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Grève générale !

Publié par le 17 septembre 2014

Au comptoir de l’hôtel du Gros-Colon sont assis messieurs Grandjaune (commerçant) et Labière (salarié expatrié); le serveur indigène en veste blanche se tient en faction devant eux ; en arrière-plan, un ventilateur de plafond tourne paresseusement.

Grandjaune :
(se curant les dents)
Aux individus de métropole qui prétendent apporter leur soutien aux grévistes impénitents qui hantent les officines des services de l’état souverain, je dis et j’ordonne : gare à vous !

Labière :
C’est comme moi. Au bureau, ils ont élu une nouvelle déléguée syndicale, une fille de la logistique…

Grandjaune :
(contemplant un bout de viande au bout de son cure-dents)
C’est la totalité d’un peuple en décadence unanime qui s’empresse de se prosterner devant les diktats éhontés d’une poignée de trublions à la paresse proverbiale pourtant rémunérés, défrayés, abreuvés de tickets-repas et d’heures supplémentaires, dont l’ingratitude consiste à mordre sans scrupule la main qui les nourrit !

Labière :
(allumant un cigare)
Elle nous a gratifiés d’un discours d’investiture. Si j’osais, je dirais qu’elle a peut-être une grande gueule mais surtout une très grande bouche. Avec des lèvres, je ne vous dis que ça…

Grandjaune :
A défaut d’une réaction sévère mais juste d’autorités aussi compétentes qu’intraitables, c’est une société jadis prestigieuse qui s’effondrera immanquablement sous les coups de boutoirs d’une tribu de reliquats prétendument idéologiques d’un bolchevisme depuis longtemps révolu !

Les mâchoires serrées et le regard noir, il brise le cure-dents.

Labière :
(soufflant un nuage de fumée)
En ce moment, elle fait circuler une pétition en faveur d’une augmentation de salaire pour les gars de la comptabilité. Alors là, moi, pas question. Rien ne m’emmerde autant que les chiffres !

Grandjaune :
(empoignant son verre avec une sombre détermination)
Faisons donner la troupe ! Confions les trains immobilisés aux pilotes de chars, plaçons des sergents instructeurs sur les chaires désertées par les instituteurs et des sapeurs à l’arrière des bennes à ordures abandonnées !

(Il vide son verre et frappe du poing sur le comptoir)

Vive les militaires ! Le soldat, c’est la continuité du service public !

Labière :
(souriant, faisant signe au serveur)
Je me demande si je ne vais pas fonder un syndicat concurrent. Ils apprécient qu’on s’implique dans la vie de l’entreprise, au bureau…

(Après une révérence, le serveur remplit leurs verres)

 

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