D’après mon roman Les Guerriers Perdus, éditions Taurnada, 235 pages, 9,99 €.
EXT Jour, panoramique
Un avion long courrier amorce sa descente, train d’atterrissage sorti, vers un aéroport moderne. Au loin, on distingue les buildings d’une ville qu’on devine américaine.
INT Jour, cabine long courrier
Parmi les passagers, mélange de gens âgés seuls ou en couple et de jeunes touristes en fringues décontractées, on reconnaît Haig.
EXT Jour, highway
La circulation sur une rocade américaine. La caméra se rapproche d’un gros 4×4 noir aux vitres opaques.
INT Jour, habitacle
Au volant, un énorme cigare à demi consumé à la bouche, lunettes noires perché sur l’extrême bout de l’irrégulière patate qui lui sert de nez, on reconnaît Baltimore, le métis obèse aux dreadlocks striées de gris qu’on a vu lors de l’explosion de la mine aux Philippines et en photo quand Carlo et Félix ont rendu visite à Haig en Irlande.
Vue au travers du pare-brise : un panneau indique la bretelle de sortie pour le Miami International Airport.
Baltimore se rabat brusquement, totalement indifférent aux autres véhicules, coupant la route à une voiture qui freine en klaxonnant.
Baltimore :
Va te faire schtronzer, mothafucka !
Note : le langage de Baltimore est très particulier, mélange d’argots black et latino-américain en plus émaillé de mots yiddish, italiens et chinois, le tout généralement puisé dans le stock des expressions les plus obscènes de chaque vocabulaire…
INT Jour, façade de l’aéroport
La foule s’écoule par les portes vitrées sous la grande enseigne « Willcox Field – Miami International Airport ».
Le gros 4×4 noir est garé de travers, à moitié sur le trottoir, devant la file des taxis. Un chauffeur latino s’approche, visiblement réprobateur.
Chauffeur :
Eh, usted !…
Baltimore retire le cigare de sa bouche et crache un jet de salive qui va s’écraser précisément devant les chaussures du type qui s’arrête, stoppé dans son élan. Baltimore abaisse un peu plus ses lunettes noires et le dévisage. Le chauffeur apeuré renonce, tourne les talons et retourne à sa voiture.
Haig (voix) :
Baltimore.
La caméra découvre Haig qui vient de sortir de l’aérogare, un sac de marin sur l’épaule.
Baltimore :
P’tit Haig.
Il lui fait signe de le suivre.
EXT Jour, highway
La circulation sur la rocade américaine, avec le 4×4 noir.
INT Jour, habitacle
Baltimore conduit et parle. Haig écoute.
Baltimore :
Je cherchais des méta-amphétamines, la nouvelle mierda chimique qui plaît aux gamins. J’en demande à un de mes fuckin’ contacts, un maricon de dealer suédois qui vit à Coral Gables. Il me dit « Baltimore, j’peux pas. Sur Miami, les métas, c’est la chasse gardée de la patronne du Wendy’s, elle et ses enfoirés de Russes du sud… ». Donnerwetter, je me dis… Je vais me poster un soir dans une saloperie de stand à hamburgers à côté du Wendy’s. Et qui je vois sortir, à trois heures du matin, entouré de ses putznashers de gardes du corps azéris ? Cette puta madre de kurva blonde elle-même…
EXT Jour, Little Havana
La 4×4 remonte la calle Ocho, l’artère centrale de Little Havana, le quartier cubain de Miami.
Son : les rumbas qui déferlent des bars et des fenêtres ouvertes, sonos à fond.
La caméra glisse sur les enseignes en espagnol, « Pulperia », « Restorante », « farmacia », etc… et sur les fresques naïves et violemment coloriées qui recouvrent les murs.
L’ambiance est populeuse. On aperçoit des vieillards coiffés de galurins de paille, un cigare « cohiba » à la bouche, qui jouent aux dominos aux terrasses des cafés. Des bandes de gamins qui s’affrontent au football dans les terrains vagues et cavalent en hordes sur les trottoirs. Des serveuses sur le seuil des cafeterias, jeunes bombes érotiques à la peau de miel. Des robustes matrones devant les commerces qui apostrophent le chaland.
