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Les Guerriers perdus, 2ème partie – Épisode 03

Publié par le 6 juillet 2019

 

D’après mon roman Les Guerriers Perdus, éditions Taurnada, 235 pages, 9,99 €.

 

EXT Jour, Albanie, port de Durrës

Un ferry aux couleurs d’une compagnie italienne est à quai. De sa cale ouverte sort une file de camions. Si le bateau est relativement neuf, les installations portuaires sont un désastre : béton crevassé et métal rouillé.

Plan de coupe sur Haig qui descend par une passerelle, un sac léger à la main.

 

EXT Jour, Albanie, port de Durrës

Plan général : on le voit s’arrêter devant une rangée de taxis, principalement des Mercedes de modèle ancien, et parlementer avec un chauffeur.

 

EXT Jour, route Durrës – Tirana

La Mercedes choisie par Haig, grise avec une aile avant rouge, roule sur une route dont le ruban d’asphalte est neuf, noir et brillant. On distingue de chaque côté de la chaussée de vastes étendues de bunkers à dômes de ciment.

 

INT Jour, habitacle de la Mercedes

Sur la banquette arrière, Haig a l’air étonné en regardant les champs de bunkers. Dans le rétroviseur l’observe le visage du chauffeur, un gros jovial au visage barré de grosses moustaches en crocs.

Chauffeur :
Italiano ?

Haig :
Français.

Chauffeur :
Frrance trrès bon, bonjour merrrci komme t’allé vo ?… Ah, ah !… Je Stanislas.

Haig :
Haig.

Stanislas :
Heug ?

Haig :
Haig. C’est irlandais. Je suis français mais mon nom est irlandais.

Stanilas :
Hollande ? Amterdam sehr gütt !

Haig :
Non. Irlande. Comme Angleterre. À côté…

Stanislas :
Inglish verrry goot, hao are yo please to mitt yo !

Stanislas reporte son regard sur la route et pousse un grognement : devant la voiture est apparu un encombrement.

 

EXT Jour, route

La Mercedes se fraie un chemin à coups de klaxon à travers un embouteillage de charrettes tirées par des chevaux et de vieux camions. Au bout d’une cinquantaine de mètres, on en découvre la raison : un antique tracteur gît en plein milieu de la route, essieu avant cassé, entouré de paysans à l’allure un peu turque et de soldats en uniformes mal coupés. La Mercedes dépasse l’obstacle et reprend sa course.

 

INT Jour, habitacle

Stanislas (depuis le rétro) :
Tu Trravail qué fairre ?

Haig (mimant le geste de prendre une photo) :
Photographe.

Stanislas :
Photogrrraphe ? Oh, buono ! Che fotografi ?

Haig :
Photographe des animaux. National Geographic. Tu connais ?

Stanislas :
Animali ? Oh buono ! Toi fotografia animali di Albania ?

Haig :
Exactement. Moi aller nord de Albanie. Shkodër. Photographe animal des montagnes. National Geographic.

Stanislas :
Shkodër ? Norte ? Buono !

 

EXT Jour, faubourgs de Tirana

La Mercedes traverse maintenant une banlieue laide à pleurer, faite de petites usines mortes, d’entrepôts de parpaings et de tôles et de baraques en ruines

Stanislas :
Toi Tirana prrremièrre momentt ?

Haig :
Oui.

Stanislas :
Albergo ? Hôtel ? Toi qué dormir savoirrr ?

Haig :
Non.

Stanislas :
Toi venirrrr. Moi buono albergo savoirr. Ska problem (Pas de problèmes) !

Haig :
Okay.

Stanislas (éclatant de rire, frappant son volant) :
Okaye ?… Ah, ah, okaye ! Okaye, okaye ! parler america ! Buono !

 

EXT Jour, rue de Tirana

La Mercedes garée dans une rue défoncée et jonchée d’ordures, devant un petit immeuble grisâtre sans enseigne. Stanislas ouvre la portière à Haig qui descend, son petit sac à la main.

 

INT Jour, « hôtel », cuisine

Plan sur un portrait d’Enver Hodja en costume mao, abondamment retouché, accroché de travers sur un mur lézardé. Le plan s’élargit, montrant une cuisine misérable au sol gondolé, où s’entassent trois couples et une ribambelle de gosses de tous âges. Stanislas guide Haig à travers cette petite foule, adressant aux occupants des phrases en albanais, jusqu’à un escalier étroit.

 

INT Jour, « hôtel », chambre

Une très petite pièce éclairée par une lucarne qui donne sur un terrain vague couvert d’ordures. Un petit portrait d’Enver Hodja en uniforme militaire sur un mur. Pour seuls meubles : un lit de bois et une armoire housse neuve en plastique à motifs de fleurs.

Haig déballe son maigre bagage. Stanislas, curieux, les yeux fureteurs, l’observe depuis le pas de la porte.

Stanislas :
Toi fotografia où matérriel toi ?

Haig :
Pas apporter avec moi. Frontière. Moi pas tranquille.

Stanislas (hochant vigoureusement la tête) :
Buono ! Buono !… Toi raison bien fairrre… Douane tutti bandits volé tutti… Ma alors, che fotografia ?

Haig :
Acheter ici. Comperare.

Stanislas se réjouit visiblement, les yeux pétillants d’intérêt. Du pouce et de l’index, il fait le geste de l’argent.

Stanislas :
Comperare ? To buy achète Kamera, oui ?

Haig :
Oui.

Stanislas (éclatant de joie) :
To buy Kamera, oui, moi connaître ! Ska problem. Venirr. Molto pas cher !…

Haig :
Okay.

