Le revoili, le revoiça. Il était sorti de l’écran, il nous revient par le clavier, depuis sa péninsule bretonne. Mais oui, l’ami Olivier lui-même, pour toute la période des fesses-ti-vités, avec dans sa besace un lot de ces cons-versations dont seul lui, désormais, con-serve le secret. « Enjoy ! » comme on dit en bas-celtique.
Mercredi 11 décembre 2024, Institut Médico-Légal de la rue des Martyrs. Le docteur Mika d’Âvres fait quelques heures supplémentaires à la morgue. Il a revêtu une blouse blanche, enfilé des gants de chirurgien et s’est masqué d’un FFP2 « bec de canard ». Ainsi équipé, il se penche sur un cadavre.
Docteur d’Âvres :
Salut, la viande froide, comment ça va ?
La viande froide (après avoir hésité un instant) :
Ben, euh… Toujours mort, quoi… Enfin depuis que… Non, je ne veux pas vous enlever votre travail ni vous influencer.
Docteur d’Âvres :
De toute façons, je ne vous aurais pas cru. J’ai jeté un coup d’œil à vos papiers et il s’avère qu’ils sont archi-faux. Aussi…
Viande froide :
Vous en avez déduit que je risque de vous mentir. Il faudra faire le tri, mais il y a une chose de vraie : je suis assez sensible du bas-ventre. Si vous pouviez mettre un drap sur mon sexe, je sens comme un courant d’air.
Docteur d’Âvres :
Tiens donc, mon Morty !… Tiens, oui, je vais vous appeler Morty. Sympa Morty !
Morty :
N’empêche que…
Docteur d’Âvres :
Ta, ta, ta… Vu votre rigidité cadavérique, vous êtes décédé depuis environ six heures. Il est 10h34, vous êtes donc mort ce matin vers 4h30. Or, un cadavre ne ressent rien, c’est la première chose qu’apprend un légiste.
Morty :
Ok, d’accord, c’est juste que je n’aime pas être à poil devant un mec. Ça me rappelle un peu trop le mitard.
Docteur d’Âvres :
Eh bien on avance : monsieur a fait de la prison. J’avais remarqué les tatouages typiques. Pour votre pseudo courant d’air, vu la taille du machin, une petite compresse suffira.
Morty (son visage rigide réussissant à prendre un air vexé) :
Eh, on m’a repêché dans la flotte et on est en décembre ! J’m’excuse mais, moi vivant, Popol n’était pas chétif.
Docteur d’Âvres :
Meueueu oui. Ils disent tous ça ! Et je finis toujours par y mettre une ch’tite compresse. (Il s’exécute). Bon, je vais commencer votre autopsie. D’abord, une vue d’ensemble. Ancien sportif mais pieds plats. Donc : réformé.
Morty :
Loupé ! Sportif mais piston, planqué dans un bureau.
Docteur d’Âvres :
Admettons. Je continue : tatouages de taulard, moches, encre de Chine… Hmm, très moches en fait. Du bas de gamme. L’un d’eux clame : »À RITA ». Une pouffe ?
Morty :
Ma mère. Un peu de respect, s’il te plaît.
Docteur d’Âvres :
Okay. Une pouffe donc. Passons… Corps propre, à peu près… Quelques cicatrices aux genoux et sur les mains. Chutes de vélos, sûrement.
Morty :
Baston, connard. Fight-club, combat à mains nues. Pas un truc pour lopette comme toi.
Docteur d’Âvres :
On se tutoie ? Okay. Cool. Fais voir tes dents ? J’en étais sûr : un dentier. À trente-cinq piges. Précoce, le mec.
Morty :
Vingt-sept, pingouin ! Comme Morrison et les autres. Et beau gosse, avec ça. Les dents, c’est un manque de calcium. Toutes perdues à vingt-deux balais.
Docteur d’Âvres (s’emparant d’un bistouri) :
Si tu le dis… Bon, maintenant je t’ouvre le bide. Tu n’y vois d’objection, j’espère.
