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Les Guerriers perdus, le film – Épisode 06

Publié par le 23 mars 2019

 

D’après mon roman Les Guerriers Perdus, éditions Taurnada, 235 pages, 9,99 €.

 

EXT Jour, Mali

Une jeune fille africaine nue chevauche un homme blanc. Jolis seins pointus qui tressautent, rigoles de sueur sur peau sombre, halètements.

La fille (accent africain, intonations de porno) :
Oui c’est bon j’aime ça la pute c’est twop bon…

Ce qui fait contraste avec son visage exprimant l’ennui et son regard ailleurs, attendant que ça se passe. On entend les râles de plaisir du type. Le champ s’élargit, découvrant une sorte de chambre misérable à ciel ouvert ceinte de cloisons de nattes de paille, entourée de forêt. Le couple s’ébat sur une couche de fortune surmontée d’une moustiquaire rose pour l’instant relevée.

Plan sur les feuillages percés de miettes de soleil.
Son : l’homme jouit.

 

EXT Jour, Mali, piste

Une paillote restaurant au bord de la piste, dans un espace gagné sur la forêt. Une 403 très bien entretenue est rangée devant. Quatre ou cinq tables pliantes assorties de chaises en plastique. Sur l’une d’elles, un Africain boit une bière Solibra. Une autre bière à demi pleine est posée sur la table. Accroupie en arrière-plan, une grosse mama est occupée à des fourneaux rudimentaires.

Contrechamp : la jeune fille émerge de la forêt de l’autre coté de la piste, rajustant sa robe. Derrière elle apparaît Haig qui rajuste sa braguette. Tous deux gagnent la paillote.Haig se saisit de la bière vacante et boit avec satisfaction. La jeune fille qui va rejoindre la mama.

Mama (en bambara s.t.) :
Combien il t’a donné ?

La fille exhibe des billets que la mama prend et enfourne dans un repli de son boubou.

Mama :
Va laver les marmites maintenant…

 

EXT Jour, restaurant

L’homme assis salue le retour de Haig. C’est un homme grisonnant très soigné de sa personne, en costume de toile épaisse. Des bagues et une montre en or attestent de sa relative prospérité.

Africain :
C’est bon, patron ?

Haig :
C’est bon.

Africain (sentencieux) :
À présent, il nous faut rouler de la plus vive allure si nous escomptons gagner Ségou avant la nuit tombée.

Haig :
Roulons…

L’Africain termine sa bière d’une lampée et se lève. Les deux hommes se dirigent vers la 403.

 

EXT Jour, piste

Musique africaine.

Soleil.
La 403 roule, toutes fenêtres ouvertes. À son bord, l’Africain qui conduit et Haig, sur le siège passager.

Montage tourisme. La piste traverse des zones de forêt et d’autres de savane d’herbe jaune. On y rencontre des piétons qui la longent, dont beaucoup de femmes en boubous bariolés portant des charges sur leur tête, et des hommes juchés sur d’antiques vélos. Une occasionnelle charrette de paysan. Un taxi brousse 404 bourré de monde et surmonté d’un impressionnant chargement de ballots.

 

INT Jour, voiture, paysage

Toujours la musique. Haig fume, relax, le bras à la fenêtre. Visiblement, il est heureux d’être là. Dehors, le soleil vaste et orange se penche sur l’horizon de savane jaune.

 

INT Jour, 403, rues de Ségou

C’est presque le crépuscule. La voiture circule le long d’une rue de sable de la petite ville de Ségou, entre deux rangées de maisons d’adobe beige et de rares constructions en « dur ». Une foule maigre et calme y déambule. On distingue des petits commerces de bouffe et de boissons.

La voiture se range devant un établissement en « dur » précédé d’une terrasse avec des tables rondes et des parasols.

Chauffeur :
Voilà, patron. L’Auberge de Ségou. Te voilà parvenu à bon port sans coup férir.

Haig :
Parfait.

Il compte des billets, paye le chauffeur et descend de la voiture.

 

INT crépuscule, salle de l’Auberge

Haig entre dans une salle semblable à celle d’un bistrot français des années soixante et va au comptoir de formica qui en occupe un côté. Derrière se trouvent une serveuse africaine et un homme corpulent et basané, libanais d’origine, visiblement le patron.

Haig :
Salut, Étienne.

Étienne :
Ça alors ! Haig ! Comment va, l’ami ?

Haig :
Bien, et toi,…

Les deux hommes se serrent la main. Obéissant à un coup de menton d’Étienne, la serveuse apporte deux verres de pastis et un pichet d’eau estampillé Ricard. Ils trinquent.

