browser icon
You are using an insecure version of your web browser. Please update your browser!
Using an outdated browser makes your computer unsafe. For a safer, faster, more enjoyable user experience, please update your browser today or try a newer browser.

Saint-Meurtre-sur-Loue 31

Publié par le 27 septembre 2025


Luna
a actionné les commutateurs. Les rampes de néon dans leurs longs caissons de plastique arrosent la cuisine d’une blancheur crue, aussi vive que celle d’un bloc opératoire.

La meurtrière n’a aucune crainte d’être remarquée de l’extérieur. Florette s’attarde souvent la nuit pour confectionner à l’avance ses pâtisseries et ses terrines. Nul voisin ne s’étonnera de la lumière qui s’échappe du carreau dépoli de la porte arrière.

Au pied de l’évier gît en boule un tissu chamarré jaune et vert et bleu que maculent des traînées de sang : le boubou africain de Florette que son bourreau a découpé par le devant, de haut en bas, d’un seul coup du couteau de chef parfaitement affûté.

Dessous, la grosse femme ne portait qu’une luxueuse culotte de lingerie noire un goût immodéré qu’elle avait pour les dessous affriolants. Luna la lui a ôtée et, par dérision, la lui a enfilée sur la tête.
– Tiens, cache ta gueule !
La fine soie ouvragée recouvre la totalité des frisottis de la chevelure courte de Florette. L’entrejambe est placée sur son nez. Les trous des cuisses laissent libres les yeux clos.

Faisant preuve d’une force que ne laisse pas soupçonner son petit gabarit, la créature en noir a porté la courte mais lourde femme inanimée depuis le petit bureau jusqu’au pilier central de la cuisine auquel elle l’a ligotée au moyen d’une ficelle de chanvre jaune.

Les poignets.
Les coudes.
Les chevilles.

Elle en a aussi passé plusieurs tours à hauteur du sternum et de l’aine, ce qui fait que le considérable ventre de Florette semble surgir en avant entre les deux liens, outre emplie de viscères et de graisse.

Tout le reste du corps dénudé est à l’avenant : les bras courts et flasques ; les mains étonnamment petites, aux doigts ronds et aux ongles coquettement vernis de rouge ; les hanches rectangulaires, disgracieuses, renforcées de coussins de chair ; les jambes fortes et droites, colonnes de peau rosâtre congestionnée, se rejoignant sur un sexe parfaitement épilé, enfantin, à peine une virgule perdue parmi toute cette opulence de viande.

C’est quand même pas possible d’être aussi grosse. À part bouffer comme une vache, qu’est-ce que tu sais faire ?
Ricanant tout bas, Luna s’amuse à promener la pointe du couteau tout au long du torse de sa victime, de la gorge enfouie sur le double menton jusqu’au minuscule renflement de la vulve enfantine.
– Ah ! Oui ! J’oubliais : te faire lécher. Ça, tu sais faire…

La lame passe d’une épaule à l’autre. Puis encore le long de chaque hanche et au pourtour du ventre.
Elle dansotte en faisant cela, Luna, et l’on entend par-dessus ses rires étouffés les froissements du plastique de son imperméable et les couinements de ses bottes sur le carrelage.
Les seins de Florette, contrastant avec cette masse de chair qui n’est qu’exagération et débordements, sont bizarrement petits, couronnés d’aréoles roses très larges, s’achevant sur des tétons très pointus.
Luna pince le gauche de l’index et du pouce, tire, étirant la peau élastique, et en coupe le bout d’un geste vif et précis.

