Kons, vous vous souvenez ?
Il est déjà passé par les colonnes de ce blog, armé de son stylographe chargé à cartouches réelles, galopant sur la page en hussard prussien défoncé sévère au genièvre – la saine et flinguante liqueur du Nord, sa terre d’origine.
À l’époque, je m’étais fendu d’un court texte de présentation. Comme depuis l’homme n’a pas varié d’un degré son cap, sus aux tempêtes et droit devant, je ne vois pas de raison d’y changer une virgule, ni de ne pas vous le resservir à nouveau. Inutile de réchauffer, quand c’est du Kons, c’est toujours brûlant.
Laurent, surnommé Konstantin par ceux qui l’aiment bien et ceux qui le cherchent pour lui en mettre une, est un homme de plume d’une espèce aujourd’hui disparue : le journaliste régional déjanté.
De nos tristes jours, on ne dit plus « feuille de chou locale », on dit « PQR ». On ne parle plus de « reporter », mais de « stagiaire » payé en roupies. On prononce le mot « informations » pour la galerie, mais par devers soi on pense « dépêches d’agence ». On se torche des « lecteurs », vu qu’on a des « annonceurs ».
Décimée, traquée par les gestionnaires, anéantie jusqu’au dernier, cette race de journaleux qui pouvaient vous réciter du Blaise Cendrars par coeur et descendre une bouteille de raide, causer d’homme à homme avec le maire et se taper sa fille, entrer chez le chef des manouches du coin sans se faire mordre par les cleps, interpeller le commandant militaire de la place, attendre les demi-sels à leur sortie de la Maison d’Arrêt, se faire gâter gratis par la Mado derrière l’écluse, s’inviter à un chapon-cocotte chez le notaire et être accueilli d’un godet de vieille prune dans les fermes du bout du chemin des brumes.
« Je ne dirai rien à la presse sur s’t’affaire-là !
– Oh, mais j’vous demande rien de rien, père Matthieu… »
Et puis, dans les aubes grisailleuses des provinces, vous taper à toute berzingue sur une vieille machine à écrire manuelle des feuillets flamboyants que l’imprimeur accepterait en bougonnant, « pourriez pas être à l’heure au moins une fois, non ? », et qui feraient plus tard dans la matinée les délices de trois lecteurs et demi.
Kons était né pour ça. Seulement, le con, c’était trop tard.
Écoeuré par les lois qui régissent désormais les torchons publicitaires, il a fini par raccrocher les stylos.
On s’est connus à Phnom Penh, au Cambodge, au sein d’une belle petite aventure de presse, un mensuel qui s’appelait « Le Mékong ».
Je l’ai tanné pendant des années pour qu’il accepte de se rasseoir devant un clavier et nous cracher un peu de phrases. Pour nous. Seulement pour nous. À l’oeil et pour le plaisir.
Le voici donc dans les colonnes de votre blog préféré, potesses et poteaux, pour une poignée d’épisodes revenus du bout du monde. Quelque-chose comme Hunter S. Thompson employé au Courrier de Saint-Flour-du-Pacifique.
Résumé des chapitres précédents :
Konstantin, dit Kons, a accepté l’improbable offre d’emploi d’un canard de l’archipel des Wallis et Futuna, ensemble de poussières de France au trou du cul du Pacifique.
Escale obligatoire : Papeete, Tahiti, où il a déjà vécu plusieurs années.
En cinq jours de démence pure, il retrouve d’anciens potes et d’anciennes ex, les souvenirs lui sautent à la face comme les poings d’un boxeurs trouvent la tronche de son adversaire, avant qu’il ne se retrouve, épuisé d’alcool, de marijuana et d’émotions contraires, dans la salle d’attente de l’aéroport de Papeete, sur le point d’embarquer dans le prochain 737 pour Wallis la promise…
On va le retrouver dans l’avion qui survole l’infini bleu, filant vers sa destination finale où notre ami va plonger dans une nouvelle farandole cinglée parmi les habitants de son monde. Le monde de Kons. Durs à cuire, voyous planqués, escrocs, femmes généreuses, femmes moins généreuses, Français cuits et recuits au soleil du bout du monde, Wallisiens pur jus auxquels la lointaine métropole, les ancêtres les Gaulois, la Marseillaise, le bleu, le blanc et le rouge, n’inspirent pas que des bonnes pensées…
On démarre la semaine prochaine.
Ne ratez pas ça : un jour, vous vous souviendrez que c’est dans le Blog des Écritures que vous avez lu du Kons pour la première fois.
(À suivre)
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