D’après mon roman Les Guerriers Perdus, éditions Taurnada, 235 pages, 9,99 €.
EXT, lever du jour, Little Chambord
Vue depuis la baie vitrée de la chambre de la bande au Little Chambord. Sur le parking d’en face, une dernière voiture décapotable pleine de noctambules démarre et disparaît. L’enseigne néon du Wendy’s s’éteint. Une joggeuse matinale passe, puis un vieil homme qui promène son chien.
INT, lever du jour, chambre
Haig et Félix. Haig a rasé sa petite moustache et retrouvé ses vêtements habituels – jeans, tee-shirt et bottes. Tout montre que les deux hommes ont planqué toute la nuit : cendriers pleins, une bouteille de whisky vide, une autre encore à moitié pleine, des emballages de hamburgers et de chips…
Félix se lève de sa chaise postée devant la baie et s’étire. Haig fait de même.
Félix :
Putain de corvée… Amène-toi, je te dépose à ton gourbi.
Haig se saisit d’un livre (Les Aventures d’Huckleberry Finn de Mark Twain).et le montre à Félix.
Haig :
Je reste là. Je vais prendre une douche, me la couler douce. J’en ai ma claque des travelos de Baltimore… Et quand il est là, c’est pire. Il leur tape dessus. Ça fait un bruit pas possible. On dirait qu’il le fait exprès.
Félix :
Il le fait exprès… (Il sort de sa poche un trousseau de clés et l’envoie à Haig)… Garde la Subaru, je vais me choper un taxi.
Haig (fourrant les clés dans sa poche) :
Merci.
Félix (sortant) :
You’re welcome, my friend !
EXT Jour, balcon
En amorce : les pieds nus de Haig sur la balustrade du balcon. Le cadre s’élargit, montrant Haig en maillot de bain en train de lire sur le balcon dans le soleil du milieu de journée.
Il lève distraitement les yeux de son bouquin. Son visage se fige. Il laisse brutalement retomber ses pieds.
Subjectif : de l’autre côté du parking, au Wendy’s, un Azéri vient de se glisser par la porte entrouverte qu’il est en train de refermer.
Haig bondit à l’intérieur de la chambre, attrape une paire de jumelles et, s’étant posté au coin de la baie vitrée, les braque sur le type.
EXT Jour, façade du Wendy’s
L’Azéri apparaît dans le cercle des jumelles. Il est vêtu « en civil », jeans et chemise décontractée, mais il porte une cravate. Une Lincoln noire s’arrête à sa hauteur. Deux silhouettes à l’intérieur. L’Azéri grimpe à l’arrière et la Lincoln repart.
INT Jour, chambre
Haig bondit sur ses pieds (nus), ramasse à la volée ses bottes et ses autres vêtements et se précipite à l’extérieur.
INT Jour, couloir
Haig bute dans le chariot d’entretient qui bloque la moitié du passage. Des flacons et une pile de draps propres tombent à terre. Haig n’y prête pas attention et continue sa course. Une femme noire à l’air épuisé sort furieuse d’une des chambres.
La femme :
Hey, you !…
Haig s’engouffre dans un escalier. La femme ramasse les draps en grommelant des trucs pas gentils sur la sexualité des Blancs.
EXT Jour, terrasse du Little Chambord
Toutes les tables sont occupées par des couples de vieillards dont les couleurs violentes des fringues rivalisent avec celles des massifs de fleurs qui entourent la terrasse, une dernière touche multicolore étant apportée par les cocktails que sirotent ces messieurs-dames.
Haig déboule et traverse comme un chien fou ce paisible espace, ses habits serrés contre sa poitrine, les bottes au poing. Des cris outrés saluent sa performance.
EXT Jour, parking
En amorce, l’arrière de la Lincoln qui s’éloigne dans Ocean drive.
Haig :
Merde merde merde merde…
Debout à côté de la Subaru, il s’emmêle dans ses vêtements à la recherche des clés, laisse tomber une botte, la ramasse, laisse tomber l’autre, finit par trouver sa poche de pantalon, la fouille, constate que ce n’est pas la bonne…
Enfin, il trouve les clés.
EXT Jour, Ocean drive
La Subaru force son passage à travers la circulation lente d’Ocean drive – où il s’agit plus de se montrer et de mater que de conduire – entraînant quelques réactions surprises ou choquées des promeneurs en maillots de bain.
La Lincoln est elle aussi bloquée par la circulation. La Subaru se place à portée de vue.
INT Jour, habitacle Subaru
Haig soupire de soulagement.
Haig :
Okay. Je ne vous lâche plus, maintenant…
EXT Jour, rues de Miami Beach
La Lincoln et la Subaru dans la circulation plus fluide de Miami Beach. On passe les ponts qui enjambent les bras de mer et les canaux en direction de Miami et de ses buildings.
Parmi les bâtiments passés par les deux voitures, la caméra s’attarde un instant sur un immeuble en réfection aux fenêtres noires.
EXT Jour, rocade
Les deux voitures filent sur une des autoroutes qui partent de Miami.
