Cette semaine, chers potesses et poteaux, un peu plus que nos cons-versations habituelles : un petit bijou de littérature ciselée, orfévrée, brodée au petit point, mijotée au jus. C’est, comme chaque mercredi de cet août ensoleillé, du signé Olivier. Du nanan, si vous voulez mon avis…
Extrait du célèbre livre goncourationné d’Élodie Sentry : « Émancipation D’Une Joyeuse Fille ».
Un salon petit-bourgeois, l’après-midi. Deux femmes désœuvrées revêtues de tenues très sexy règlent son sort à une bouteille de Chardonnay et à environ un kilo de cacahuètes. Dans l’arrière-plan, on distingue des tableaux représentant des dames dénudées et d’autres parées de cuir.
L’Une (mastiquant de l’arachide) :
Mon mec me trompe.
L’Autre (déglutissant du blanc) :
Hein ?
L’Une (avec impatience) :
MON MARI ME TROMPE, LE BRANLEUR !
L’Autre (la main en conque sur une oreille au lobe étiré par un lourd pendentif) :
HEIN ? Il te trempe ? Eh ben t’as de la chance, meuf ! Moi j’suis sèche. Même avec deux doigts, ça m’fait rien.
L’Une (après un claquement de langue agacé) :
Non : il me trompe. Il me fait COCUE !
L’autre :
Hein ? Dans le cul ? Alors toi t’es vernie ! Moi j’y ai demandé, plutôt dix fois qu’une. Mais comme y bande mou, c’branleur, ça veut pas rentrer ! Même avec du beurre.
L’Une :
Tu le fais exprès ? Je te dis qu’il a une gonzesse. Une p’tite jeune complètement nympho. (Elle énumère sur ses doigts chargés de coûteuses bagues) : clito, lesbo, sado, maso. Et c’est avec ça qu’il pine !
L’Autre :
Hein ? Il amène une copine ?… C’est vrai qu’à trois c’est pas mal… (Elle reste un moment rêveuse et reprend) : Mais faut assurer, prendre la pilule bleue sinon y aura de la frustrée. Demande à passer en premier.
L’Une (exaspérée) :
Mais t’es vraiment bouchée, obstruée, on ne peut pas discuter avec toi !
L’Autre (haussant les épaules) :
Et voilà ! Comme mon mec ! Lui c’est tais-toi et suce, sauf le dimanche, là je dois dire Honolulu en même temps.
L’Une (haussant le ton et marquant bien chaque syllabe) :
Je-ne-te-dis-pas-de-te-taire. Mais je pense que tu devrais consulter. Con-sul-ter. Tu deviens sourde comme un pot.
L’Autre :
Si seulement… Bon, sans déconner, c’est pas la première fois et ce sera pas la dernière. C’est ton mec et ton maque, tu n’le changeras pas. Sans compter que toi, tu te prives pas. Tu es sa meilleure gagneuse.
L’Une (remplissant les énormes verres à pieds) :
Ça, c’est pas une raison. Moi, quand je le trompe, c’est le boulot. Donc ça ne compte pas. En plus, je ne ressens rien. Je simule, je manipule, et je les vide en moins de temps qu’il n’en faut pour dire péripatéticienne.
L’Autre :
Quoi ?
L’Une :
Pé-ri-pa-té-ti-cienne !
L’Autre :
Ah !
L’Une :
J’ai un rendement supérieur à toutes les filles. Merde, je me décarcasse et Monsieur fait le beau avec une pétasse ramenée d’on ne sait où.
L’Autre (mastiquant, la bouche pleine de cacahuètes) :
Skontch. Ukraine. Skrontch skrontch. Pas cher, en ce moment, l’Ukraine…
L’Une :
Ukraine ou Tombouctou, je m’en tape le coquillard, ma chère. Il va m’entendre ce soir, ah ouiche ! Et il a intérêt à la balancer la pouffiasse, sinon…
L’Autre :
Sinon quoi ? Skrontch skrontch. Tu te barres ? Tu lui files un marron ? Skrontch. Tu feras quoi, après : caissière à casino ? Croupière au casino?Crêpière au bungalow ? Carrière dans un tripot ? Guerrière au Togo ? Fermière dans le bio ? Mémère au fourneaux ?…
(Elle consulte sa montre, constate l’heure, lève deux sourcils peints et conclut) :
T’es une gagneuse, un point c’est tout.
L’Une :
Pfff….
L’Autre :
En attendant, tu devrais aller t’occuper de monsieur Lémannu, il attend sa gâterie. Et n’oublie pas de faire semblant de tout avaler. Il paye double pour ça.
L’Une :
Ok, ok,.. Gagneuse, gagneuse… Tu vas voir ce soir : va y’avoir une discussion dont il se souviendra, et …
L’Autre (n’écoutant plus, beuglant en direction du plafond) :
Claudie !… CLAUDIE !!!… C’est l’heure du goûter ! Descends, ma chérie, maman va te préparer un bon chocolat chaud.
La petite fille :
J’arrive maman !
(Ayant descendu l’escalier, elle s’approche de sa mère)
Dis, Maman : est-ce que je suis la gagneuse de Papa ?
(À suivre)
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