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Les Guerriers perdus, le film – Épisode 05

Publié par le 16 mars 2019

 

D’après mon roman Les Guerriers Perdus, éditions Taurnada, 235 pages, 9,99 €.

 

INT Jour, restaurant

Carlo, Félix, Loum et Haig attablés au fond d’un restaurant au décor aussi confortable qu’oriental. Clientèle aisée. Brouhaha de bon aloi. Aux nombreuses soucoupes sur la table, restes d’un copieux mezze, et aux bouteilles vides et pleine de Ksara, on déduit que nos compères sont dans un restaurant libanais. À leurs faces hilares, on comprend que l’ambiance est joyeuse.

Félix :
Tous les soirs, ça recommence ! Bing, bang ! La femme qui gueule : « hijo de puta, maricon !… ».

Haig :
Le chef des flics ?

Félix :
Ouais ! Un grand balèze de Mexicain avec les moustaches et tout le bordel. Le macho de macho, tu vois. Et tous les soirs bing, bang… Et les voisins, dans l’immeuble, c’est tous des flics. On ne sait pas pourquoi on a loué cet appart en plein dans un immeuble de flics, hein, Carlo ?

Carlo :
Le hasard.

Loum :
Vous c’est là (geste) les flics c’est partout, oui ?

Carlo sourit un peu, ce qui ne suffit pas à donner à sa face sauvage l’air sympathique.

Carlo :
Exactement.

Haig :
Des fois, c’est pas de chance…

Carlo :
Des fois.

Félix :
Alors, au bout d’un moment, les autres ils vont le voir et ils lui disent : « Jefe, ça suffit, un homme ne peut pas se laisser taper dessus par sa femme comme ça ». Et l’autre, il leur répond : « Mais les gars, moi j’aime ça ! »

La tablée éclate de rire.

Félix :
« Moi j’aime ça… ». Un chef de flics, je te jure. Des épaules comme ça. Le type, il ne passait pas la porte. « Moi j’aime ça… ».

Les rires continuent, decrescendo, puis Carlo, s’étant servi un verre de vin, fait claquer la bouteille un peu plus fort que nécessaire en la reposant.

Carlo :
Bon, les gars…

Le silence se fait instantanément.

Carlo :
On ne va pas rester ici dix ans. Les canassons, ça va pour la survie, mais il faut qu’on trouve du pognon rapide.

Loum :
Toi Carlo toi Félix toujours jouer poker ?

Carlo :
Ouais. Tu connais des tables ?

Loum :
Moi c’est connaître.

Félix :
Eh, du bon poker, hein. Avec du vrai fric. Faut qu’on se remplisse.

Loum :
Moi c’est connaître.

 

EXT Nuit, zone commerciale

Un immense restaurant asiatique occupant un hangar de zone commerciale brille de toutes ses enseignes.

Sur le parking, un fourgon pourri. Assis à l’arrière, Haig lit un livre à la lumière d’une Maglite mini solitaire. Il jette un œil par la fenêtre à l’entrée du restau, se remue sur le fauteuil, cherchant une meilleure position, et soupire d’ennui.

 

INT Nuit, restaurant asiatique

En subjectif, la caméra traverse la grande salle du restaurant, longeant comptoir chargé de victuailles exotiques et tables de clients, passe une double porte, poursuit sa route à travers une immense cuisine où s’affaire une foule d’Asiatiques, monte un escalier de fer obscur et débouche sur une porte d’acier. Celle-ci est ouverte par deux hommes de sécurité en smoking dont l’un est Loum, qui s’effacent pour découvrir salle occupée par une demi douzaine de tables de poker.

L’assistance est en grande majorité mâle et asiatique. Devant une table buffet très achalandée en bouffe et en alcools, un petit nombre de personnes poireautent, parmi lesquels Félix – lequel a noué autour de son cou une cravate qui ne lui va guère.

 

INT Nuit, table de jeu

Un duel s’achève entre Carlo et un jeune asiatique. Un gros paquet de billets s’entasse au milieu de la table. Les autres joueurs, eux aussi asiatiques, observent la scène. Des plans rapprochés s’attardent sur leurs yeux attentifs.
Carlo relance. L’Asiatique suit pour voir. Carlo abat son jeu, découvrant un brelan de valets. Le jeune homme dévoile en souriant un full de dix par les dames et ramasse la mise. Carlo lui adresse un sourire chaleureux et se lève.

