D’après mon roman Les Guerriers Perdus, éditions Taurnada, 235 pages, 9,99 €.
EXT Jour, montagne
Plan fixe sur un flanc pentu couvert d’une forêt dense de hêtres et de sapins bleus. À mi-hauteur court le ruban gris d’un chemin rocheux en corniche adossé à la paroi et surplombant le vide, bordé de genévriers (buissons).
Au loin et s’approchant, on entend le vrombissement du moteur de l’Ural. Il y a des changements de vitesses, de courts presque silences, des rugissements d’efforts brefs, tous indicateurs d’une progression pénible.
EXT Jour, montagne
Plan rapproché sur un virage du chemin qui contourne alors le flanc de la montagne, avec un rocher plat, comme une dalle en surplomb de l’à-pic.
EXT Jour, montagne
Panoramique sur les alentours : des vagues de pics (1000 / 1500 mètres) et de vallées étroites, couvertes de forêt, jusqu’à l’horizon.
Le bruit du moteur de l’Ural se rapproche.
EXT Jour, montagne
Plan sur le chemin en enfilade, depuis la courbe au rocher en surplomb : les fuyantes du chemin étroit avec au bout un trou d’ombre encadré de végétation, comme l’orée d’un tunnel.
Le bruit du moteur se fait plus puissant.
L’Ural débouche enfin du tunnel de végétation. Massif, il occupe toute la largeur du chemin, soulignant l’étroitesse de celui-ci. À peine la moto est-elle apparue qu’elle disparaît dans un creux que notre œil n’avait pas repéré. Le moteur hurle alors que la moto remonte de l’autre côté du creux.
L’Ural réapparaît. Il avance à brefs coups d’accélérateur, comme un halètement. Les bras de Haig frottent les genévriers épais des deux côtés du chemin.
Zoom sur le visage de Haig éreinté et poussiéreux. Plan bref sur sa main gauche en train d’embrayer, couverte de griffures et d’ecchymoses.
Plan sur la dalle en surplomp, au virage. On remarque la présence d’une mince couche de graviers.
Le side-car dépasse la caméra qui le suit. Coup d’accélérateur. L’arrière de la moto chasse légèrement.
Plan sur la dalle. Le gravier. L’à-pic en dessous. Le paysage de crêtes à l’infini.
EXT Jour, montagne, séquence chute
Vue de l’arrière, l’Ural aborde le virage. On la voit nettement déraper vers le vide.
Plan sur la roue qui patine dans les graviers. La botte de Haig qui rétrograde d’un claquement. Plan général sur la moto qui se déporte nettement. Bref aperçu du vide. Le visage de Haig qui pousse un juron inaudible dans le fracas du moteur. Son poing droit qui met désespérément les gaz.
La moto bascule dans le vide.
EXT Montagne, ralenti, contre-plongée
Dans un soudain silence, le gros side-car exécute un saut périlleux dans le vide. Alors qu’il est à l’envers, comme suspendu dans les airs, tout le matériel contenu dans le side s’en échappe. On distingue le fusil Baïkal, un sac de tente, le duvet roulé, une chemise déployée, une gourde, des boîtes de conserves…
EXT Jour, montagne, paroi
Haig, accroché des deux poings aux branches minces d’un buisson, juste en dessous de la dalle en surplomb. Il mouline des deux pieds, cherchant un appui qu’il ne trouve pas. Et il gueule de rage et de trouille.
EXT Jour, montagne, fond de vallée
Le Side-car s’écrase lourdement au sol. Bruit de choc sonore, claquements de machins qui cassent. Une rafale de gouttes d’eau boueuse vient asperger la caméra.
EXT Jour, montagne, haut de la paroi
Haig se débat toujours, et toujours sans trouver d’appui. Il ne crie plus mais gémit entre ses dents et ahane. Il lâche prise d’une main, balance dangereusement dans le vide, tenu par une seule main, parvient à saisir une touffe de branches plus haut. Il répète l’opération. Se hisse.
Plan sur un pied qui trouve une anfractuosité de la roche.
On le devine qui s’arrache au vide.
EXT Jour, montagne, dalle
Haig allongé de tout son long sur la dalle, essoufflé.