INT Jour, habitacle Subaru
L’arrière de la Lincoln à travers le pare-brise de la Subaru. À l’approche d’une station-service, le clignotant se déclenche. Elle emprunte la bretelle de dégagement, parvient à la station et se place dans une des files devant les pompes à essence. Les Azéris en descendent. Le chauffeur attend son tour pour prendre de l’essence. Les deux autres se dirigent vers le magasin.
Haig trouve une place et se gare.
EXT Jour, station-service
Haig sort de la Subaru, pieds nus et en maillot de bain, et court à une rangée de téléphones payants. Il compose fébrilement un numéro, trépigne en écoutant les tonalités. Quelqu’un décroche à l’autre bout. On entend la voix ensommeillée de Félix.
Félix :
Whay’s the fuck…
Haig :
C’est Haig. Trois des gorilles sont sortis de la discothèque.
Félix (aussitôt réveillé) :
Tu es où ?
Haig :
Sur le freeway, sortie nord. Ils se sont arrêtés faire le plein. Je leur colle au train…
On entend la voix de Félix qui communique les informations à Carlo, puis on devine la voix de celui-ci. Félix revient au combiné.
Félix :
Continue de les suivre. Quand ils arrivent quelque part, s’ils arrivent quelque part, appelle-moi, je reste près du bigo.
Haig :
Okay, boss.
Il raccroche et observe la station. Subjectif : le chauffeur a fini de se servir d’essence. Il se dirige vers la boutique. Dans la vitrine de celle-ci, on distingue les deux autres en train de se taper un café et des doughnuts.
Haig retourne à la Subaru et s’habille.
EXT Jour, freeway
Les deux voitures roulent sur le freeway 95. Elles dépassent la sortie « Pompano Beach ».
Plan sur un panneau qui annonce : « Seminole Coconut Creek Casino ».
La Lincoln emprunte la direction du casino. La Subaru s’y engage à son tour.
Plans sur d’autres panneaux qui se succèdent sur le bas-côté : « Seminole Casino », « More than 100 Jackpots ! », « Craps ! », « 100 000 for a dime ! ».
EXT Jour, parking
Plan général sur un immense parking, avec des voitures garées sous le soleil à perte de vue.
Un bus navette peint de motifs de jackpots et de cartes à jouer, le tout très criard, charge des passagers – en majorité des hommes à l’allure de sages retraités et des femmes âgées plus extravagantes. Parmi eux, les trois Azéris, dont c’est le tour de grimper à bord.
La caméra quitte l’arrêt navette, file au-dessus d’une mer de toits de voitures et se fixe sur une rangée de téléphones. À l’un d’eux : Haig.
Gros plan sur Haig.
Haig :
… au casino indien, après Pompano Beach.
Carlo (voix) :
On arrive.
EXT Jour, parking casino
Le 4×4 noir de la bande roule lentement le long d’une allée du parking. En arrière-plan, la Subaru. Haig en sort. Le 4×4 stoppe. Haig s’approche et se penche à la fenêtre.
INT Jour, habitacle 4×4
Carlo est au volant. Félix à la place du mort. Karzan et Loum derrière.
Haig :
Baltimore ?
Félix :
Je l’ai prévenu mais il est sur un autre coup. Pas voulu venir.
Haig :
Qu’est-ce que vous voulez faire ?
Carlo :
J’hésite encore. Mon sentiment, c’est qu’il faut les choper. Soit ils nous serviront de monnaie d’échange. Soit on les fera parler…
Loum (ricanant) :
Moi c’est faire parler, moi connaître.
À côté de lui, Karzan soupire, visiblement en désaccord.
Haig :
Hmm… Ça veut dire ouvrir les hostilités.
Carlo :
Ouais.
Félix :
Ouais.
Haig :
Autant envoyer une déclaration de guerre sur papier. On perd toute possibilité d’effet de surprise…
Carlo (agacé) :
J’ai pensé à tout ça, l’intellectuel. Tu crois que je suis devenu con ?
Haig soupire. Karzan aussi. Carlo fusille Haig du regard et tourne à demi la tête pour faire de même avec Karzan.
Carlo :
Ça fait des jours que vous vous plaignez : « il ne se passe rien, et patati, et patata… ». Là, il se passe quelque chose. Alors, on agit. On verra bien ce qui se passe.
Silence.
Haig :
Comment tu vois les choses ?
Carlo :
Tu vas au casino. Tu surveilles les types. (Il montre la rangée des téléphones à pièces). Toutes les demi-heures, tu appelles. Deux sonneries si rien ne bouge. Trois sonneries si tu as quelque chose à nous dire. Cinq sonneries quand ils se préparent à sortir.
Haig :
Et ?…
Félix :
Et on se charge du reste, bordel. Tu veux quoi, des instructions écrites ?
Nouveau silence.
Haig :
D’accord.
Carlo :
Tu as un flingue ?
Haig :
Mon 38.
Carlo :
Laisse-le moi. Ils ont peut-être un portique à l’entrée…
EXT Jour, parking
Haig est mêlé à un groupe de touristes un arrêt de la navette. La navette arrive. Haig monte à bord.
(À suivre)
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