Carlo :
C’est bon pour moi. Bravo, camarade…

Le jeune (avec un accent marseillais surprenant) :
Vé, c’est pas de chance, ce soir. On vous reverra, j’espère !

Carlo sourit de nouveau et s’éloigne. Il rejoint Félix. Tous deux gagnent la sortie. À la porte, Carlo glisse quelques mots à l’oreille de Loum qui fronce les sourcils d’un air mécontent puis hoche la tête.

 

EXT Nuit, parking

Haig referme son bouquin et descend du fourgon en voyant Carlo et Félix s’approcher. D’autres clients sortent joyeusement du restaurant.

Haig :
Déjà ?

Carlo :
On attend un enculé.

Haig hoche la tête sans commentaire. Les trois hommes s’installent dans la voiture.

 

INT Nuit, salle de poker

Le jeune Asiatique salue des amis et quitte la salle. Il n’a pas beaucoup plus de vingt ans. Une dégaine plutôt rock, avec blouson teddy et boots pointues.
Quelques instants plus tard, Loum frappe sur l’épaule de son collègue en guise de salut et sort à son tour.

En bas de l’escalier, avant d’entrer dans la cuisine, le jeune Asiatique remarque Loum qui le suit et lui adresse un regard interrogateur. Loum lui sourit de toutes ses dents. Le jeune décide de passer outre.

 

EXT Nuit, parking

Des clients, parmi les derniers, sortent du restaurant. Le jeune sort après eux, toujours suivi de Loum.

Carlo, Félix et Haig descendent de la voiture.

Le jeune les aperçoit et a un mouvement de recul, mais une main de Loum s’est posée sur son épaule tandis que l’autre lui enfonce le canon d’un flingue dans les reins. Dépassant le groupe de clients qui s’attarde à discuter, le duo s’approche du fourgon.

Carlo :
Tu m’as triché.

Le jeune évalue la situation et ne la trouve pas à son avantage. Le groupe de clients s’est dispersé, les uns et les autres regagnant leur voiture. Le parking est désert. Dans la salle de restaurant, violemment éclairée, un serveur s’étire de fatigue.

Le jeune (écartant les bras dans un geste de conciliation) :
Ecoute, mec…

Carlo :
Je ne te le reproche pas. Tu gagnes ta vie comme tu veux. C’est normal. Seulement, tu m’as pris six cent trente francs à la loyale et huit cent soixante en trichant. Ceux-là, tu vas me les rendre.

Le jeune cille devant la précision des chiffres. Il dévisage tour à tour les membres du quatuor de forbans devant lui.

Plans successifs sur leurs yeux menaçants, qui ne cillent ni ne dévient d’un poil. Félix glisse ostensiblement sa main sous sa veste.

Au bout de plusieurs secondes de tension immobile, le jeune soupire et hoche la tête en signe de reddition. Il sort une liasse de sa poche et compte ses billets à Carlo qui les empoche.

Le jeune (accent marseillais) :
Oh, mec, je t’avais pris pour un gros cave. Ça arrive que des bourgeois viennent jouer là-haut pour se donner le frisson. Ça les fait bander de côtoyer la racaille avant de rentrer dans leur belle baraque. Ceux-là, je ne les loupe pas. Mais toi, je vois que tu n’es pas comme ça… (Il sourit et tend la main)… Sans rancune ?

Carlo (lui serrant la pogne) :
Sans rancune. Moi c’est Carlo. Voilà Félix, Loum et Haig.

Le jeune :
Moi, c’est Truong Simayaphat. C’est laotien. On m’appelle Sim.

Le quatuor s’apprête à remonter dans le fourgon.

Le jeune :
Eh, Les mecs !

Carlo :
Oui ?

Sim :
Je viens ici de temps en temps parce que les mecs qui tiennent la salle, c’est des vieux copains. Mais je connais des caves en ville qui jouent de la thune. Tu vois ce que je veux dire, mec : de la vraie thune ?

Carlo :
Je vois.

Sim :
Ça vous intéresse ?

Carlo :
Oui.

