Une adaptation de ma nouvelle L’OGRESSE, parue aux éditions Guntën dans le recueil du même nom.
Séquence 41 :
Chambre de Marjolaine.
Raïssa finit de faire le lit. Elle gagne la salle de bains qu’elle découvre en terrible désordre : flacons renversés, objets de toilette, vêtements trempés traînant par terre.
Elle se met à nettoyer en bougonnant.
Séquence 42 :
Dans la maison.
Marjolaine marche de long en large d’un point à un autre en marmonnant. A chaque extrémité de son périple, elle salue une dizaine de fois, comme si un public l’applaudissait.
A quelques mètres, Heidi l’observe, désolée.
Leïla surgit.
Leïla :
Heidi, tu es là ?
Elle s’approche. Découvre Marjolaine. Le spectacle l’amuse. Elle pouffe de rire.
Heidi la fusille du regard.
Leïla :
Attends, c’est n’importe quoi, là. Elle fait la prière ou quoi ?
Heidi la dévisage en silence, bouillante de colère. Leïla comprend que ce n’est pas la peine d’insister, hausse les épaules et s’en va.
Leïla :
Bon, on dirait que c’est pas le moment…
Séquence 43 :
Raïssa en train d’étendre du linge. Elle entend un bruit de vaisselle cassée dans la cuisine. Se précipite.
Elle découvre Marjolaine au milieu de la cuisine en bordel, avec beaucoup de bouffe par terre, occupée à jeter méthodiquement au sol tout ce qui se casse.
Raïssa enlace Marjolaine, qui se débat, gémissant et crachant et lui griffe le visage.
Heidi accourt. Elle aide Raïssa à maîtriser Marjolaine, puis emmène celle-ci.
Séquence 44 :
Après-midi.
Heidi observe Marjolaine qui dort.
Elle sort de la maison.
Heidi court dans le bled. Comme à chaque fois qu’on la voit se livrer à un exercice physique, on comprend qu’elle cherche à s’épuiser.
Séquence 45 :
Leïla arrive en vélo devant le portail.
Elle entre.
Apparemment, il n’y a personne.
Leïla :
Heidi, tu es là ? Marjolaine ?
Elle découvre soudain Marjolaine assise sur le sol dans le patio, en train de bercer Bibine.
Leïla :
Ah… Bonjour.
Elle s’approche avec prudence, mal à l’aise. Tend la main pour caresser Bibine et se rend compte alors que la petite chienne est morte.
Que Marjolaine est couverte de sang.
Qu’il y a un couteau par terre à côté d’elle.
Séquence 46 :
Heidi rentre à la maison, en sueur, titubant de fatigue.
Elle se heurte à Leïla qui en sort, choquée.
Heidi :
Qu’est-ce que t’as ?
Heidi comprend aussitôt qu’il s’est passé quelque chose avec Marjolaine. Elle s’élance pour se précipiter à l’intérieur de la maison, mais Leïla la retient.
Leïla :
Attend, Heidi…
Heidi obéit.
Leïla :
Ta mère est malade.
Heidi se vexe et tente de se dégager. Leïla la retient.
Leïla :
Elle a tué votre chien !
Heidi grimace.
Heidi :
Putain de merde…
Leïla :
C’est grave. Il faut qu’elle aille se faire soigner en France. Ta mère, elle est folle, tu comprends, ça ?
Heidi :
Ah ouais, elle est folle, et toi tu es quoi ?
Leïla :
Elle est maboule !
Heidi lui balance un coup de poing. Leïla titube en arrière. Elle saigne.
Leïla :
(juron arabe) Sale conne pourrie !
Heidi :
T’en veux un autre ?
Leïla regarde Heidi avec haine.
Leïla :
T’es aussi cinglée que ta mère. Je me casse.
Elle enfourche son vélo.
Heidi :
C’est ça, barre-toi et surtout qu’on te revoie plus !
Leïla :
Compte sur moi !
Plan sur la silhouette en vélo qui s’éloigne.
Séquence 47 :
Sur son lit, Marjolaine avale une pilule à l’aide d’un verre d’eau que vient de lui tendre Raïssa.
Marjolaine s’endort. Raïssa lui caresse gentiment le visage.
Raïssa sort de la chambre et gagne la cuisine où elle prend un baluchon qu’elle jette sur son épaule.