Morty (résigné, sans bouger un cil, pour cause) :
De toute façon je ne sens rien, alors…
Docteur d’Âvres :
On y va… Foie… Rate… Estomac… Poumons… Et le cœur. C’est tout bon. REX ! Viens ici mon beau, le dîner est servi.
Un grand chien s’approche, langue pendante. Mika d’Âvres lui jette les abats dans une grande gamelle.
Morty (s’agitant sans même un frémissement, faut le faire) :
T’as pas le droit ! C’est à moi ça !
Docteur d’Âvres :
Quand c’est bon pour moi, c’est bon pour mes chiens. Tu te sens plus léger, hein ?
Morty :
Mes chiens ? T’en as plusieurs, de ces carnes ?
Le médecin l’ignore et sort de sous la table un énorme couperet.
Docteur d’Âvres :
Tiens ? Je n’avais pas remarqué que tu étais cul-de-jatte !
TCHAC ! TCHAC ! Il coupe les deux jambes du malfrat.
Morty :
Mais ça va pas, t’es complètement barré ! Ce sont mes guiboles !
Docteur d’Âvres :
Plus maintenant mon pote. (Il appelle) : TITUS ! CHOUPETTE ! À votre tour, mes chéris !
Deux molosses accourent et chopent dans leurs mâchoires les membres lancés dans leurs direction. Le légiste reprend son instrument de découpe.
Docteur d’Âvres (faussement surpris) :
Ben où avais-je la tête ? Tu viens d’un cirque ? Un homme tronc, je n’en reviens pas d’être passé à côté de ça…
Morty (qui commence à vraiment s’inquiéter) :
Mais il est taré ce mec ! Arrête ça tout de suite, je ne veux pas finir dans le bide de tes clebs !
Docteur d’Âvres :
C’est que ça bouffe, un dobermann. Et vu que ma paye n’est pas mirobolante… (TCHAC ! TCHAC !) Allez, Zeus, Apollon, venez voir papa !
Les chiens arrivent au galop, dérapent sur le carrelage mais réussissent à attraper chacun un bras.
Docteur d’Âvres :
Maintenant, la tête. (TCHAC ! Il la soulève par les cheveux) Au micro-ondes. Attention, pas n’importe lequel. Je l’ai modifié afin qu’il réduise les têtes à la mode Jivaros. Ta tête sera le cadeau d’anniversaire idéal pour mon cousin d’Amérique du sud. Elle part, tu pars en fait, demain matin pour le soleil, veinard !
La tête de Morty :
Mais t’as pas le droit ! Je ne suis pas d’accord ! En plus tu vas te retrouver avec un corps décapité sur les bras, comment tu vas expliquer ça ?
Docteur d’Âvres :
Tu oublies qu’on est dimanche, et il n’y a personne dans le bâtiment. Le gars qui t’a amené, c’est mon cousin. Il me donne un coup de main de temps en temps…
Son travail terminé, le médecin se défait de sa blouse et enlève son masque.
La tête de Morty (n’écarquillant pas les yeux mais s’écriant quand même) :
Mais… Mais… Mais j’te r’connais ! T’es le type qui m’a balancé à la flotte ! Mais oui, j’ai juste eu le temps de voir ton visage avant de couler. Fumier ! Assassin ! Taré…
Docteur d’Âvres :
Taré, moi ? Tout de suite les gros mots. Tu vois, j’ai des invités ce soir. Il y aura même mon cousin, celui que tu as rencontré. Le frigo était vide, les magasins fermés, alors j’ai fait mon marché. Pas de bol, c’est tombé sur toi.
La tête de Morty :
Mais pourquoi tout ce cinéma, cette parodie d’autopsie ? Bordel, c’est toi mon tueur !…
Docteur d’Âvres :
Bof… Déformation professionnelle. Et c’est plus sympathique, on discute et ça permet de se connaître un petit peu. Ah oui, à propos, tu manges bio ?
(À suivre)