Étienne :
Qu’est-ce que tu fais par ici ? Tu reprends le commerce ?

Il appuie sa question d’un geste qui mime une arme.

Haig :
Non, je viens voir Boogie et Karzan.

Étienne :
Boogie et Karzan ? Tu retardes. Il y a presque un an qu’ils sont partis.

Haig :
Merde !

Étienne :
Ils sont à Gao, maintenant. Boogie a monté un garage là-bas. Un grand truc. Il bosse avec les pétroliers algériens. Il se fait des couilles en or, il paraît…

Haig :
Merde merde merde.

Étienne rigole et montre un antique combiné noir à côté de sa caisse enregistreuse.

Étienne :
On a le téléphone, à Ségou. On n’est pas tout à fait des sauvages. Tu aurais dû me passer un coup de fil…

Haig :
Putain… Justement, je peux avoir la France, avec ton biniou ?

Étienne (grimaçant) :
C’est pas trop la bonne heure, mais tu peux essayer…

Il pose le téléphone devant Haig. Celui-ci sort de son portefeuille un papier sur lequel est griffonné un numéro qu’il compose sur le cadran rotatif. Il attend, les yeux au ciel, tandis que la serveuse, obéissant à un geste d’Étienne, remplit les verres.

Haig :
Y a rien…

Étienne appuie sur la fourche du tranchant de la main et tire le combiné à lui.

Étienne :
Attends, laisse moi faire…

Il compose le numéro avec des poses attentives entre les séries de chiffres. Il grimace, raccroche, recommence. Il attend avec un geste de la main incitant Haig à la patience.

Étienne (dans le combiné) :
Allo ? Oui, allo ? Ne quittez pas, on vous parle de Ségou.

Il donne l’appareil à Haig.

 

INT Crépuscule, Marseille, villa

Félix au téléphone. Il est dans le bureau du premier étage où il est occupé à compter et réunir en liasses des billets avec Carlo. À l’arrière plan, Loum boit du scotch à la bouteille.

Félix (à Carlo) :
L’Afrique. Haig. (Dans le téléphone) : Allo ? Ouais, je t’entends. Alors ?

 

INT Nuit, Ségou, auberge

Haig :
Ils ne sont pas là. Ils ont déménagé sur Gao… Hein ?…

Félix (voix au téléphone) :
Tu ne pouvais pas téléphoner avant ?

Haig (agacé, levant les yeux au ciel) :
Gao, c’est pas le bout du monde. Je vais trouver une combine pour monter demain…

Étienne lui adresse une mimique approbative qui signifie : pas de problème pour ça. Et remplit les verres.

 

EXT Jour, terrain d’aviation

Un aéroport très rudimentaire : une piste de latérite flanquée d’un hangar en tôles rouillées vers lequel Haig se dirige.

Vu de loin : à la porte du hangar, un gros Africain accueille Haig. Il porte une casquette américaine et un tee-shirt aux couleurs rastas, jaune, vert, noir. On distingue à l’intérieur du hangar un avion neuf et deux ou trois antiquités plus ou moins démontées, visiblement hors d’état de voler.
On voit les deux hommes négocier. L’Africain fume, laissant échapper des gros nuages bien épais. Ils concluent le deal en se tapant la main. Dans un enthousiasme exagéré, l’Africain saisit Haig dans ses bras et l’entraîne dans un pas de danse grotesque.

 

EXT Jour, terrain d’aviation

L’avion est sur la piste : un Cessna aux deux moteurs vrombissant. Le gros Africain est aux commandes. Sur son tee-shirt, on peut lire en grosses lettres : « Burkina ». Haig monte à bord.

 

INT Jour, cabine

L’habitacle est décoré d’amulettes, d’effigies de la vierge et d’un portrait de Haïle Selassié. Les moteurs tournent à fond. L’appareil, freins bloqués, tremble de toute sa carcasse en bout de piste.

Burkina (hurlant par-dessus le fracas des moteurs) :
Jésus, Marie, Karl Marx et tous les saints, for the love of Jah, protégez-nous, inch’Allah, amen et honni soit qui mal y pense !

Il se signe et délivre les freins. L’avion se met à rouler en cahotant.

 

EXT / INT Jour, montage : paysages vues d’avion, cabine

Musique reggae.

Un vaste marais, dédale de flaques vertes qui étincellent sous le soleil et de sable roux. On aperçoit le large ruban vert du fleuve Niger au loin.

