D’après mon roman Les Guerriers Perdus, éditions Taurnada, 235 pages, 9,99 €.
Résumé de la première partie :
Haig était le benjamin d’une bande d’aventuriers qui exploitait une mine d’or aux Philippines. La maîtresse de l’un d’eux, Vanda, les a dépouillé de leur or et fait exploser la mine. Ils ont juré de se venger. Des années plus tard, les aventuriers se réunissent pour tenir leur serment, l’un d’eux, Baltimore, ayant localisé Vanda à Miami Beach, en Floride. Mais c’est un piège monté par Vanda avec la complicité de Baltimore. Toute la bande est décimée, à l’exception de Félix, qui abandonne la lutte, et de Haig, qui, renonçant lui aussi à la vengeance, rentre chez lui.
EXT Jour, panoramique, fjord
Sous un ciel bas de nuages aux ventres de fusain, un rafiot de pêche qui semble minuscule au milieu d’une immense étendue d’eau grise et houleuse. Au loin, de chaque côté, les rives sont de hautes crêtes escarpées aux sommets capuchonnés de neige et frôlés par des brumes.
EXT Jour, bateau
Pont du bateau, un petit chalutier en mauvais état, aux structures tavelées de rouille. À l’évidence, l’équipage qui occupe un tel navire ne se soucie pas de confort. Sur la plateforme arrière, un générateur maintenu par des chaînes ronfle. Un couple de bouteilles de plongée qu’il est en train de remplir d’air y sont reliées par des tuyaux.
Un homme en doudoune, coiffé d’un épais bonnet de laine, est accoudé au bastingage à côté d’une échelle d’aluminium fixée au flanc du bateau. Subjectif : il surveille une grappe de trois bouées orange qui ondule sur l’onde à une vingtaine de mètres.
La caméra s’approche. On reconnaît Haig, plus vieux, désormais porteur d’une paire de moustaches qui rappelle celles de Carlo et Félix, pour l’heure bordée de grains de glace.
Subjectif : un plongeur émerge à côté des bouées. Il lève un bras dans un geste enthousiaste. Haig arbore un air réjoui. Il dénoue une amarre fixée à l’échelle et entreprend de hâler le plongeur.
EXT Jour, bateau
Le plongeur vient de grimper à bord, la combinaison dégoulinant de flotte, une énorme lampe étanche dans une main. Il est plus grand que Haig. Son premier geste est de tendre à celui-ci un objet.
Gros plan sur l’objet dans la main de Haig : un bracelet d’or à tête de dragon de facture viking.
Le plongeur arrache son casque et sa capuche, dévoilant les traits d’un géant nordique, blond aux yeux bleus, à ce moment exultant de joie. Les deux hommes rient de concert et se cognent les poings en signe de victoire commune.
EXT Jour, pont du bateau
Il neige, rideau de flocons dansant sur fond gris crépuscule. Haig en combinaison, harnaché d’un couple de bouteilles et d’une imposante ceinture de blocs de plomb, ajuste sa capuche et met son masque.
EXT jour très sombre, fond
Haig nage dans une eau obscure. Le faisceau de sa lampe n’éclaire qu’à deux mètres à peine, dessinant un cercle de flotte dans laquelle dansent des millions de particules. On entrevoit des portions de fond de rochers couverts de mousses grises.
Dans le cercle de la lampe apparaissent les structures vermoulues d’un navire. On reconnaît peu à peu les restes d’un drakkar viking. Haig survole le pont, découvrant un squelette unique et très érodé allongé au centre. Haig éclaire le crâne. La lampe fait jouer les ombres dans les orbites pleines de mousse.
La lampe repère un vague cercle dans l’espèce de boue qui recouvre le pont. La main de Haig fouille cette matière, en extrait un objet rond. Les mains frottent la boue qui le recouvre, mettant à jour une couronne d’or sertie de pierres précieuses.
CUT
EXT Jour, ville
Haig et le grand Nordique en costumes de ville sortent d’un immeuble moderne de luxe. Le Nordique tient une mallette à la main.
INT Jour, chambre
Une suite de luxe d’hôtel international. La mallette est ouverte sur une table, montrant des liasses de billets. Haig achève de fourrer sa part dans un sac de cuir, ferme celui-ci.
Les deux hommes se serrent la main avec amitié.
Haig sort de la chambre.
CUT
EXT Jour, jungle
Forêt dense. Sons : cris d’oiseaux et, en crescendo, le bruit d’un pas à travers les feuillages.
Haig apparaît. Il est en treillis de combat, un gros havresac au dos. Il est maintenant pourvu d’une courte barbe. Son visage est fatigué par l’effort et il ruisselle de transpiration. Il disparaît derrière des buissons.
EXT Nuit, jungle
Haig bivouaque, éclairé par un néon à piles qui diffuse une lumière vive très blanche. On distingue les reflets dansants d’un ruisseau. Assis sur un rocher, Haig mange du thon à l’huile, puisant de temps en temps une cuillerée de fayots dans une boîte posée à ses pieds. Sans cesse, il balaye l’air devant son visage pour chasser des insectes. Derrière lui, un hamac moustiquaire est tendu entre deux arbres.
EXT Jour, jungle
Haig marche à travers la végétation. Il s’immobilise, se baisse, arrache des poignées de feuilles pourries. Gros plan sur ses mains qui dégagent une dalle de pierre lisse sous la végétation.
Haig observe les alentours, le regard attentif.
EXT Jour, jungle
Entre les arbres s’élève une forme verticale. La caméra s’en approche. On reconnaît un pilier de pierres, sans doute d’un porche écroulé, et, dessus, le haut-relief d’une danseuse d’une apsara, danseuse khmère sacrée, que strient des guirlandes de lianes.