La 4×4 bifurque et s’engage dans une rue plus étroite, tourne encore dans une allée encombrée de poubelles et s’arrête devant l’entrée d’un hôtel très minable à l’enseigne peinte directement sur le mur, à côté d’une étroite porte d’entrée sombre.
INT Jour, hôtel
Baltimore guide Haig dans des escaliers et le long d’un corridor obscur et sordide où des transsexuels cubains vêtus en putes, visiblement camés, attendent devant les portes des chambres. Au passage, Baltimore distribue des mains aux fesses et des claques sur les joues.
Baltimore stoppe devant une porte cadenassée en bout de couloir, près d’une sortie de secours, simple ouverture illuminée de soleil derrière laquelle on devine un escalier de ferraille. Baltimore extrait de sa poche un énorme trousseau de clés et ouvre le cadenas.
Baltimore :
C’est là. Personne ne te fera chier ici, tout l’immeuble est à moi… (il rigole) Et toutes ces ordures de putanas à couilles aussi !
CUT
EXT Jour, jardin d’hôtel, façade
Une berline de location longe l’allée d’un beau jardin de palmiers, cocotiers et autres bougainvillées. Elle stoppe devant la façade d’une grande maison rose aux allures d’hacienda espagnole. Un portier en livrée se précipite, nous faisant comprendre qu’il s’agit d’un hôtel.
Carlo et Félix descendent de la berline. Tandis que le portier et des chasseurs s’occupent de leurs deux valises, ils entrent dans la maison.
INT Jour, réception, bar
À l’intérieur règne une ambiance confortable et calme. Beaucoup de bois et de rotin, des plantes, des ventilateurs d’acajou au plafond.
Baltimore est au comptoir du bar, détonnant un peu dans sa chemise bariolée froissée, avec son allure hirsute et son cigare mâchonné à la bouche, dans ce décor de quasi luxe. Carlo et Félix vont à lui.
Carlo :
Baltimore.
Baltimore (ingurgitant bruyamment et d’une seul goulée un cocktail coloré) :
Carlo.
Félix :
Baltimore.
Baltimore (rotant et remettant son cigare en bouche) :
Félix.
Carlo :
Haig ?
Baltimore :
Arrivé hier. Je l’ai logé dans une de mes affaires à Little Havana…
Il saisit deux clés aux gros porte-clés sur le comptoir et les exhibe sous le nez des deux arrivants.
Baltimore :
Le propriétaire d’ici est un connard de putznasher de New York qui a voulu faire le finocchio sur un deal avec moi. Depuis, il a peur que je le tue, et il a raison, cet hijo de puta. Je vous ai réservé les deux meilleures chambres, en penthouse sur le toit, avec vue sur l’océan, por favor !
CUT
EXT Jour, bus station
Un bâtiment de ciment flanqué d’une énorme enseigne qui annonce « Greyhound BUS » surmontée de l’emblème de la compagnie : un lévrier en pleine course.
Sur le parking, on découvre la 4×4 noire. Baltimore se tient à côté, en train d’engloutir un hot dog. Dans son autre main, outre le cigare planté entre ses doigts, il tient trois autres hot dogs.
Un bus se range poussivement le long de la rampe d’arrivée. Les portes s’ouvrent en chuintant, laissant descendre une foule visiblement pauvre, avec une grande proportion de Noirs et d’Hispaniques. En leur sein, on reconnaît Loum et Karzan. Ce dernier montre Baltimore à Loum. Ils s’approchent.
Karzan :
Baltimore.
Baltimore (déglutissant) :
Karzan.
Loum :
Baltimore.
Baltimore (la bouche pleine) :
Lmmm…
INT Jour, chambre
Karzan et Loum posent leurs maigres bagages sur les deux lits d’une petite chambre anonyme dont la fenêtre donne sur le mur d’une cour intérieure.
Baltimore (à la porte) :
Okay… J’ai des trucs à régler. Installez-vous. Je viens vous chercher tout à l’heure pour la putain de réunion de guerre…
Il tourne le dos, descend un escalier sombre, pousse une porte et débouche dans une bijouterie. Les tenanciers, répartis derrière les vitrines, sont des Juifs orthodoxes de plusieurs générations. Baltimore s’arrête devant le plus âgé, un vieillard à barbe blanche qui se tient à la caisse, devant des registres ouverts. Sans un mot, Baltimore lui compte plusieurs billets, salue d’un bref hochement de tête et sort.
