Il y avait les frères Grimm et Charles Perrault (Les Contes De Ma Mère L’Oye). Pour les plus érudits, Straparole (Les Nuits Facétieuses) et Giambatista Basile (Le Conte Des Contes). Puis, il y a eu Hollywood, le long règne guimauve de Walt Disney. Maintenant, les stars sur le retour et les chasseurs z’héroïques errant dans des forêts numériques. Et désormais il y a l’ami Olivier, dans cette « contes-versation » de vacances ! Comment avance l’Histoire, tout de même…
Dans la chambre royale du château d’Erky, sur le mont Roc. La reine Delphine, sceptre en main, debout face à Miro, fait la gueule. Car ce qu’elle voit ne lui fait pas vraiment plaisir.
Dame Delphine (faisant la moue) :
Non mais regarde-moi ça ! Ça sent le laisser-aller…
Miro :
Ouais, entièrement d’accord. Il va falloir en mettre un coup si tu veux mon avis.
Dame Delphine (coupante) :
Attends, je parle de toi, tout va bien de mon côté.
Miro (placide) :
Moi c’est toi, ne l’oublie pas.
Dame Delphine :
Je dépense une fortune en produits de beauté et toi tu me montres ça. Tu pourrais faire mieux !
Miro :
Et donc te mentir. Tu rigoles j’espère ? Sans déconner, si tu ne fais pas un effort, et un sérieux, je ne pourrais plus rien pour toi.
Dame Delphine :
Merde, cela veut dire que ce putain de spécialiste de la beauté féminine m’a entubé ? Physiquement et … ah merde, financièrement aussi en fait. (Elle serre son petit poing vengeur, brandit son sceptre de façon menaçante). Ah, le p’tit enculé, le p’tit enculeur… Il doit repasser la semaine prochaine, je vais m’le faire !
Miro :
C’est déjà fait.
Dame Delphine (admettant à contrecœur) :
Oui… Euh… Bon… Disons que… Enfin bref : je vais lui faire cracher le pognon qu’il m’a piqué.
Miro :
Ça, pour ce qui est de faire cracher, t’es une championne. Mais pour le reste tu me surprendras si tu arrives à lui résister. La dernière fois tu n’as pas réussi à le regarder au-dessus de la braguette…
Dame Delphine (pointant sur lui – elle – un index majestueux et néanmoins vengeur) :
Je vais lui faire avaler ses crèmes à la con, ses pilules de soi-disant jeunesse en gelée et sa poudre qui pue. Quand je te vois comme ça, tu peux me croire : il va souffrir, le camelot !
Miro (le regard amusé) :
Oh ! mais tu es vachement remontée aujourd’hui ! Presque autant que ta robe à son dernier passage. Et pour ce qui est d’avaler, je suis sûr qu’il en a pris bonne note…
Dame Delphine :
Ricane, mais tu verras, les choses se passeront comme je te le dis…(Elle s’interrompt puis reprend d’un air songeur) : Tiens, tu me donnes une idée. Je vais le dorloter, plutôt. L‘amadouer. Le cajoler. Et au bon moment, hop, je le balance dans les oubliettes du château ! (Elle ricane d’un rire de reine ricanante) Quinze jours de régime sec et il me mangera dans la main, espère !
Miro (s’examinant les ongles, une moue dubitative aux lèvres) :
Et toi, quinze jours de tentation. Quinze jours à penser au beau mâle et son accessoire qui se morfondent dans tes geôles. Tu ne tiendras jamais ma pauvre !
Dame Delphine (haussant le ton) :
Et comment, que je vais tenir !… Tu ne me connais pas. Je suis là depuis plus longtemps que toi. Quand je décide une chose, je m’y tiens.
Miro (soupirant, levant les yeux au ciel) :
Et te voilà reparti dans tes délires. Ce n’est pas parce que tu m’as remplacé (e) que je ne suis pas la (e) même. Je suis toi et depuis le début. Cela ne changera jamais. Je te connais par cœur : tu ne tiendras pas deux heures avant d’aller le rejoindre dans ton cul … de basse fosse. Nympho tu es, nympho tu restes.
Dame Delphine (hautainement delphinissime) :
Attention, ce n’est pas parce qu’on aime se faire plaisir que l’on est une nympho. Un p’tit coup de temps en temps fait du bien par où il passe. En plus, il est beau mec, ce qui ne gâche rien.
Miro (insistant) :
Beau mec et beau parleur, vu ce qu’il t’a extorqué depuis sa première visite. Visite qui tombait à point : tes jouets lubriques sont pratiquement tous en panne. Ou trop usés. Je t’ai vue : tu commençais à regarder bizarrement certains légumes dans la cuisine…
Dame Delphine (outragée) :
Vas-y, prend moi pour une droguée du sexe, une perverse mémère de la foufoune ! Mais pour qui elle se prend, la pétasse sans relief ?
Furieuse, elle se met à regarder autour d’elle.
Miro (soupirant) :
Et voilà, c’est reparti. Faudra que je lui dise un jour que cela porte malheur de briser un mir…
La reine l’explose de son royal sceptre vengeur.
Dame Delphine (hurlant) :
CONNASSE !!!
La porte de sa chambre s’ouvre et laisse entrer un serviteur muni d’un aspirateur. Trois minutes plus tard il sort pour revenir avec une psyché identique à la précédente. Il l’installe, lui donne un petit coup de chiffon et ressort.
Sa royauté boit un verre de Porto. Puis elle s’approche du miroir et s’inspecte.
Dame Delphine (faisant la moue):
Non mais regarde-moi ça ! Ça sent le laisser-aller…
(À suivre)