CUT
EXT Jour, montagne
Panoramique sur le paysage de crêtes et les forêts sombres à l’infini.
EXT Jour, montagne, dalle
Haig est assis sur la dalle. Il saigne du nez, d’une estafilade au front et de multiples coupures aux mains. Accablé, il secoue la tête et soupire.
EXT / INT Jour / Nuit, succession de séquences
Suite de flashes back entrecoupés de plans courts montrant Haig épuisé et découragé, et le paysage infini, désespérément vide de toute trace humaine, qui s’étale devant lui.
Philippines.
Carlo devant les autres en ligne.
Carlo :
On va prêter un serment… Jurons de retrouver cette pute de Vanda, même si ça doit prendre un an, deux ans, dix ans…
Félix, Karzan, Baltimore lèvent la main.
Gao, Mali. Chez Boogie, le mécano.
Haig :
Tu te souviens de ton serment ?
Boogie (finissant d’engloutir des arachides) :
Gloup… Putain, cong, tu n’es pas sérieux, quand même ! C’est une blague ou quoi ? (Il écarte les mains, paumes en l’air, englobant ce qui l’entoure). J’ai des responsabilités, moi, cong, je n’ai plus l’âge de jouer aux cowboys et aux indiens…
Miami, parking du casino.
Baltimore arrivé à hauteur de la Lincoln et du chauffeur azéri qui lui sourit par la vitre ouverte. Baltimore sort ses mains de ses poches. Dans la droite, il y a un flingue, dans l’autre un objet cylindrique de la taille d’une boite de bière. Il tire une balle dans la tête du chauffeur. Du sang asperge l’intérieur du pare-brise. On entend les cris de stupeur des deux autres Azéris. Baltimore range le flingue, dégoupille la boîte de bière qui se révèle être une grenade incendiaire et la jette à l’intérieur de la voiture. La voiture explose.
Miami, carrefour.
Une pluie de balles s’abat. Sons : les rafales nerveuses de fusils-mitrailleurs ponctuées de toux de shotguns. Une fille blonde à genoux, suppliante, est touchée à l’arrière de la tête. Loum au sol. Son corps tressaute sous des dizaines d’impacts qui sont autant de geysers de chair et de sang. Une voiture de passants dont le pare-brise éclate vacille de droite à gauche et finit par s’encastrer dans le grillage de l’hôtel en réfection.
Haig (tourné vers les autres, la main levée, criant) :
Piège ! À couvert ! Repli, repli, repli !…
Gros plan sur Karzan dont la tête explose.
Plan sur la façade de l’hôtel en réfection. D’une demi douzaine de fenêtres obscures jaillissent les flammes de coups de feu.
Miami, café cubain.
Haig examine Carlo dont on doit remarquer l’affaiblissement : la voussure de son dos que produit sa position, les deux coudes sur le comptoir. Le blanchissement des cheveux ras. Les rides qui marquent son visage.…
Haig (se penchant sur lui) :
Carlo, tu es sûr que ça va ?
Carlo (faible sourire) :
Sais-tu ce que c’est qu’être un homme, gamin ? Être un homme, c’est aller jusqu’au bout de ses folies.
EXT jour, montagne
Haig s’ébroue. Il se lève, l’air déterminé. Contemple un instant le paysage, Inspire un bon coup.
Il examine l’à-pic en dessous de lui. Il secoue la tête, claquant de la langue, agacé, en le découvrant impraticable. Il examine et les alentours et commence à marcher, de dos, s’éloignant de la caméra.
CUT
EXT Jour, montagne
Suite de plans courts.
Haig, ayant trouvé un passage moins vertical, s’y engage.
Il descend une pente raide, bloquant ses talons contre les pierres du sol et se tenant aux branches à sa portée.
Abordant une pente sablonneuse, il s’emmêle les pinceaux, chute et roule jusqu’à ce qu’il heurte un tronc d’arbre. Il pousse un cri de douleur au choc.
Parvenu à un terrain plus plat, il se fraye un passage tant bien que mal entre les buissons resserrés en grommelant des jurons. Un plan sur ses pieds nous montre que le sol est boueux, spongieux, presque liquide.