INT Nuit, restaurant
La caméra traverse la salle pleine d’un restaurant cubain où officient de très jolies serveuses. Son : brouhaha de conversations avec des interjections en espagnol, rires, bruits de couverts.
On longe un couloir, aperçoit la cuisine et débouche sur une cour cernée de murs. Tous les membres de la bande sont assis autour d’une table, sous une tonnelle de vigne vierge. Il y a du rhum et d’innombrables coupelles de tapas. Le long d’un des murs, une cuisinière fait cuire des poissons, des calamars et des gambas sur un immense barbecue. Une belle jeune fille s’occupe du service.
Carlo :
Jusqu’à nouvel ordre, on reste dispersés. On a tous un peu changé depuis les Philippines et, isolément, il y a peu de chances qu’on attire l’attention. On s’occupera de la surveillance chacun à notre tour. Sauf toi (il pointe Loum du doigt). Tu es le plus reconnaissable d’entre nous. Tu restes à l’écart pour l’instant.
Loum hausse les épaules d’un air indifférent.
Carlo :
Mais ne t’en fais pas. Dès qu’on passe à l’action, tu seras en première ligne.
Loum sourit d’un sourire de méchante brute et mime le geste de tirer avec l’index.
Loum :
Bam, bam, bam, Vanda !
Baltimore boit une rasade à la bouteille – bien que, comme les autres, il ait un verre posé devant lui.
Baltimore (braillant, à l’évidence déjà bien soul) :
Pourquoi on attend ? Moi, je peux nous avoir autant de grenades incendiaires qu’on veut. Demain, si vous voulez. On y va le soir, on entre et on fait brûler toute la fuckin’ mierda, kaboum !… Et cette salope russe avec !
Carlo :
Non. Trop de victimes.
Félix :
Baltimore, espèce de sauvage : on ne va pas tuer toute la clientèle d’une boîte de nuit pour prendre notre revanche.
Baltimore :
Ils n’ont qu’à pas aller dans c’te foutue boîte, ces stronzi !
Karzan :
Je suis d’accord avec Carlo. On est là pour se faire justice, oui.
Haig :
On est des vengeurs, pas des assassins.
Baltimore :
Bon… Vous êtes tous devenus des pucelles. Je vous fait bosser, si vous voulez. Je vous mets sur les trottoirs à sucer des pingas…
Carlo :
Suffit.
Baltimore (continuant à boire) :
Vous ne voulez pas le faire vous-même ? Okay. Moi, je vous recrute un commando de tueurs cubains.
Les autres (chœur de protestaions) :
Non… Pas question… Baltimore… Pas comme ça…
Baltimore :
Facile ! easy ! piece of cake ! En moins d’une heure, je trouve dans le quartier une bonne douzaine de fucking diablos bien méchants qui vont nous ramener la tête de la kurva pour dix dollars !
Nouveau concert de dénégations. Carlo lève la main, ramenant le silence.
Carlo :
Cette guerre est notre guerre, on n’y mêlera personne d’autre que nous six.
Baltimore (hurlant) :
Puta madre, tu veux encore faire le fuckin’ chevalier, Saint-Carlo de mes deux…
Plan sur Carlo qui avance la poitrine presque imperceptiblement, le visage durci. Gros plan sur ses yeux implacables.
A côté, Félix s’est raidi, lui aussi.
Baltimore les affronte en silence puis baisse le regard en soupirant. Il s’empoigne la panse à deux mains et pète bruyamment.
Baltimore :
Assholes…
Carlo :
On va prendre le temps, les gars. On l’observe. On la surveille. On guette le moment propice et on frappe… (À Baltimore, le ton conciliant)… On aura besoin des armes, vieux frère, tu t’en es occupé ?
Baltimore (boudeur) :
No fuckin’ problem…
(À suivre)
12 Responses to Les Guerriers perdus, le film – Épisode 08