Plan de coupe cabine : Burkina et Haig se partagent un joint.

Plan sur l’avion brillant au soleil sur fond d’immensité bleue.

Plan de coupe cabine : Burkina a lâché les commandes. Il chante et fume, passe le cône à Haig.

Paysage au sol : nous sommes maintenant au-dessus du désert, une plaine infinie de couleur brunâtre.

Plan extérieur de l’avion.

Depuis l’intérieur de la cabine, on voit réapparaître le fleuve Niger et les cubes d’adobe grisâtre des maisons de Gao.

Burkina (consultant sa montre) :
Gao. Une heure pile. Qui c’est le meilleur ?

Haig :
C’est bon… C’est bon…

Burkina (clignant de l’œil, visiblement bien stoned) :
Et maintenant : banzaï !

Il pousse sur les commandes.

 

EXT Jour, piste d’atterrissage

Caméra au sol. Subjectif spectateur.
Au bout de son plongeon, l’avion se redresse au tout dernier moment et nous fonce dessus, de face. Touchant le sol, il soulève deux nuages de sable et rebondit, passant par-dessus nous. Au passage, on entend les cris enthousiastes de Burkina.

 

EXT Jour, piste

L’avion cahote sur la piste et s’immobilise auprès d’un hangar en tôle demi cylindrique encore plus rouillé que celui de Ségou.

 

EXT Jour, Gao

Haig marche en plein soleil dans une rue de Gao au sol de sable, large et déserte. On le voit s’approcher d’un vaste bâtiment recouvert de peinture blanche écaillée. Sur le muret d’enceinte, on peut lire en grandes lettres bleues : « Hôtel de l’Atlantide ».

 

INT Jour, salle de café

C’est une sorte de hall de gare défraîchi avec au plafond des ventilateurs qui ne fonctionnent pas. Derrière le comptoir de bois s’alignent des grandes glacières aux couvercles de contreplaqué. Quelques clients maliens et algériens, tous en tenue de camionneurs, bleus de travail maculés de cambouis et casquettes américaines ou chapeaux de brousse, se répartissent aux tables. La patronne des lieux est une Mauritanienne au teint très clair.

Haig (s’accoudant) :
Bonjour.

Patronne :
Monsieur. Vous voulez boire ?

Haig :
Une bière.

Patronne :
N’est pas fraîche, électricité n’est pas fonctionner.

Haig (ricanant) :
Comme d’habitude.

La patronne, pas aimable, hausse les épaules sans sourire et s’en va plonger dans une des glacières.

 

INT Jour, salle de café

Haig sirote une bière, avec déjà deux bouteilles vides devant lui. En arrière-plan, on remarque une tablée nouvelle de Musulmans sinistres en gandouras et turbans, aux barbes imposantes et aux allures martiales qui boivent du thé.

Un homme aux cheveux très blancs vêtu d’une combinaison de mécanicien rouge vient se poser à côté de Haig. On reconnaît Karzan, l’Afghan déjà aperçu lors de l’explosion de la mine aux Philippines.

Karzan :
C’est toi, mon ami ? (Il sourit largement, exhibant plusieurs dents en or, et se frappe le cœur du plat de la main). C’est toi, hein ?

Haig :
Karzan.

Karzan :
C’est bien toi, Haig, mon grand ami !

 

INT Jour, salle de café

La patronne pose une bière devant Karzan qui l’empoigne et l’engloutit en trois lampées. Il rote bruyamment.

Karzan :
Bismullah… Alors, mon frère, qu’est-ce que tu viens faire à Gao ? De nouveau dans le commerce ?

Comme Étienne précédemment, il mime le geste de tirer au fusil.

Haig :
Non. C’est Carlo qui m’envoie.

Karzan (faisant signe à la patronne de resservir) :
Carlo… Toujours en tandem avec Félix ?

Haig :
Toujours.

Karzan :
Ces deux-là !… Toujours poussés par le vent de l’aventure ?

Haig :
Toujours…. Tu te souviens de notre serment, aux Philippines ?

Karzan (sourire et dents en or disparus) :
Oh. Je vois. C’est à propos de Vanda ?

Haig :
Oui. Ils l’ont retrouvée. Alors je viens vous chercher, toi et Boogie.

Karzan (se renfrognant) :
Ah, Boogie… soupira-t-il.

Haig :
Quoi ? Il n’est plus là ?

Karzan :
Oui, oui, il est là. Mais…

Haig :
Mais quoi ?

Karzan (embarrassé) :
Tu reprends une bière, mon ami ?…

(À suivre)

 

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