A la sortie de la cuisine, elle trouve Heidi. Les deux se dirigent vers le portail sans parler.
Au portail, Raïssa enlace Heidi.
Raïssa :
Bonne chance, ma petite fille. Que dieu te protège.
Heidi :
Salut Raïssa. Merci pour tout.
Raïssa s’éloigne. On regarde longtemps sa silhouette rapetisser.
Heidi se retourne, marque une pause devant le portail, prend son souffle comme un sportif avant l’effort et entre dans la maison.
Séquence 48 :
Heidi se réveille.
Elle gagne la cuisine où elle fait du café.
Elle sort de la cuisine, porteuse d’un plateau chargé d’un bol de café et d’un morceau de pain. Va à la chambre de Marjolaine. Pousse la porte.
Et découvre le lit vide.
Heidi :
Maman ?
Elle fouille la salle de bains, puis toutes les parties de la maison en appelant d’une voix de plus en plus inquiète.
Séquence 49 :
Heidi court dans le bled, s’arrêtant souvent pour fouiller les alentours du regard.
Plusieurs séquences, au fil desquelles on se rend compte que la journée s’écoule.
Séquence 50 :
Fin d’après-midi.
Heidi rentre à la maison, épuisée.
Heidi :
Maman ?
Sa voix est cassée, morne et sans espoir.
Elle se précipite à la cuisine où elle boit avidement une grande quantité d’eau. Elle attrape un bout de pain et, tout en mâchant, refait le tour de la maison.
Elle finit par s’écrouler en pleurant.
Heidi :
Merde… Merde… Merde….
Séquence 51 :
Le jour se lève sur le bled.
Marjolaine dort recroquevillée à même le sol. Elle se réveille, très sale, les cheveux emmêlés. Un regard égaré autour d’elle lui apprend qu’elle est paumée en plein nulle part.
Marjolaine :
Merde… Merde… Merde…
Elle se lève et commence à marcher au hasard.
Séquence 52 :
Heidi dans le bled. Cette fois, elle a un sac à dos, une gourde et une paire de jumelles. Elle court, s’arrêtant pour fouiller l’horizon.
Séquence 53 :
Marjolaine erre.
Elle se trouve soudain devant un petit garçon arabe qu’elle regarde avec férocité. Le petit garçon s’enfuit.
L’enfant rejoint sa famille : des chevriers qui mènent un troupeau à travers le bled.
Toute la famille crie en découvrant la silhouette de Marjolaine qui s’approche, la démarche mal assurée.
Séquence 54 :
Heidi rentre à la maison, épuisée et découragée. A gestes coléreux, elle jette son sac, se déshabille et fonce sous la douche.
De rage, elle frappe le mur du poing.
Heidi :
Qu’est-ce que je vais faire, maintenant ?
Elle sort de la douche quand on entend le moteur d’une voiture qui s’arrête devant la maison. Elle se précipite.
Séquence 55 :
C’est une voiture de la police marocaine. Deux policiers en descendent. Il y a un petit et un gros avec un signe bien distinctif, (comme une grosse moustache en crocs). Le gros aide Marjolaine à descendre avec des gestes un peu trop baladeurs.
Heidi recueille sa mère à peine consciente dans ses bras.
Tandis que le gros policier dévore Marjolaine du regard, le petit s’adresse à Heidi en mauvais français.
Le policier :
Cette femme c’est malade. C’est pas bon rester ici. Cette femme-là c’est mieux l’hôpital.
Heidi :
Ouais, c’est ça… Allez, merci pour tout.
Elle leur ferme le portail au nez.
Séquence 56 :
Dans la nuit, Heidi sur la plage.
Elle se met à pleurer, puis elle hurle à la lune.
HURLE.
Séquence 57 :
Marjolaine se fait belle. Maquillage. Fringues. Chaussures.
Elle va trouver Heidi en train de cuisiner. On remarque que celle-ci est fatiguée.
Surprise de voir sa mère ainsi apprêtée, s’adresse à elle sur un ton gentil et prudent d’infirmière parlant à une malade.
Heidi :
Et ben, maman, tu t’es faite belle aujourd’hui !
Marjolaine :
Je sors.
On comprend qu’Heidi s’inquiète, mais elle ne le montre pas à sa mère, continuant sur le mode enjoué.
