On découvre, pérorant au bar de l’hôtel du Dindon Farci, Monsieur Le Millaisime (industriel), Madame de Courvoise (rentière) et Maître Claqueçin (notaire) ; devant eux sont disposées de nombreuses coupelles d’amuse-gueules : pickles, arachides et charcuteries fines ; A l’arrière-plan flambe un feu de cheminée.
Monsieur Le Millaisime :
J’ai beau être ouvribéral d’esprit et avoir les testicouilles en platine dur, quand j’ouïs les argentinanciers suisses criaclamer qu’ils renoncent au secret banfricaire, j’ai le moral qui dégringolachute dans les talonnettes !
Madame de Courvoise :
(Se plaquant la main entre les seins)
Je suis bien d’accord avec vous ! Tenez, je vous fais mon confident : j’ai laissé ma vertu dans les bras d’un Helvète. Un garde suisse, au Vatican. Ah, qu’il était moustachu, velu et monté, ce pendard. Rien que d’y repenser, j’en ébaubis, très cher…
Maître Claqueçin :
(Mastiquant une tranche de jambon cru d’Auvergne)
Le vrai problème, mon cher, gnap, gnap, c’est que les gens ne veulent plus rien faire !
Monsieur Le Millaisime :
Tant d’ingratigoïsme a de quoi vous laisser pantois ! Comment ? Depuis des siècles, les créatisseurs de richesses du monde sont venus remplir de leurs éconopargnes les sous-sols de tous les établissements de la Confédération, et voilà comment on est récompenperciés : ces salauds nous claquent la porte du coffre au nez !
Madame de Courvoise :
(Après avoir léché l’extrémité d’un mini chorizo à l’Espelette)
J’étais très jeune, bien sûr. Ma mère m’avait envoyée en pèlerinage à Rome. Pour m’éviter de mal tourner, paraît-il… Seulement moi, les cardinaux, curetons et séminaristes, ça allait cinq minutes. Le corps du Christ, c’est bien beau, mais en matière de corps, une jeune fille a besoin de concret, nom d’un cierge !
Maître Claqueçin :
(Mâchant une poignée de cacahuètes au paprika)
Plus personne pour travailler, grunk, grunk, la voilà, la calamité…
Madame de Courvoise :
(Rêveuse)
Il portait des culottes, un drôle de haut chapeau, une veste en couleurs avec un truc fendu dans le dos… Ah, Gunther, tu me l’auras faite pleuvoir, ta hallebarde ! J’en ai pris plein le bénitier, si vous me passez l’expression…
Monsieur de Millaisime :
(Se saisissant d’un verre de liqueur, auriculaire levé)
On entend désormais des dirigecteurs de banque pérorer, liste en main, menacer de délatiénoncer aux pouvoirs publics les noms de ceux qui eurent le malchanceur de leur confier leurs biens !
(Il vide son verre dans un élégant bruit de succion et le pose sèchement sur le comptoir)
Où cela s’arrêstoppera-t-il ? Bientôt, avoir planquaché notre patripognomoine en terrain neutre nous vaudra une amendredance carabinée ! Et encore heureux si on ne nous enferprisonne pas ! Pauvre pays, celui qui mépréglige tant le bien-être que le bien-avoir de ses riches…
Maître Claqueçin :
(Engloutissant une épaisse tranche de coppa italiana)
Les trente-cinq heures, gloup, le voilà le malheur !
Madame de Courvoise :
Ce serait une idée d’y retourner, au Vatican. Il paraît que c’est devenu cool, depuis qu’il y a un nouveau pape. Brave François ! Pourvu qu’il ne renvoie pas ses gardes suisses…
(Un silence pensif s’installe, uniquement troublé par des bruits de mastications)