La douleur éveille Florette.
Ses paupières se relèvent brusquement au centre des orifices du slip.
Elle découvre devant elle cet être de cauchemar vêtu de plastique noir, au haut du visage couvert de tant de mascara qu’il paraît un loup de carnaval, cette Fantômette d’épouvante qui ondule plaisamment devant elle.
Qui esquisse des pas de danse.
Qui agite le couteau à large lame étincelante comme un sabre cosaque.
Qui brandit dans l’autre main le bout de son sein sanguinolent.
Les yeux de Florette s’écarquillent.
Elle hurle, mais le chiffon roulé en boule dans sa bouche, maintenu par une bonne demi-douzaine d’enroulements de scotch, ne laisse passer que des grognements étouffés.
Hhhhmmmmmpf !… Hhhhhhmmmmmpf !…

Luna approche son visage de celui de sa victime, lui souriant d’un sourire aussi égaré que terrifiant. Elle porte le bout de sein à sa bouche et se tartine le bout de la langue et les lèvres de l’extrémité sanglante avant de se lécher les babines avec des mines gourmandes.
Tout le corps de Florette est secoué d’un sursaut de terreur. Elle tire désespérément sur ses liens.
Poignets !
Coudes !
Chevilles !…
Mais quand une bête humaine telle que celle qui opère cette nuit ligote une proie, elle manie les liens avec tant de science et de soin qu’il est impossible de s’en échapper.
Florette tente de se laisser tomber vers le bas, mais Luna lui a passé six rangs de ficelle de chanvre autour du cou. Aussi la restauratrice ne réussit-t-elle qu’à s’étrangler, le comprend, suspend son geste et se retrouve ainsi, immobilisée dans une position intermédiaire, les jarrets à demi fléchis, la carotide sciée, le souffle difficile.
Hmmpf !….

Alors Luna jette le tronçon de mamelle au sol, sans plus y porter d’intérêt que s’il se fût agi d’un emballage de friandise. Elle s’approche de sa prisonnière à la toucher, se penche à son oreille et lui murmure de sa voix rauque, qu’à cet instant la démence rend plus masculine que jamais :
Tu sais quoi ? Ben je commence à avoir une petite faim, moi !

Le quart d’heure suivant, elle s’agite dans la cuisine.

Elle choisit une poêle à frire, une grande, de vingt-huit centimètres de diamètre, verse au fond une bonne couche d’huile de tournesol (du premier choix, du cent pour cent naturel, de celui que presse le vieux meunier hippie dans son moulin d’Échans-sur-Loue) et allume sous elle l’un des feux du fourneau.

Tandis que l’huile chauffe, elle épluche deux oignons et une gousse d’ail, pêchés dans le panier à barreaux de métal blanc que Florette réserve à ces ingrédients. Elle taille les premiers en lamelles fines sur une planche à découper avec des gestes d’expert.
Tchac-tchac-tchac-tchac !
Elle hache la seconde avec la même dextérité et verse le tout dans la poêle d’un seul renversement de la planche, avec pour finir un raclement du tranchant du couteau.
Comme elle juge le grésillement de la cuisson trop fort, elle se plie en deux de façon à distinguer la flamme et, la main sur le gros bouton de commande du gaz, la règle avec soin.

Quand elle se redresse, satisfaite, un grand sourire s’est épanoui sur sa face d’un bord de la cagoule à l’autre. Elle décroche de la barre magnétique un petit couteau à lame très courte, un « désosseur ». Celui-ci dans la main gauche, le couteau de chef dans l’autre, elle s’approche de sa victime en chantonnant :
– Il était une fois dans la ville de Foix une marchande de foie…

Florette, pendant ce temps, a alterné les courtes crises d’agitation, quand la panique s’enflammait en elle, se tordant entre ses liens, grognant ses « hmmpff, hmmpff », et des phases d’abattement total où elle est restée immobile, avachie, comme déjà morte, son court menton sur la poitrine, la gorge entaillée par les tours de ficelle qui la maintiennent contre le pilier.
Bien, explique Luna : on passe aux choses sérieuses. On va faire ça vite et bien, parce qu’on ne veut pas laisser les oignons brûler, n’est-ce pas ?

(À suivre)

 

Laisser un commentaire