiche.

Lergumen :
L’ar… lar… lar…

Zykë :
le pognon. Tu as deux manuscrits. Je te les fais à vingt-cinq le bout, parce que je suis sympa. Ça te fait cinquante patates. Allez, à tout à l’heure. (À l’assistante) : salut beauté !

L’assistante se trémousse, flattée. Zykë et Msieu Poncet sortent. Lergumen se frotte le visage.

Lergumen :
Ils m’emmerdent… Ils m’emmerdent… Comme ils m’emmerdent !…

Il réfléchit quelques instants, congédie son assistante, réfléchit de nouveau, tend la main vers le téléphone, hésite, puis compose un numéro.

 

INT Jour, P.M.U.

Zykë et Msieu Poncet à une table. Bordel habituel de tasses de café, cendriers pleins et paquets de cigarettes éventrés.

Entre dans l’établissement et s’approche d’eux une jeune femme d’affaires fringuée chic et sexy (Aubépine de Maumanoir).

Maumanoir :
Monsieur Zykë ? Je suis Aubépine de Maumanoir.

Zykë :
Tant mieux pour toi, ma belle.

Maumanoir :
Je suis l’assistante de Gérard Dubidet.

Zykë :
Tant pis pour toi.

Il rote grossièrement. Par l’échange de regards entre lui et Msieu Poncet, on comprend qu’il a décidé de jouer un rôle, celui de la grosse brute, et qu’il enjoint à Msieu Poncet de faire l’imbécile.

Zykë se replonge dans l’étude des pronostics.

Maumanoir :
Je peux m’asseoir ?

Zykë :
Bof.

Maumanoir (s’asseyant, agacée) :
J’ai une proposition à vous faire de la part de Gérard Dubidet.

Zykë (à Msieu Poncet) :
Il m’a filé des gaz, ce cassoulet.

Msieu Poncet (accent picard) :
J’arrête pas d’péter, mô.

Maumanoir (décontenancée) :
Euh… Vous lancez une série d’aventure.

Zykë :
Comment que v’z’êtes au courant ?

Maumanoir :
Paris est un petit monde, monsieur Zykë, tout se sait.

Zykë :
Si vous l’dites… (À msieu Poncet) : c’est bien des traîtres, à Paris, hein ?

Msieu Poncet :
Pas l’un pour r’trapper l’aut !

Maumanoir :
Mon patron ne désire pas la guerre.

Zykë (reposant son journal, soudain agressif) :
Il n’a pas à désirer ou ne pas désirer. C’est moi qu’je décide si j’fais la guerre ou j’fais pas la guerre.

Maumanoir (allumant une cigarette chic) :
Il désire vous engager à ses côtés. C’est une proposition que beaucoup trouveraient très intéressante. Vous auriez votre propre collection au sein de nos publications.

Zykë :
Rien à foutre ! (rire de Msieu Poncet).

Maumanoir :
Gérard est prêt à vous donner trente pour cent du chiffre sur chaque titre.

Zykë :
Eh, Aubépine, tu me prends pour un con ? Pourquoi j’accepterais qu’il me donne trente pour cent alors que je peux lui voler trente pour cent ?

Maumanoir considère les deux hommes. Deux expressions contraires se disputent. Une partie de la dame, celle de l’amoureuse des plaisirs, incline à la sympathie pour la virilité franche qu’irradie Zykë. L’autre moitié, celle de la tigresse d’affaires, n’éprouve que dédain pour ce duo de balourds.

Elle grimace un sourire, se lève, les gratifie d’un sec hochement de menton et gagne la sortie. Plan sur son cul moulé panthère qui roule.

Retour à la table. Les deux hommes ont abandonné leurs expressions idiotes. Zykë replie son journal.

Zykë :
Cet enculé ! Viens, on y va.

 

INT Jour, bureau éditeur

Zykë empoigne Lergumen par les revers de sa veste et le soulève de sa chaise.

Zykë :
T’as parlé de notre projet, ducon ?

Lergumen (livide) :
Quoi ?… Que ?… Non !…

Zykë :
Ne me mens pas : tu as parlé avec Dubidet !