EXT Jour, fond de vallon
Le side-car Ural gît sur le flanc, fourche et roues tordues, à l’évidence irrécupérable. Il repose dans une sorte de mare peu profonde, d’une eau épaisse sur laquelle flottent des fringues éparses.
En arrière-plan, les buissons s’agitent. Haig en surgit. On constate que sa traversée des buissons ne l’a pas arrangé : griffures au visage, chemise et pantalon lacérés par les épines.
Avisant l’Ural, il s’immobilise, l’air catastrophé.
EXT Jour, fond de vallon
Haig fouille le side. Il en sort une caissette qu’il ouvre, révélant son appareil photo et sa paire de jumelles intacts, plus des boîtes de pellicule. Il récupère aussi son pistolet Tokarev, qu’il glisse dans sa ceinture.
Il en sort ensuite des boîtes de conserve qu’il empile au sec sur une roche.
EXT Jour, fond de vallon
Haig patauge dans la mare autour de l’Ural, rassemblant les affaires qu’il peut récupérer : le fusil Baïkal, une lampe, son duvet, des sangles…
EXT Jour, fond de vallon
Gros plan sur une boîte d’allumettes flottant dans l’eau. La main de Haig s’en empare. L’ouvre. Essaie plusieurs allumettes dont le souffre, mouillé, part en sucette.
Haig :
Bordel de merde !
EXT Jour, fond de vallon
Haig achève de remplir de ce qu’il a sauvé du désastre un havresac bricolé au moyen de son duvet, de cordes et de sangles.
Il endosse le sac, met le fusil Baïkal à l’épaule et s’éloigne. Il disparaît dans les buissons.
EXT Jour / Nuit, montagne, errance
Pendant cette séquence, Haig traverse différents paysages de montagne. Comme il est de plus en plus épuisé et hébété, son errance prend l’allure d’un rêve.
Musique.
À vous, Maestro – à moins que la petite tribu vénétienne ne soit partie en vacances, ce qui se comprendrait…
Haig marche sous le couvert de grands sapins. Parvenu à une sorte de clairière, il pose son sac et s’écroule contre un tronc d’arbre. Il mange le contenu d’une boîte tandis que l’obscurité s’accentue. Il se blottit pour dormir.
Haig escalade avec difficultés une paroi d’une trentaine de mètres, s’accrochant aux buissons et aux rares prises de la roche. Une de ses prises cède sous un pied, il se rattrape in extremis.
Haig a nouveau sous les pins. Un grognement retentit. Il s’immobilise. Contrechamp sur un ours derrière des buissons. Haig, apeuré, reste un moment immobile, puis hasarde un pas sur le côté. Un autre. Il s’éloigne alors que l’ours grogne de nouveau.
Il s’arrête devant un immense parterre de petites fleurs d’un violet tendre, dignes de la palette d’un peintre impressionniste. Alors qu’il le traverse, il fait s’envoler des milliers de papillons qui volètent autour de lui.
De nouveau, il se recroqueville pour la nuit, dans l’obscurité naissante.
Haig devant un ruisseau large d’un peu plus d’un mètre, d’eau claire coulant sur un lit de gravier brun et blanc. Il s’y plonge à plat ventre et boit goulûment.
Haig marche, titubant, le long de la berge du mince cours d’eau.
Le soir, il s’écroule, ivre de fatigue, sur une sorte de plate-forme rocheuse au-dessus du ruisseau.
EXT Jour, bord du ruisseau
Plan sur le visage de Haig endormi, mangé de barbe et couvert de griffures, dans la lumière grise de l’aube. À cette lueur se mêlent des éclats orangés, tandis qu’on entend les crépitements d’un feu de bois.
Haig ouvre les yeux. Contrechamp : il y bien un feu. Et dessus, enfilé sur une broche de bois, un lapin qui cuit.
De l’autre côté du feu, on découvre un homme assis en tailleur Un colosse aux cheveux blonds ébouriffés, vêtu d’une veste en peau de mouton.
Le géant sourit en constatant que Haig est éveillé. Du doigt, il désigne le lapin. Puis il pointe l’index sur Haig. Enfin fait aller et venir sa main devant sa bouche. On comprend qu’il cherche à dire : « Tu veux manger ? »
(À suivre)
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