Heidi :
En voilà une nouvelle ! Tu veux que je t’accompagne ?
Marjolaine :
Sûrement pas. Je vais voir Sharif. Tu ne veux quand même pas tenir la chandelle !
Heidi ferme les yeux, exaspérée. On comprend que ce genre de délires est devenu fréquent et qu’ils commencent à peser.
Heidi :
Maman, va te démaquiller, va mettre d’autres fringues, tu ne vas nulle part.
Marjolaine :
Pourquoi ?
Heidi :
Tu ne t’en souviens pas, mais ça fait des mois que Sharif t’a largué. Tu m’as répété je ne sais pas combien de fois que tu ne voulais plus jamais le voir.
Marjolaine :
Ah bon ?
Heidi :
Oui maman.
Marjolaine :
Tu es sûre ?
Heidi :
Oui maman.
Marjolaine réfléchit quelques secondes puis cède.
Marjolaine :
Excuse-moi, ma chérie. C’est ma tête, tu sais bien…
Heidi :
C’est pas grave, maman.
Marjolaine retourne vers sa chambre. Heidi se remet à cuisiner.
Séquence 58 :
Heidi sort de la cuisine, portant un plateau de vaisselle et de nourriture.
Heidi :
Maman, la bouffe est prête !
Dans la salle à manger, Marjolaine s’est tapie derrière un meuble.
Heidi entre dans la salle à manger.
Heidi :
Maman, viens manger !
Marjolaine bondit sur elle, en furie, et la frappe. Le plateau vole. Tout se casse.
Marjolaine :
Tu veux m’empêcher de le voir, hein ? Tu es jalouse, hein ?
Heidi se défend comme elle peut. Sa mère l’attrape par les cheveux, la griffe.
Marjolaine :
Tu baises avec lui, hein ? C’est pour ça qu’il ne veut plus me voir. Tu le baises, hein, petite salope !
Heidi finit par lui balancer un grand coup de poing qui envoie sa mère par terre.
Marjolaine, tuméfiée, soudain calmée et terrifiée, sort de la salle à manger à quatre pattes, puis court vers sa chambre. Elle claque la porte sur elle et la verrouille.
Heidi tape du pied et hurle.
Heidi :
J’en ai marre ! Espèce de cinglée ! J’en ai marre de m’occuper de toi ! Cinglée !…
Elle court à sa chambre, remplit en vitesse son sac à dos du nécessaire et quitte la maison.
Séquence 59 :
Dans une ville. Une rue commerçante pleine de monde. Heidi se promène, sourire aux lèvres.
Séquence 60 :
A une terrasse de café. Heidi boit un thé. Elle est visiblement soulagée, heureuse d’avoir échappé à l’atmosphère de la maison.
Séquence 61 :
Sur une place, un petit cirque donne une représentation en plein air. Jongleurs. Clowns. Trapézistes. Au milieu des spectateurs, Heidi rigole.
Séquence 62 :
Après la représentation, Heidi bavarde avec un des garçons de la troupe. On comprend que c’est un bavardage amoureux.
Séquence 63 :
Le jour se lève. Heidi et le garçon sont couchés dans une caravane. Ils s’embrassent.
Séquence 64 :
Heidi aide la troupe à démonter et ranger le matériel.
Séquence 65 :
Heidi monte dans le fourgon du garçon. Le fourgon démarre. Parcourt quelques dizaines de mètres…
Puis s’arrête.
Heidi en descend. Adresse un signe amical au garçon à l’intérieur et s’éloigne.
Plan sur le garçon, déçu mais souriant, qui hausse les épaules et enclenche une vitesse.
Séquence 66 :
Un taxi s’arrête devant la maison. Heidi en descend.
Séquence 67 :
Marjolaine dort sur un transat. Heidi la réveille en lui caressant le visage.
Séquence 68 :
Une voiture se range. En descend le gros policier à moustaches en crocs.
On se rend compte qu’il s’est garé à quelque distance de la maison de Marjolaine.
Il s’en approche en se cachant, par la cambrousse et les buissons. Ayant trouvé un point de vue, il observe la maison à l’aide de jumelles.
Il observe longuement Marjolaine en s’attardant sur les seins et les fesses…
(A suivre)
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