 

EXT Jour, Endoume

Plein soleil. Ciel bleu. Murs blancs. Toits ocres. Sim guide les quatre autres jusqu’à la porte d’une belle villa aux volets clos dans un quartier tranquille (Endoume). Il compose un code sur un clavier ultra moderne pour ouvrir.

 

INT Jour, villa

Le groupe visite. Sim ouvre une porte-fenêtre qui donne sur une terrasse. La lumière révèle une salle assez vaste, un salon bourgeois, au milieu du quel trône une table ronde recouverte d’une housse.

Carlo et Félix échangent des signes approbateurs.

Carlo :
C’est quoi, ici, un club ?

Sim :
Oui. C’était mon oncle qui s’en occupait. Fatche, c’est un bon, mon oncle. Il a dû se casser, disons… précipitamment. Il est à Hanoï, maintenant. Il y a du bon business, là-bas. Au moinsse, c’est ce qu’il dit.

Loum :
Ça ici fermé.

Sim :
Ca fait trois mois. Hmm… Un peu plus, même. Mais la réputation, elle est toujours là. Et les caves, on les siffle, ils reviennent de suite, garanti !

Félix :
Pourquoi tu ne t’en occupes pas toi-même ?

Sim :
Peuchère, mec, j’ai trois restaurants sur Marseille, une discothèque sur Istres, plus mes… comment dire ?… mes petits commerces avec le port autonome. J’ai pas le temps, tout simplement.

Haig :
T’as pas des gars qui bossent pour toi ?

Sim :
Putain, des employés, oui. Mais personne d’assez fiable. Si tu savais comme c’est compliqué de déléguer, en France ! C’est un pays malade. Moi, j’aurais pas ces business ici, direct je pars rejoindre mon oncle…

 

INT Nuit, grande salle de la villa

Caméra mobile : le même salon qu précédemment, bien éclairé, occupé par une douzaine de personnes. On part de Loum qui monte la garde à la porte, jambes écartées, mains devant les couilles. On longe la terrasse où deux joueurs prennent le frais, flanqués de filles étourdissantes en fringues ultra-sexy, puis un gigantesque buffet avec un nombre impressionnant de bouteille de booz. On survole la table où huit types sont plongés dans un jeu d’enfer.

À part nos pirates, ce sont des hommes murs, entrepreneurs et professions libérales, avec juste un léger semis d’air voyou dans la mise et dans les manières affectées de flambeurs. Au passage, on reconnaît parmi les joueurs Carlo, Félix et Haig.

La caméra se fixe sur Haig au moment où il se lève en colère.

Haig :
J’arrête, Merde ! Merde ! Merde ! Que des cartes de merde !

Il s’éloigne alors que les autres joueurs échangent des sourires moqueurs, qu’un des dragueurs de la terrasse, attiré par l’esclandre, s’empresse de venir prendre la place laissée libre, et que Félix réunit les cartes, s’apprêtant à distribuer.

Félix :
Messieurs ?…

 

INT Jour, bureau villa

À la fenêtre, le jour se lève. On entend des chants d’oiseau. Plan sur une machine à compter les billets en fonctionnement. Le plan s’élargit, montrant Haig et Loum, en débraillé, occupés à réunir le fric en liasses, tout en tétant du Jack à la bouteille.

Félix entre, veste à l’épaule, chemise déboutonnée, visage fatigué. Il s’empare de la bouteille de Jack, boit une rasade, pousse un gros soupir de soulagement.

Félix (levant le pouce vers Haig) :
Joli, ton petit scandale. Tu devrais faire du cinéma, parole !

Haig :
Je te l’ai dit : les pigeons adorent voir un autre perdre, ça les endort complètement.

Félix :
C’est sûr. Je les ai saignés après que tu te sois cassé. Saignés, les jolis petits notables !

Haig :
L’emmerdant, c’est qu’il faut faire gaffe à pas refaire le coup devant les mêmes mecs…

Félix :
Et encore… ils sont tellement caves.

Carlo entre, lui aussi en négligé et crevé.

Carlo :
Le fric ?

Haig :
On se gave.

Carlo s’écroule dans un fauteuil face au soleil levant.

Carlo :
Parfait, putain. Parfait…

 

(À suivre)

 

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