On découvre, pérorant au bar de l’hôtel du Dindon Farci, Monsieur Le Millaisime (industriel), Madame de Courvoise (rentière) et Maître Claqueçin (notaire) ; devant eux sont disposées de nombreuses coupelles d’amuse-gueules : pickles, arachides et charcuteries fines ; A l’arrière-plan flambe un feu de cheminée.
Monsieur Le Millaisime :
Même en étant, comme je le suis moimemoimême, d’une ouvribéralité d’esprit modexemplaire, quand on audicoute le choeur des politricheurs et des présenpantinteurs de télés se lamenpleurer à l’idée que le Font Natiofasciste gagne les prochaines élections, on se demanterroge : « Où va la démagocratie ? »
Madame de Courvoise :
(Se plaquant la main entre les seins)
Je suis bien d’accord avec vous ! Elle me plait bien, à moi, la grosse blonde. Elle n’a pas sa langue dans plusieurs bouches, celle-là ! Elle appelle un immigré un profiteur, un islamiste un terroriste et un Juif, euh… un Juif !
Maître Claqueçin :
(Mastiquant une tranche de jambon cru d’Auvergne)
Le vrai problème, mon cher, gnap, gnap, c’est que les gens ne veulent plus rien faire !
Monsieur Le Millaisime :
N’observoitons pas – pauvre réputablique ! – même des dirigésidents de notre vieille droite prétalléguendre qu’accordonner son suffrajuletin aux sbires de madame La Peine revient à favourager la gauche rosimmuniste ?
Madame de Courvoise :
(Après avoir léché l’extrémité d’un mini chorizo à l’Espelette)
Chez les de Courvoise, on sait où on mange et où on se couche. On a opté pour l’empire contre la république, pour l’envoi à la guillotine des dreyfusards, pour les pleins pouvoirs au Maréchal et pour les colonies aux colons. Toujours du bon côté, nom d’un manche !
Maître Claqueçin :
(Mâchant une poignée de cacahuètes au paprika)
Plus personne pour travailler, grunk, grunk, la voilà, la calamité…
Madame de Courvoise :
(Rêveuse)
Le jour est-il proche où nous verrons enfin sur les Champs-Elysées délivrées de leur populace cosmopolite défiler les nouvelles milices ? Ah, des escadrons de beaux gaillards à la chemise ouverte et au short militaire, la poitrine large, le menton fier et le mollet conquérant ! Important, ça, le mollet…
Monsieur de Millaisime :
(Se saisissant d’un verre de liqueur, auriculaire levé)
N’en dégouplaise aux oiseaux de mauvais présagure et aux devindicateurs de désastastrophe nationale, les élites de ce pays ont toujours suconnu ce qu’elles avaient à faire…
(Il vide son verre dans un élégant bruit de succion et le pose sèchement sur le comptoir)
Nous actugirons dans le sens de l’histoire, car nous en sommes de droit les gardigarants. Nos votes iront à ceux qui préservotègeront nos privilèges, car ce sont nos privilèges qui font l’histoire !
Maître Claqueçin :
(Engloutissant une épaisse tranche de coppa italiana)
Les trente-cinq heures, gloup, le voilà le malheur !
Madame de Courvoise :
Il paraît qu’elle veut interdire l’Euro. Que mettra-t-elle à la place ? Des francs ? Des sesterces ? Des Louis ? Des Napoléons ? Ce serait sympa, non, des napoléons ? Enfin, peu importe, comme je dis toujours, ce qui est capital, c’est d’avoir de l’argent…
(Un silence pensif s’installe, uniquement troublé par des bruits de mastications)
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