Le bruit des pas de Haig dans les feuillages qui s’approche. Haig se plante devant le pilier. Il arrache une poignée de lianes.
Gros plan sur le visage de l’apsara, sa coiffe compliquée à la sculpture délicate, son sourire énigmatique…
Haig observe les alentours. Subjectif : les ruines d’un petit temple en amas de pierres épars, avec des pans de murs encore debout, le tout entre les griffes des racines des arbres.
Haig sourit malgré son épuisement. Il se torche le front puis caresse de l’index la joue de l’apsara.
Haig :
Salut, chérie. Tu ne t’emmerdes pas trop, ici ? Ça te dirait, un voyage ?
EXT Jour, campement
Caméra à l’épaule. Sons : cris d’oiseaux, crissement d’une lame de scie sur de la pierre.
Au milieu des pierres du temple effondré, un campement rudimentaire mais qu’on comprend installé depuis plusieurs jours. Le hamac moustiquaire est tendu entre un piler de pierres et un arbre. Un petit carbet a été bâti à l’aide de branches et d’une bâche plastique. Un feu permanent dans un cercle de pierres. Un bidon de toile plein d’eau pendu à l’ombre. Des boîtes de thon et de haricots vides en vrac dans un coin.
Sous l’abri, sur une couverture pliée, quatre têtes d’apsaras reposent, le cou scié. Un quadruple sourire aussi mystérieux que décapité.
EXT Jour, chantier
Assis devant un pan de mur, Haig scie au moyen d’une lame à métaux une ligne au-dessus d’une fresque de bas-reliefs représentant des guerriers khmers aux profils grimaçants.
Il ôte la lame de la pierre. Ses mains sont entaillées par le bord de la lame. Plusieurs coupures saignent. Haig se saisit d’un bidon d’huile posé à côté de lui, en arrose la lame et se remet à scier en grimaçant de douleur.
EXT Jour, scènes de jungle
Haig s’approche d’un ruisseau, à poil, le bidon de toile à la main. Il commence par s’asseoir dans l’eau peu profonde et s’asperger avec délices. Puis il remplit le bidon.
Haig mange au crépuscule, assis sur une pierre, devant le feu crépitant. On entend des cris d’animaux. Haig bouffe avec une répugnance visible du thon et des haricots. Un bruissement lui fait lever la tête. Subjectif : une bande de grandes chauve-souris survole lentement le campement.
Haig accroupi dans la végétation. Sons : des flatulences et des grognements mécontents.
Haig :
Putain de fayots…
EXT Jour, campement
Haig emballe un carré de bas-relief d’une trentaine de centimètres de côté dans de la mousse qu’il scelle avec du scotch d’emballage. À ses pieds, sur la couverture, quatre paquets de mousse qu’on devine être les têtes d’apsaras. Haig fourre le bas-relief emballé au fond de son havresac.
EXT Jour, campement
Haig s’enfonce dans la végétation, son sac au dos.
Plan sur le campement : l’abri de bâches est resté en place. Le petit monticule de boîtes de conserves vides entame sa longue carrière de métal rouillé sous un rayon de lumière. Au flanc du pilier entre deux arbres, la silhouette de l’apsara est surmontée en guise de tête d’une vilaine blessure d’un blanc crayeux.
CUT
EXT Jour, Paris
Courte suite de plans représentatifs de la capitale française. La tour Eiffel. La Seine que sillonne un bateau-mouche. La cathédrale Notre-Dame de… Ah, non… Euh, bon, l’Arc de Triomphe, alors. Ça nous arrange parce que…
EXT Jour, Champs-Élysées
Haig marche sur un des larges trottoirs de « la plus belle avenue du monde », un sac de cuir en bandoulière. Il s’arrête devant un immeuble de rapport. En pousse la porte que bordent des plaques de sociétés. Entre.
INT Jour, bureau
Un bureau sombre et désuet encombré d’environ un milliard de dossiers. Le maître des lieux, un vieil homme ventripotent aux demi lunettes examine une tête d’apsara. En face, Haig achève de compter les billets d’une liasse.
Haig (rangeant la liasse dans son enveloppe) :
C’est bon.
L’homme (distraitement, absorbé par la tête d’apsara) :
Hmm… J’ai une autre affaire, si ça vous intéresse.
Haig :
Dites toujours.
Le vieil homme, observant toujours la tête, attrape une chemise parmi les dizaines d’autres qui encombrent son bureau et la tend à Haig. Haig l’ouvre, tourne des pages, examine une photo.
Haig :
Une peinture ?
L’homme (relevant la tête) :
Une toile du Caravage. Une version des Pèlerins d’Emmaüs… (Il pose la tête d’apsara, dévisage Haig). Elle appartenait à une famille Orisini, des dignitaires italiens installés en Albanie. Après la guerre et la révolution, les Orisini ont dû fuir en abandonnant tous leurs biens. Le Caravage a été saisi et il est exposé depuis 1947 au musée des beaux-arts de Tirana.
Haig :
Je ne suis pas un cambrioleur.
L’homme :
Le régime communiste albanais est tombé il y a huit mois. C’est le capharnaüm total, là-bas. Plus de police, plus de fonctionnaires, des pillages et des trafics en tous genres. Il suffit quasiment d’entrer dans le musée et de sortir avec la toile sous le bras. Après, il faut passer les frontières, je pense que c’est dans vos cordes…
Haig :
Peut être…
L’homme :
Une douzaine de collectionneurs, au bas mot, seraient prêts à s’égorger pour posséder une version méconnue des Pèlerins d’Emmaüs. La récompense serait à la mesure de cet intérêt. Cash, bien sûr, comme d’habitude…
Haig examine le dossier, le referme et le repose sur le bureau.
Haig :
Ouais… Je peux toujours aller tâter le terrain…
(À suivre)
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