Stanislas :
Okaye. Buono. Okaye. (Il s’assombrit soudain). Heug, scusi, toi paye euross ?

Haig (secouant la tête et frappant sa poche) :
Non. U.S. dollars.

Stanislas (toute joie retrouvée) :
Dollares. Buono ! Venir…

Haig :
Aussi comperare fusil. (Il mime le geste d’épauler). Gun. Fusil. Capice ?

Stanislas :
To buy achète carabina ?

Haig :
Oui. Carabina.

Stanislas :
Dollares américains ?

Haig :
Dollares.

Stanislas lève les deux bras au ciel, tournoie sur place. Trois gamins montés par curiosité pour l’étranger, qui se tenaient à demi planqués de chaque côté du chambranle, éclatent de rire.

Stanislas :
Buono ! Buono !

Les enfants :
Buono ! Buono !

Stanislas :
Carabina okaye. Je savoirr. Toi venirr. Ska problem !

 

EXT Jour, quartier de Rruges Barduum

La Mercedes cahote lentement le long d’une ruelle boueuse. Des ordures partout. La voiture s’arrête. Stanislas descend et se précipite pour ouvrir la portière à Haig. Ils empruntent un sentier entre deux grillages rouillés.

 

EXT Jour, quartier de Rruges Barduum

Les deux hommes devant un entrepôt de parpaings d’allure minable et à la porte en tôle repeinte au minium, fermant par un système de chaînes pour l’heure pendantes.

Haig (dubitatif) :
Camera ici ?

Stanislas :
Po ! Po ! (Oui ! Oui !). Venirr. Ska problem…

Il cogne du poing plusieurs fois contre la tôle, la pousse et invite Haig à entrer.

 

INT Jour, entrepôt

Gros plan du visage de Haig dont les yeux s’écarquillent.

Contrechamp sur l’intérieur de l’entrepôt, capharnaüm de matériel d’optique : dizaines de présentoirs à lunettes, armoires bourrées de boîtiers d’appareils photo et d’objectifs, bacs entiers de paires de jumelles, télescopes montés sur trépieds, d’autres pendus par grappes au plafond, comme des saucissons dans une charcuterie. Au milieu, un gigantesque tas de montres en vrac, comme si on en avait amené un plein camion et vidé la benne sur le sol.

Le propriétaire des lieux s’avance : un vieillard chétif sanglé dans une blouse blanche immaculée. A son cou pend en sautoir une loupe monoculaire de bijoutier ou d’horloger. Stanislas s’adresse à lui en albanais. On saisit le mot « kamera ». Le vieux hoche la tête.

Vieux :
Dollares ?

Stanislas :
Dollares america !

Le vieux hoche de nouveau la tête et invite Haig à le suivre.

 

EXT Jour, quartier de Rruges Barduum

La Mercedes dans une ruelle étroite. Toujours des ordures.

 

INT Jour, cave

Stanislas et Haig descendent les marches de pierres d’un sous-sol jusqu’à une longue cave voûtée. Tenus par des chaînes sur le seuil de celle-ci, trois grands chiens-loups à l’air fou furieux leur hurlent dessus. Un type à la tignasse en désordre, la barbe mal rasée, le bide proéminent sous un chandail troué et un ancien pantalon d’uniforme militaire surgit. Il tape à grands coups de barre de fer le sol devant les chiens qui finissent par se calmer.

Tandis que Stanislas et le gros échangent des mots en albanais, nouveau gros plan de Haig surpris qui soupire, presque amusé et secoue la tête. « C’est pas possible ».

Contrechamp : un véritable arsenal tout au long de la cave, composé de fusils d’assaut soviétique AK 47 rangés sur des râteliers et d’armes de poing dans des cantines métalliques.

Stanislas (à Haig) :
Kalachnikov. Buono. Très bon. Pas cher.

Haig :
Non. Je veux un fusil pour la chasse. Hunting. Animals, capice ?

 

INT Jour, cave

Le gros met dans les mains de Haig un fusil de chasse Baïkal, de fabrication russe, calibre 12 magnum. Haig hoche la tête.

 

INT Jour, cave

Haig puise dans une malle un petit Tokarev Flamingo 9 mm, l’essaie à sa main, vise et le glisse dans sa ceinture et hoche la tête en direction du gros : « Je le prends aussi ».

Haig remplit la main du gros vendeur d’armes de dollars sous le regard hautement approbateur de Stanislas.

 

INT / EXT Jour, rues et entrepôts, parc automobile

Montage de plans courts : la Mercedes dans des ruelles, Stanislas et Haig devant des entrepôts, Haig achetant un sac de couchage, une tente à montage rapide, des tenues camouflage, des boîtes de conserves et des sachets de soupe…

Stanislas et Haig cheminent à travers un vaste terre-plein entouré de grillages  où s’alignent une quantité invraisemblable de véhicules : vieux camions et vieilles jeeps soviétiques, berlines européennes plus neuves, matériel agricoles hors d’âge, 4×4 neufs et motos, petites cylindrées japonaises encore sous leur plastique de protection…

 

CUT

 

EXT Jour, petit matin, route

Haig à bord d’un lourd side-car 750 cc de la marque Ural peint en vert olive. Il s’arrête alors que la route traverse un village.

Plan sur le side empli de matériel et de vivres.

Haig contemple le décor : des ruines de cabanes en pierres consolidées à la tôle ondulée et des maisons rudimentaires en plots de ciment. Personne. Pas un animal. Pas une touche de peinture. Pas une fleur.

Haig grimace devant la tristesse du lieu puis remet les gaz.

Le side-car s’éloigne en cahotant.

 

(À suivre)

 

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