Lergumen :
Quoi ?… Mais non !…

Zykë :
Tu le jures ?

Lergumen :
Oui ! Je le jure ! Je le jure sur la tête de ma fille ! (Zykë le lâche). Qu’est-ce qui te prend ? Je ne le connais même pas, Dubidet. Je ne lui ai jamais parlé.

Zykë :
Tu ne l’as jamais vu ?

Lergumen :
Non !… Enfin, si. Je l’ai croisé dans des réceptions. Dans des réunions. Enfin, les relations commerciales habituelles. Ce n’est pas un ami.

Zykë (sur le pas de la porte, menaçant) :
C’est ta dernière chance, salope !

 

INT Jour, bâtiment édition

Zykë et Msieu Poncet dévalent les escaliers en rigolant.

 

INT Jour, bureau éditeur

Lergumen se rajuste, tentant de retrouver sa dignité. Silencieux, défait, il remue de sombres pensées.

 

INT / EXT, jour – nuit, Bini Pati Nou

Plan sur la propriété.

Plan sur Miguel travaillant à califourchon sur son mur.

Succession de plans courts de travail d’écriture. Au tableau du bureau, on peut lire « Dust », « Madame la Mort », « Enfers », « Baby de Groot »…

Musique

Plans de journaux, titres d’articles :

« Zykë contre Dubidet »

« Zykë part en guerre »

« Zykë offre la liberté aux nègres de Dubidet »

 

INT Jour, Canal +

Zykë sur le plateau de Nulle Part Ailleurs, face à Philippe Gildas.

Gildas :
L’auteur de Oro remet ça aujourd’hui, c’est pourquoi il est l’invité de Nulle Part Ailleurs aujourd’hui, voici : Cizia Zykë ! (applaudissements). Cizia Zykë, vous avez décidé de faire la peau à Dubidet. Pourquoi ?

Zykë :
C’est un trou du cul. En d’autres circonstances, je lui aurais dans doute botté les fesses ou l’aurais invité à un duel…

 

EXT Jour, hôtel

Zykë et Msieu Poncet quittent l’hôtel Queen Elizabeth et grimpent dans un taxi. Msieu Poncet a un manuscrit sous le bras.

 

INT Jour, bâtiment édition

Zykë et Msieu Poncet marchent dans les couloirs, discutant joyeusement.

Zykë :
La rigolade ! Je l’ai traité de trou du cul devant la France entière…

Ils arrivent devant le bureau de Lergumen quand en sort Gérard Dubidet. On le reconnaît, l’ayant vu en portrait sur une quatrième de couverture : un petit homme grassouillet sanglé dans un Burberry mastic trop grand pour lui. Apercevant Zykë devant lui, l’homme se fige et se colle dos au mur, blême de trouille.

Dubidet :
Je… Je vous préviens.. J’ai des appuis… Ne me frappez pas… je porte plainte, vous entendez…

Zykë se contente de le dévisager, immobile. On doit voir dans ce plan toute la différence entre le vrai homme d’action, fort et serein, et le faux, tremblant, les yeux faibles, en train de faire sous lui.

Dubidet finit par se glisser sur le côté et à s’échapper, le pas rapide, courant presque le long du couloir.

Zykë (ricanant) :
Tu as vu cette flaque d’huile ?

 

INT Jour, bureau éditeur

Zykë entre, très clame. Il tend la main vers Msieu Poncet, qui lui donne le manuscrit.

Zykë (à Lergumen) :
Alors, tu ne connais pas Dubidet, hein ?

Lergumen :
Mais, Zykë, il faut que tu comprennes, à la fin. Ce sont des relations commerciales. Des luttes, c’est normal. Des luttes commerciales…

Zykë :
Tu es une merde. (Il jette le manuscrit sur le bureau). Tiens, c’est le dernier texte que tu auras de moi.

Il se retourne et s’éloigne.

Lergumen :
Ah mais non. Ça ne se passe pas comme ça. Nous avons des contrats !

Zykë (par-dessus l’épaule) :
Mets-les toi dans le cul !

(À suivre)

 

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