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Les Guerriers perdus, 2ème partie – Épisode 05

Publié par le 20 juillet 2019

 

D’après mon roman Les Guerriers Perdus, éditions Taurnada, 235 pages, 9,99 €.

 

EXT Nuit, paysage

La lune. Sa lumière caresse les eaux du lac. On distingue au loin l’ombre de l’îlot et les ruines qui s’y élèvent.

La façade de l’auberge dont la blancheur luit doucement. Tout y est éteint, sauf une fenêtre à l’étage, derrière laquelle vacille la flamme jaune d’une chandelle.

 

INT Nuit, chambre

Une épaisse bougie éclaire un lit massif au châssis de bois moyenâgeux. Haig y repose sur le dos, nu, verge bandant dur et droit. Aynur : flot de chevelure libre, flot de chair mielleuse, pleine, sur laquelle dansent les reflets de la flamme. Elle chevauche Haig. S’empale. Pousse un gémissement rauque.

 

EXT Nuit, auberge

La lumière de la lune sur la façade blanche. La fenêtre derrière laquelle luit la chandelle.

 

CUT

 

INT Jour, cuisine

Un soleil matinal puissant déferle des fenêtres. Aynur et Haig, tous deux nus, sont attablés de par et d’autre d’un plan de travail en bois, devant un repas plantureux. Il y a des fruits en abondance, des œufs, du mouton, de l’eau dans une carafe embuée et une bouteille de vin. Autour d’eux, la cuisine est un mélange de meubles antiques et de modernisme : évier et armoires à froid en acier, robot-mélangeur, coupeuse à viande, etc… Certains pans des murs sont en travaux : brèches ouvertes, plastiques de protection au sol, auge à plâtre et outils divers en désordre…

Aynur (en anglais s.t.) :
Ce qui m’a coûté le plus cher, ce sont les autorisations. (Elle compte sur ses doigts). Le responsable de district civil – c’est le grand patron. Le type qu’ils appellent le maire, mais c’est l’ancien chef local du parti, le responsable militaire, un vrai salaud, celui-là… Pour le reste (elle désigne l’ensemble du décor autour d’eux), c’était presque donné. Nulle part en Europe, je n’aurais trouvé une maison de cette taille à si bon marché.

Haig remplit leurs verres de vin. Aynur s’empare du sien avec enthousiasme, boit.

Aynur :
Ils me prennent tous pour une folle. Les pauvres, ils n’y connaissent rien. Je sais que je vais réussir. J’ai plein de projets, des excursions en montagne, des balades en bateau sur le lac…

Haig (en anglais s.t.) :
Ce n’est pas encore gagné…

Par-dessus son verre. Aynur le dévisage avec une commisération outrée

Aynur :
Et toi tu es un idiot. C’est normal, tu es un soldat. On ne peut pas te demander de réfléchir au futur. Pour se battre et baiser, ça, on peut compter dessus. Pour le reste…

Haig (faussement vexé) :
Très bien… On va baiser ?

Aynur remplit de nouveau les verres.

Aynur :
On finit de manger d’abord. À ta bite somptueuse, soldat.

Ils trinquent en riant, boivent, puis Aynur reprend son sérieux. Tandis qu’elle parle, la caméra s’éloigne. Le son des voix baisse en decrescendo.

Aynur :
Un jour ou l’autre, l’Albanie va se stabiliser. Ce coin, Shkodër, c’est… (De nouveau, elle compte sur ses doigts) : le lac, les montagnes alpines, le Monténégro en face, l’Europe tout près, l’Italie à une heure d’avion. Il y a tout ce qu’il faut pour devenir une destination touristique…

Haig :
Gloire à Aynur, la femme d’affaires !

Aynur :
Paix, soldat. Les professionnels ne s’y trompent pas. Tu as vu les autocollants sur a porte ? Ils se sont presque battus pour investir sur moi…

 

FONDU

 

INT Nuit, chambre.

Chandelle. Lit. Corps nus. Haig est toujours étendu sur le dos. Aynur, à quatre pattes au-dessus de lui, parcourt son torse de sa langue, descendant progressivement pour atteindre ce que les romanciers grand siècle nommaient « l’objet des ses convoitises ». Lequel n’attend que ça, convenablement dardé.

 

FONDU

 

EXT Jour, chemin de montagnes

Haig et Aynur gravissent un sentier à chèvres escarpé sous le couvert de sapins. Ils arrivent à un belvédère formé par un gros bloc de rocher gris et s’y assoient.

Au-dessous d’eux, dans une cuvette, le long d’un ruisseau sinueux, s’étalent les ruines d’un village : ici un tronçon de murs, troupeau de pierres retournant à l’état sauvage ; là une poutre pourrissant dans l’herbe jaune ; là encore des rouleaux de barbelés rouillés.

Haig :
Un village ?

Aynur :
Rasé pendant la dictature.

Au loin, face à eux, s’élèvent des pics montagneux aux silhouettes troubles, nimbés dans de la vapeur bleutée.

Aynur (tendant le doigt dans leur direction) :
Elle est par là-bas, ta guerre, soldat ?

Haig :
Oui.

 

CUT

 

INT Nuit, salon

Une vaste salle voûtée, basse. Peu de meubles, seulement des gros coussins épars sur le sol grossièrement pavé et une table basse. Là encore, il y a des traces de travaux en cours : deux escabeaux contre un des murs, reliés par une planche, des pots de peinture empilés dans un coin… Il y a aussi du matériel hi-fi emballé dans des cartons.

Haig et Aynur sont assis autour de la table basse. Ils boivent du raki. Aynur attire devant elle un santûr, une sorte de harpe couchée dont elle pince les cordes au moyen de deux tiges à bouts crochus. Des notes désordonnées s’envolent.

Aynur (pensive) :
Ma mère, Sema, était une combattante. Officier du PKK, le Parti communiste du Kurdistan. Elle est morte dans une prison turque à Erzincan. (Nouvelle volée de notes ; une mélodie se dessine). Mon père, lui, c’est un intellectuel. Il a été à Oxford, en Angleterre. Historien, archéologue, linguiste… Un poète, aussi… C’était un homme jeune et fort, mais il est devenu vieux à l’instant où les camarades lui annoncé la mort de Sema. Il est à Erbil, au Kurdistan irakien. Il a monté une bibliothèque, là-bas… Il m’aime et je l’aime. Mais il ne peut pas me regarder autrement qu’avec des yeux tristes. Je lui rappelle trop Sema. Alors, je l’ai laissé à ses livres et à ses étudiants…

Elle se met à jouer vraiment une mélodie traditionnelle kurde, qu’elle commence à entonner d’une voix sourde.

Plan sur le visage de Haig qui écoute. Peu à peu, des flûtes et des percussions viennent accompagner le santûr. La voix d’une chanteuse vient doubler celle d’Aynur.

Note : le chant accompagne toutes les séquences suivantes, avec decrescendo au moment des dialogues.

Haig se lève, s’approche d’Aynur, l’enlace. Ils coulent tous les deux sur le sol.

 

FONDU

 

EXT Jour, lac

Plein soleil. Haig et Aynur voguent à bord d’un petit canot dont on entend la pétarade derrière la musique.

 

EXT Jour, îlot

Le couple pique-nique de brochettes d’agneau et de vin au pied des ruines, à l’ombre des arbres, devant l’étendue bleu sombre et étincelante de soleil du lac.

 

INT Nuit, chambre

Ils font l’amour, tendrement enlacés dans la lueur de la chandelle.

 

EXT Jour, rue

Haig et Aynur marchent main dans la main le long d’une rue de Shkodër, mal bitumée et boueuse.

Alors qu’ils passent devant la cour d’une triste maison de ciment, une femme âgée en train de laver du linge accroupie devant des seaux de zinc, leur jette un regard réprobateur. Aynur serre plus fort la main de Haig et se rapproche de lui.

 

EXT Jour, rue

Un groupe d’hommes moustachus à l’allure farouche adresse également des regards peu sympathiques au couple.

 

EXT Jour, rue

Le couple croise le petit garçon en uniforme de pionnier qui avait servi d’interprète à Haig lors de son arrivée à Shkodër. Le gamin adresse un salut de la tête à Aynur, sans sourire. Aynur lui répond d’un signe de la main.

Plan sur le couple bras dessus, bras dessous, tandis que l’enfant s’éloigne, de dos.

Aynur :
Il s’appelle Ali. C’est un garçon extraordinaire. Ses parents sont morts dans les bagnes d’Enver Hodja. Son grand-père économise sou par sou pour l’envoyer étudier à Munich. Il est conscient des aptitudes de son petit-fils… Au début, j’ai projeté de l’engager, dans l’idée qu’il devienne mon second dans quelques années. Mais il vaut mieux pour lui qu’il aille découvrir le monde…

 

EXT Jour, bord de lac

Aynur entraîne Haig à bord d’une vedette militaire échouée le flanc dans les roseaux sur un coin de berge.

Ils marchent difficilement sur le pont gîtant à l’extrême et entrent à l’intérieur par la passerelle.

 

INT Jour, épave

Ils longent une coursive. Derrière la musique, on entend leurs pas qui résonnent sur le métal.

Aynur dégage sa main de celle de Haig et se met à courir en riant. Un instant interloqué, Haig se lance à sa poursuite.

Divers plans de cache-cache à travers ce dédale de ferraille dont la tôle rouillée fait rebondir les échos de leurs cavalcades et de leurs rires.

 

INT Jour, épave, cabine

Débouchant d’une étroite coursive, Haig pénètre dans une cabine à la cloison percée d’un trou circulaire de hublot. Sur le côté, les montants délabrés de couchettes superposées. Aynur est adossée à la cloison, essoufflée, poitrine soulevée, enfin attrapée. Volontairement attrapée.

Haig s’approche et lui ouvre brutalement le corsage.

 

INT Jour, épave

La caméra s’éloigne dans la coursive. Les parois renvoient les halètements de plaisir.

 

EXT Jour, porte de l’auberge

La porte flanquée d’autocollants de tour-opérators s’ouvre sur Haig, habillé de pied en cap, en treillis, portant son sac à bout de bras.

Il se dirige vers le side-car Ural, range son sac dans le side, puis lève les yeux.

Contrechamp : Aynur est debout à la porte, dans une longue robe blanche au tissu très léger. Elle sourit légèrement mais on la devine émue.

Haig retourne à elle. Dépose un baiser sur ses lèvres.

Haig :
Je vais essayer de revenir.

Aynur hausse les épaules, lui caresse la joue d’une phalange d’index.

Aynur :
Dans ce cas, prends garde à toi.

Haig :
Non.

Aynur :
Va. Et que Dieu chemine avec ta folie.

Haig se détourne. Visiblement plus ému qu’elle, il s’éloigne de quelques pas.

Aynur :
Soldat !

Haig se retourne.

Contrechamp : Aynur à la porte, cambrée, bras croisés sous les seins, regard dur.

Aynur :
Ne reviens que si tu es vainqueur !

Elle se détourne, entre, disparaît dans l’ombre de l’intérieur. La porte se ferme.

Musique, tandis que Haig enfourche sa bécane et actionne le kick.

 

(À suivre)

 

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